
El Moudjahid : Quels sont les plastiques à usage unique les plus répandus dans notre environnement, et pourquoi posent-ils un problème particulier ?
Hamdi Boualem : Les plastiques à usage unique sont des produits conçus pour être utilisés une seule fois, avant d’être jetés. En Algérie, ils ont envahi notre quotidien. Leur prolifération s’explique par une combinaison de facteurs sociaux, économiques et culturels. Les changements dans les modes de vie et les habitudes alimentaires, marqués par la montée du prêt-à-consommer, de la restauration rapide et du suremballage, ont entraîné une demande accrue de produits pratiques et jetables. La recherche de commodité, de gain de temps, mais aussi de confort personnel, notamment dans les repas pris hors domicile, renforce cette tendance. À cela s’ajoute la quête d’esthétique : de nombreux plastiques à usage unique sont colorés, brillants, visuellement attractifs et faciles à personnaliser. Ils permettent une présentation soignée des produits. Les plastiques à usage unique, après un bref passage entre les mains du consommateur, entament un parcours souvent invisible mais destructeur dans l’environnement. Jetés à même le sol ou abandonnés, ils sont facilement emportés par le vent ou les eaux de pluie. Ainsi, un sac plastique oublié sur un trottoir peut se retrouver, en quelques jours, suspendu à un arbre, piégé dans un oued, ou flottant à la surface d’un barrage. Les zones urbaines, avec leur densité humaine et leur production massive de déchets, constituent le point de départ principal de cette dispersion. Mais ce sont les milieux naturels aquatiques, agricoles et forestiers qui en subissent les conséquences les plus profondes. Dans les champs, les résidus plastiques nuisent à la qualité des sols, entravent la croissance des cultures et contaminent les systèmes d’irrigation. Dans les rivières et les zones littorales, ils s’accumulent en couches visibles et invisibles, mettant en péril la biodiversité aquatique. Même dans les zones rurales et montagneuses, autrefois épargnées, on observe désormais une contamination progressive par des déchets plastiques portés par les vents ou les crues saisonnières. Cette pollution n’a pas de frontière. Les déchets plastiques voyagent sur de longues distances, franchissant parfois les limites nationales. Ils deviennent ainsi des déchets transfrontaliers, affectant des pays voisins ou des régions côtières éloignées. La bouteille jetée dans une rue d’Alger peut, en fin de cycle, échouer sur une plage de Tunisie ou se fragmenter dans la Méditerranée. Cela souligne l’urgence d’une coopération régionale et internationale pour faire face à ce fléau planétaire.
Quels sont les effets connus de cette pollution sur les écosystèmes terrestres et aquatiques, ainsi que sur la chaîne alimentaire humaine ?
Les plastiques à usage unique, largement répandus et extrêmement persistants dans l’environnement, se fragmentent en micro et nanoplastiques sous l’effet des UV, des frottements et des conditions climatiques, infiltrant durablement les sols, les rivières, les lacs et les océans. Ces particules colonisent les écosystèmes terrestres et aquatiques, perturbent la croissance des plantes, modifient la structure des sols, affectent la reproduction, le comportement et la survie de nombreuses espèces animales par ingestion, obstruction ou empoisonnement, et agissent comme vecteurs de polluants organiques persistants (pesticides, hydrocarbures, métaux lourds). En s’accumulant dans les tissus des organismes vivants, ces substances toxiques remontent la chaîne alimentaire jusqu’à l’homme, exposant les populations à des perturbateurs endocriniens (phtalates, bisphénol A), des effets cancérigènes, des troubles métaboliques, neurologiques et immunitaires, transformant un objet jetable et banal en une menace systémique. Les microplastiques ne se contentent pas de polluer l’environnement ; ils envahissent nos assiettes. Présents dans les aliments et l’eau potable, ils représentent un risque sérieux pour la santé humaine. Chaque mois, nous ingérons en moyenne 20 grammes de microplastiques, l’équivalent d’une carte de crédit. Ces particules ont été retrouvées dans des organes vitaux comme le cerveau, le sang, l’utérus, le foie et les muscles. Une invasion silencieuse qui nous concerne tous. Les conséquences sur la santé sont alarmantes : cancers, troubles hormonaux, maladies respiratoires et bien d’autres problèmes sont liés à l’accumulation de ces particules dans notre organisme. Une crise sanitaire majeure se profile à l’horizon.
Face à cette situation, quelles sont les pistes les plus réalistes pour réduire notre dépendance au plastique à usage unique, notamment dans les pays en développement ?
La réduction de la dépendance au plastique à usage unique, notamment dans les pays en développement, exige une vision politique ambitieuse, une implication communautaire forte et une éducation environnementale systématique. Si les solutions classiques résumées par les «3R» — réduction, réutilisation, recyclage restent essentielles, elles demeurent largement insuffisantes sans une véritable prise de conscience collective du danger sanitaire et écologique. Cette conscience ne peut émerger que par des campagnes de sensibilisation massives, continues et adaptées mais aussi les espaces éducatifs, culturels et religieux. L’écologie doit être inscrite de manière obligatoire dans les programmes scolaires, du primaire à l’université, pour former des citoyens responsables dès le plus jeune âge. Les mosquées, en tant que lieux d’influence sociale et spirituelle, peuvent jouer un rôle essentiel dans cette prise de conscience, en abordant la protection de l’environnement comme un devoir éthique et religieux. L’État doit non seulement appliquer une politique de réduction des plastiques non biodégradables, mais aussi soutenir activement les associations environnementales engagées dans des programmes concrets et crédibles. C’est en rassemblant les efforts des pouvoirs publics, des éducateurs, des leaders d’opinion, des médias et de la société civile que pourra émerger une véritable transition vers une économie verte, inclusive et protectrice de la santé des citoyens et des générations futures.
A. F.