Pôle pénal chargé des infractions liées aux TIC : Un bouclier contre la cybercriminalité

ph. : B. B.
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Réalisé par : Neila Benrahal

Le pôle pénal chargé des infractions liées aux TIC a été créé sur instructions du président de la République et il est chargé de la lutte contre la cybercriminalité, avec compétence exclusive en matière de lutte contre les atteintes à la sécurité de l’État et la défense nationale. Les affaires de l’escroc présumé, Yakoub Belhasni, de Mohamed Abdellah et Mohamed Benhalima, mis en cause pour adhésion à un groupe subversif ciblant la sécurité de l’État et l’unité nationale, y sont traitées.

Le législateur a anticipé la prévention et la lutte contre la cybercriminalité. Une juridiction spécialisée a été créée pour traquer les crimes sur la toile : atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données, escroquerie, fraude aux systèmes de paiement, atteinte à la sécurité nationale et signalement de contenu lié au terrorisme. Il s’agit du pôle pénal chargé des infractions liées aux technologies de l’information et de la communication.
Le pôle est situé au 4e étage du siège du tribunal de Dar El Beida. Il est 14h en cette journée pluvieuse de mardi. Au niveau de ce tribunal, on ne traite que des dossiers de cyber-criminalité. Le juge d’instruction vient de clôturer une affaire liée à une infraction aux TIC. Il a ordonné le placement sous mandat de dépôt de deux mis en cause après plusieurs heures d’audition.
La création d’un pôle pénal chargé des infractions liées aux TIC s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des instructions du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors d’une réunion du Haut conseil de sécurité consacrée à l’examen et au suivi de la situation générale sur les plans sécuritaire et sanitaire.

Fini l’anonymat pour les cyber-délinquants et cyber- terroristes

«C’est un pôle à compétence nationale. Il est notamment chargé de la poursuite et de l’instruction des infractions liées aux technologies de l’information et de la communication et des infractions qui leur sont connexes. Il est également compétent dans le jugement des infractions liées aux technologies de l’information et de la communication. Au sens de ce décret, il s’agit de toute infraction commise ou dont la commission est facilitée par l’utilisation d’un système informatique ou un système de communication électronique, ou tout autre moyen ou procédé lié aux technologies de l’information et de la communication lorsqu’elles constituent des délits.
Ce décret stipule que «le procureur de la République près le pôle pénal national de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication, le juge d’instruction et le président dudit pôle exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national».
Le procureur de la République près ce pôle, le juge Sebti Hassni Menai, qui nous a reçu dans son bureau, a souligné que la lutte contre la cyber-criminalité est «une priorité majeure dans la politique pénale nationale. La création de ce service répond à une préoccupation de traiter sur le plan pénal ce type d’infractions, outre la création d’un organe national de prévention et de lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication placé sous l’autorité du président de la République». Cet organe, doté de moyens, est chargé de la réalisation d’expertises judiciares et l’assistance des services de la police judiciaire en matière d’investigations, précise-t-il.
Il a les prérogatives exclusives de mettre une personne sous surveillance électronique. Composé de magistrats, de représentants du ministère de la Défense nationale et des différents services de sécurité, des visites inopinées sont opérées pour conformité de la sécurité des systèmes d’information, afin d’assurer la pérennité des entreprises publiques, détaille le magistrat.
Le pôle pénal national de lutte contre les infractions liées aux TIC a une compétence exclusive dans la poursuite, l’instruction et le jugement de ce type d’infractions de grande complexité et celles qui leur sont connexes, telles les crimes portant atteinte à la sécurité d’Etat, à la défense nationale, la diffusion de fausses informations et les atteintes aux systèmes de traitement automatique des données, notamment des administrations et des entreprises publiques.

N. B.

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La preuve numérique…

Le procureur de la République a soutenu que la preuve numérique est la pierre angulaire dans la lutte contre la cybercriminalité, d’où la nécessité de la préserver. Une lutte efficace contre cette forme de criminalité implique une coopération internationale intense, vu qu’il s’agit de crimes transfrontaliers dont l’identification des auteurs est difficile, notamment dans un contexte où les preuves numériques peuvent facilement être supprimées. Il a précisé que la cybercriminalité est une criminalité transnationale qui nécessite une coopération transnationale, un travail en réseau, une réaction rapide pour préserver la preuve immatérielle qui est de nature volatile. Dans ce domaine, la clé réside dans la coopération internationale. Nous recourons généralement aux commissions rogatoires ou demande directe de coopération internationale», fait-il savoir. Le magistrat a relevé «une coopération notamment dans les affaires liées aux agressions sexuelles sur mineur et la menace de la vie privée des personnes».
La spécialisation est nécessaire afin de mener les investigations les plus complexes et sensibles. Le pôle est composé de cyber-juges, des magistrats spécialisés formés en la matière en raison de la technicité des infractions de cybercriminalité. Le procureur de la République près le pôle a un bagage informatique conséquent avec une formation de pointe.
Le ministère de la Justice accorde un intérêt particulier à la formation de la ressource humaine, notamment les magistrats afin de «renforcer les capacités et connaissances des cadres, notamment les magistrats, pour «une justice de qualité» et adaptée aux défis et menaces, tels que la cybercriminalité et la corruption».
En ce sens, plusieurs actions de formation ont été programmées, dont un atelier de travail national en ligne, sur «la préparation du rapport annuel sur la situation de la cybercriminalité et les preuves électroniques», dans le cadre du programme européen de lutte contre la cybercriminalité (CyberSud).
Par ailleurs, quatre autres magistrats des juridictions, avec un magistrat et un ingénieur en informatique de la direction générale de la modernisation de la justice, ont participé à une série de webinaires sur «les applications cryptographiques dans le domaine de la cybercriminalité et/ou de la criminalistique numérique». Cette session de formation a été organisée par l’organisation internationale de la police criminelle (Interpol) et le programme Glacy de lutte contre le cybercrime, en présence de représentants de la DGSN et des organes chargés de la formation, dans ce domaine et de formateurs.
Le procureur de la République Menai Hassni Sebti a mis en garde contre les conséquences graves de cette activité criminelle, sur les systèmes informatiques et sur la vie privée des personnes, mais aussi sur les entreprises économiques. Il a appelé en ce sens, à la nécessité de se doter d’un système performant de sécurité pour prévenir tout piratage. La cybersécurité consiste en des dispositifs qui sont censés prémunir contre ces effets. Il a rappelé qu’un décret présidentiel portant mise en place d’un dispositif national de la sécurité des systèmes d’information a été promulgué en janvier 2020 et prévoit, notamment, l’élaboration d’une stratégie nationale en la matière, incluant des investigations numériques en cas d’attaques cybernétiques ciblant les institutions nationales.
Aussi, il a insisté sur la sensibilisation, notamment des mineurs, sur les dangers de l’utilisation d’internet. La création du pôle spécialisé est une réponse à l’évolution des nouvelles menaces criminelles, notamment la criminalité organisée. Une réponse qui doit être accompagnée de mesures préventives afin d’anticiper ces menaces et d’éviter des conséquences, notamment sur la vie privée des personnes et des entreprises économiques.

Neila B.

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600 signalements en une année  :
L’escroquerie en ligne fait ravage

On constate une augmentation du nombre des saisines. Les signalements parvenus des différents parquets ont enregistré une hausse significative en raison d’une utilisation accrue de la technologie. Le pôle a été destinataire de 600 signalements durant l’année 2023. Le juge a expliqué que les signalements proviennent des 48 Cours de justice et 32 tribunaux à travers la messagerie électronique interne du ministère de la Justice. L’activité est intense, soit l’instruction de 60 dossiers consistants par an, et les affaires liées aux discours haineux sont en hausse. le juge a précisé en ce sens, que la loi
n°20-05 du 28 avril 2020 relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine a permis la géolocalisation.
Ce pôle travaille directement en matière d’expertise avec le laboratoire scientifique et technique de la police et l’Institut national de la criminalité et criminologie de la Gendarmerie nationale à Bouchaoui. Il est composé de deux chambres d’instruction qui examinent quotidiennement des affaires liées notamment aux atteintes aux systèmes automatiques d’information et de l’escroquerie électronique qui fait des ravages.
C’est au niveau du parquet de ce pôle que l’escroc présumé, Belhasni Yakoub, extradé d’Allemagne, a été placé en détention provisoire pour utilisation des technologies de l’information et de la communication et usurpation d’une fonction réglementée civile et militaire.
Belhasni Yakoub fait l’objet de plusieurs mandats d’arrêts internationaux émis par les autorités judiciaires pour délits et tentative d’escroquerie à travers l’utilisation des TIC, usurpation d’une fonction réglementée civile et militaire, et faux en écriture publique en infraction des dispositions de la législation et de la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger. «Les victimes se présentent toujours et l’instruction se poursuit», affirme le magistrat. Aussi, Mohamed Azouz Benhalima et Mohamed Abdellah, deux déserteurs des rangs de l’ANP et de la Gendarmerie nationale, expulsés d’Espagne, ont été également auditionnés pour plusieurs affaires liées à leurs publications et diffusions de vidéos sur les réseaux sociaux.
Parmi les affaires phares examinées par le pôle, celle de l’exploitation sexuelle d’élèves du cycle primaire sur facebook. «Suite à l’identification et la localisation des individus impliqués dans cette affaire, nous avons ordonné la fermeture de tous les groupes en un temps record». Benhalima et Mohamed Abdellah sont aussi poursuivis pour adhésion à une organisation terroriste. Leur poursuite relève de la section de lutte contre le terrorisme et le crime organisé transfrontalier. Le magistrat a expliqué que si la compétence du pôle pénal national de lutte contre les infractions liées aux TIC coïncide avec celle du pôle économique et financier, la compétence revient d’office à ce dernier». Elle exerce sa compétence nationale aussi en cas de pluralité d’auteurs ou de victimes de manière à éviter la conduite d’enquêtes parallèles par plusieurs parquets locaux.
Il a ajouté que la loi stipule que si la compétence du pôle pénal national de lutte contre les infractions liées aux TIC coïncide avec celle du tribunal siégeant au chef-lieu de la Cour d’Alger, conformément aux dispositions des articles 211 bis 16 à 211 bis 21 du présent code, la compétence revient d’office à ce dernier.
Menai Hassni Sebti a affirmé que l’instruction judiciaire dans des crimes liés aux TIC sont spécifiques, car en lien direct avec la vie privée des personnes d’où l’obligation de faire preuve d’un haut degré de vigilance durant l’enquête préliminaire par l’enquêteur informaticien et l’instruction judiciaire.

Neila B.

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