Habitants d’Ighil N’Zekri et d’Ait Chaffaa à Tizi Ouzou : Ce à quoi rêvent les villageois

Alors que le programme de prise en charge des zones d’ombre est en phase finale, à Zekri, commune agropastorale à 60 kilomètres de Tizi Ouzou, certains villages attendent avec impatience la joie de fêter leur accès aux projets généreux lancés par les pouvoirs publics dans le cadre de l’éradication des zones d’ombre. Il s’agit notamment des réseaux électriques, d’AEP et d’assainissement.

C’est le cas de six villages, Bounaamane, Amalou, Tighzert Oussalah, Tizeghouine, Bougherche et Tala Iboudadene dont les populations ont été contraintes à l’exode par deux fois. La première, en raison des harcèlements de l’armée coloniale qui les bombardait sans relâche pour les obliger à se couper définitivement des moudjahidine. Le deuxième exode est intervenu durant les années 1990 date à laquelle des groupes terroristes avaient infesté la région, menaçant la population de représailles si jamais elle les dénonçait aux services de sécurité. Après près de deux décennies d’exil intérieur, l’appel de la terre a progressivement fait son effet et les habitants ont commencé à se sédentariser, après le retour de la paix et la stabilité dans cette région forestière. Beaucoup de villageois s’y sont installés en dépit de l’absence de certaines commodités nécessaires. A Bounaamane, ils sont déterminés à redonner vie à leur village historique ayant abrité l’un des postes de commandement de la wilaya III Historique et plusieurs abris à l’instar de l’hôpital, l’armurerie, l’atelier de confection des tenues militaires de l’Armée de libération nationale (ALN). Après le bitumage récent de la route qui relie ce village au chef-lieu de commune de Zekri, ce qui est en soit une très grande réalisation, la population, par le biais du président du comité de ce village, Mohand Mouhoub, espère la concrétisation de la promesse des autorités locales de procéder à l’électrification de Bounaamane, au plus tard en janvier prochain. Celui-ci, en compagnie des villageois, était en plein volontariat de nettoyage des accotements de la route et des rigoles en prévision de la saison hivernale.

La joie de l’électrification

Le village est actuellement électrifié par des groupes électrogènes achetés grâce aux cotisations des villageois. « Nous ne pouvons plus continuer à vivre ici sans l’électricité qui est primordiale pour la sédentarisation des habitants », dira encore notre interlocuteur, en précisant que l’eau potable est disponible grâce à une sonde réalisée par les villageois eux-mêmes. Pour le désenclavement total de ce village, le représentant de la population de Bounaamane invite les autorités locales à accélérer le lancement des travaux de bitumage d’un tronçon de la piste le reliant au village Tigrine (Ait Chaffaa) sur une longueur de 1.4 kilomètre. « Le bitumage de ce tronçon de piste soulagera aussi bien notre village que celui de Tigrine », explique M. Mouhoub. Le déminage du périphérique du PC pour y accéder en toute sécurité est également sollicité par le comité de ce village pour faire de ce haut lieu de mémoire une destination touristique et de recherche historique. Hormis ces insuffisances qui ne tarderont pas être prises en charge par les pouvoirs publics, la population de Bounaamane s’est organisée avec ses propres moyens pour encourager la sédentarisation de ses habitants dont la majorité vit à Alger. Non loin de ce village historique, Tighzert Oussalah est lui aussi dans l’attente de son électrification. Constitué de quelques maisons anciennes et nouvelles, le village, dont les habitants sont animés d’une ferme détermination de le réhabiliter, est relié par une piste à la route qui mène au chef-lieu de Zekri. Les habitants sollicitent le bitumage de cette piste qu’ils ont réalisés avec leur propre financement, nous diront les délégués de ce village, MM. Mouhoub Mohamed, Ahmed et Brahim et Benmihoub Kamel, rencontrés à la placette du village qui est, elle aussi, aménagée par les villageois. « C’est tout de même incompréhensible que ce hameau déshérité n’est pas classé zone d’ombre par les autorités locales », s’interrogent ces mêmes délégués. Situé à 5 kilomètres du chef-lieu de commune, ce village ne dispose pas des réseaux d’assainissement et d’AEP, se plaignent-ils également, en sollicitant l’intégration de leur village dans la liste des zones d’ombre afin qu’il bénéficie de la prise en charge adéquate par les pouvoirs publics. Dans l’attente de la prise en charge de ces doléances légitimes, les habitants de ce village bombardé pendant la guerre de Libération et évacué durant la décennie noire du terrorisme continuent d’occuper les lieux où ils ont aménagé une fontaine et anticipé la pose de poteaux pour l’éclairage public en prévision du raccordement du village au réseau électrique. Les villages Tala Iboudadene, Tizeghouine et Amalou sont également dans l’attente de l’électrification. A vocation agropastorale, ces petits hameaux pittoresques et paisibles sont reliés par des chemins à la route desservant le chef-lieu de la commune Zekri. L’opération de bitumage menée récemment est un début pour le retour des habitants de ces hameaux qu’ils ont quittés. La volonté de retour est manifeste chez les habitants livrés aux aléas de la nature. Selon des villageois rencontrés sur place, le raccordement de ces pâtés de maisons au réseau électriques signera la sédentarisation de la majorité des villageois, victimes de l’exode forcé.

Un vœu partagé

`Rabah Sedik, militant associatif et secrétaire de la Kasma locale de l’organisation nationale des moudjahidine (ONM), est catégorique quant à la volonté des citoyens de s’établir définitivement dans leurs villages une fois que toutes les conditions permettant une vie sereine seront réunies par les pouvoirs publics, particulièrement l’électricité, l’AEP et l’assainissement que revendiquent depuis des années ces villageois. « N’oublions pas que ces villages ont souffert durant la guerre de Libération pour avoir été un soutien sûr et indéfectible aux maquisards et pendant la décennie noire du terrorisme. Aujourd’hui ils ont le droit d’être raccordés au réseau de l’électricité ». En dépit de cette situation, « ils ne sont pas classés zones d’ombre pour bénéficier du programme destiné à la prise en charge de ces zones décidé par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune », déplore M. Rabah Sedik qui a été notre guide durant notre immersion dans cette région bastion infranchissable des combattants de l’indépendance qui fut, il n’y a pas si longtemps, une zone interdite pour cause de terrorisme.

Le village des 46 chouhada

Voisin de Bounaamane, le village Tigrine dans la commune d’Ait Chaffaa n’est lui aussi, pas raccordé au réseau électrique en dépit de des nombreuses requêtes adressées aux différentes autorités par les représentants de ce village révolutionnaire. La population qui a été contrainte de fuir pendant la décennie du terrorisme, est elle aussi, déterminée à revenir y vivre et s’occuper des terres. Ce retour tant souhaité est tributaire de la réunion de plusieurs mesures et conditions, dont l’électrification qui est indispensable pour une vie normale. Selon les représentants de ce village rencontrés lors de notre virée, leur village qui a sacrifié pas moins de 46 de ses enfants tombés au champ d’honneur pendant la guerre de Libération devrait bénéficier de toutes les sollicitudes des autorités ne serait ce que pour son passé révolutionnaire. « L’ancien wali a promis de trouver une solution à ce problème d’électricité », nous a déclaré Rabah Lakel, président du comité de village qui cite également d’autres aléas auxquels sont confrontés les citoyens. Parmi ces carences, notre interlocuteur cite, entre autres, l’alimentation en eau potable, l’assainissement et la viabilisation du lotissement où sont implantées des dizaines de nouvelles maisons. « Il est difficile de continuer à vivre dans ce village surtout en hiver où les conditions de vie sont intenables dans la mesure où les commodités nécessaires ne sont pas réunies. Nous demandons aux pouvoirs publics de prendre en charge notre cas », a-t-il souligné, souhaitant une prise en charge rapide des doléances des citoyens. Si l’Etat a mobilisé beaucoup de moyens pour réaliser les routes vers ces villages, il n’en demeure pas moins que d’autres efforts des pouvoirs publics sont encore nécessaires et vivement souhaités par les citoyens de ces villages, surtout concernant l’électricité, et ce, afin de faciliter le retour des populations et encourager aussi les agriculteurs et les éleveurs, les aviculteurs et apiculteurs de la région à persévérer dans leur activité et à participer aux efforts déployés par les pouvoirs publics pour assurer l’autosuffisance alimentaire.

B. A.

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