Tipasa, aquaculture : une filière en plein essor

À Tipasa, le secteur de la pêche et de l’aquaculture constitue un véritable levier de développement local, offrant de multiples perspectives d’investissement aux jeunes porteurs de projets désireux de s’inscrire dans une dynamique économique durable et innovante.

Le littoral de Tipasa accueille actuellement 148 cages flottantes réparties sur plus de 400 ha. Ces installations marines sont destinées à l’élevage de deux espèces principales, la dorade royale et le loup, ainsi qu’à la culture de moules et d’huîtres. Selon les prévisions de la direction de la pêche de la wilaya, une dizaine d’investisseurs supplémentaires peuvent encore être intégrés avant d’atteindre la saturation du littoral destiné à l’aquaculture en mer. «Nous avons encore une marge d’accueil pour de nouveaux projets, mais elle devient étroite», indique Ahmed Tetbirt, directeur de la pêche et des ressources halieutiques de Tipasa. En parallèle, la dynamique de régulation se poursuit : 12 concessions ont récemment été retirées à des investisseurs n’ayant pas respecté leur cahier des charges, permettant de récupérer 237 ha en mer et 2 000 m² à terre. Ces superficies ont été réattribuées à de nouveaux porteurs de projets, avec 17 concessions en cours de validation. Cette vague d’investissement a permis la création de 250 emplois directs. Le groupe public Madar illustre bien cette montée en puissance. Avec une concession de 100 ha, 24 cages déjà installées et une extension de huit cages supplémentaires prévue, l’entreprise entend jouer un rôle central dans l’offre aquacole nationale. Si toutes les cages actuellement exploitées dans la wilaya deviennent pleinement opérationnelles, la production globale pourrait atteindre jusqu’à 11 000 tonnes par an, avec un rendement moyen de 80 tonnes par cage et par cycle de production variant entre 9 et 18 mois. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: la production aquacole de Tipasa est passée de 43 tonnes en 2022 à 239 tonnes en 2023, avant de redescendre à 48 tonnes en 2024 en raison de l’absence de production piscicole, la récolte ayant concerné uniquement les moules et les huîtres. Le coût global d’un projet complet, incluant huit cages, un catamaran, la main-d’œuvre, les plongeurs, les équipements, les alevins et l’alimentation, est estimé entre 650 et 700 millions de dinars. Mais derrière ces données techniques se cachent des success stories, faites de persévérance, de risques et de rêves en gestation. Nazim Bererhi, jeune aquaculteur, incarne cette génération qui a choisi de miser sur la mer comme avenir. Malgré les obstacles, il est resté fidèle à sa vision. «Aujourd’hui, je suis fier de cette modeste contribution à la production nationale. L’aquaculture participe à l’effort collectif pour offrir ce qu’il y a de mieux à nos enfants, elle nous fournit des produits sains et sûrs, contribue à la création d’un écosystème et à la protection de l’environnement et offre des opportunités d’emploi à des marins, des plongeurs, des petites mains qui nous aident à mettre la nature dans vos assiettes». Pour lui, ce secteur est plus qu’un métier : c’est une vocation. Nous avons eu un rêve. Aujourd’hui, nous sommes en train de le réaliser», lance-t-il fièrement. La réussite du secteur repose aussi sur un socle de compétences locales. L’École de formation technique de la pêche et de l’aquaculture de Cherchell joue un rôle fondamental dans l’accompagnement des jeunes porteurs de projets. Son directeur, Ahmed Mustapha Ralem, insiste sur l’importance de multiplier les actions de sensibilisation : Notre rôle est d’ouvrir des perspectives, de montrer aux jeunes que l’aquaculture, ce n’est pas uniquement la mer, mais tout un écosystème de métiers». L’école organise régulièrement des journées d’étude et des rencontres professionnelles pour former à tous les maillons de la filière : élevage marin, transformation des produits, commercialisation, réparation navale, services de plongée, développement d’applications de gestion des données marines, etc. Ces initiatives s’inscrivent dans une stratégie de promotion de l’entrepreneuriat local et de valorisation des ressources maritimes. Cependant, malgré cette dynamique positive, la filière reste fortement dépendante de l’importation d’alevins et d’aliments pour poissons. Un projet de création d’une alevinière, prévu sur un terrain de trois hectares à Sidi Ghilès, est actuellement bloqué en raison de son classement en zone agricole. Les professionnels du secteur espèrent une intervention du ministère de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche pour débloquer ce point essentiel à l’autonomie de la production.

S. E.

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