
Face à l’apparition de sardines de petite taille sur les étals des marchés à Mostaganem, la direction locale de la pêche monte au créneau et tire la sonnette d’alarme.
La capture et la commercialisation de sardines de taille non marchande constituent en effet une infraction punie par la loi, rappelle Mustapha Sifi, chef de service de contrôle des activités, qui insiste sur la nécessité de préserver la ressource pour garantir la durabilité de la filière. Entre pressions économiques, reproduction naturelle du poisson et nécessité de sauvegarder les stocks, l’administration entend agir fermement pour mettre un terme à cette pratique tout en sensibilisant les professionnels.
«La pêche de la petite sardine de taille non marchande est une infraction, punie par la loi, et nous, en tant qu’inspecteurs, nous la traitons comme telle. Ce n’est pas une pêche normale», déclare-t-il sur les colonnes d’El Moudjahid, en expliquant que la présence de sardines de petite taille en mer s’explique par un phénomène naturel. «La petite taille est liée au cycle de vie de la sardine. En ce moment, elle est en période de reproduction, puis elle commence à grandir pour devenir une sardine mature. Après une période de mauvais temps, nous avons constaté une amélioration de la taille. D’importantes quantités ont été débarquées, sans sardines sous taille». Si des cas de pêche illégale sont bel et bien constatés, leur nombre reste, pour l’instant, limité. «Nous avons reçu deux procès-verbaux pour pêche de taille non marchande ces derniers temps. Mais les dernières semaines de débarquement, les sardines étaient conformes à la taille réglementaire», précise Mustapha Sifi, tout en soulignant que la vigilance reste de mise. En parallèle, notre intervenant explique que la réglementation tolère jusqu’à 20% de sardines non marchandes dans un lot, mais au-delà, c’est une infraction claire. «Si un navire transporte 100 caisses et que 20% seulement sont de taille non marchande, la loi nous autorise à tolérer ce seuil. Mais si tout le chargement est composé de sardines de petite taille, alors c’est une infraction flagrante».
Pour l’administration, cette pratique met en péril la durabilité de la ressource : «La sardine est au cœur du cycle vital des produits halieutiques. Lorsqu’elle est pêchée dans de bonnes conditions, toute la saison en bénéficie. Mais lorsqu’on pêche trop de petites sardines, on touche aux fondements du stock. Il faut mettre un terme à cette pêche sous toutes ses formes. Jusqu’à présent, on ne peut pas parler de surpêche. Mais il faut trouver les bons mécanismes pour arrêter cette pratique afin de préserver le stock, la profession, les revenus des pêcheurs et la pérennité de l’administration», déclare Mustapha Sifi. Les conditions météorologiques défavorables sont parfois invoquées comme justification par les pêcheurs, mais l’administration ne l’entend pas ainsi, comme le dit le chef de service de contrôle des activités à la direction de la pêche à Mostaganem : «Il est vrai que pendant les périodes de mauvais temps, les sardiniers ne sortent pas. Mais cela ne justifie en rien qu’on les autorise ensuite à pêcher la sardine sous taille. Cela reste une infraction, peu importe les circonstances». Pour lutter contre cette pratique, la direction de la pêche a mis en place plusieurs mesures concrètes. «Nous travaillons en coordination avec les gardes-côtes pour contrôler les filets. Si un filet est non conforme, nous donnons un délai pour le remplacer. Le filet coûte cher, c’est vrai, mais nous permettons une activité de pêche sous inspection», explique Sifi. Par ailleurs, une brigade mixte a été mise en place avec la direction du commerce. «Nous avons effectué une opération conjointe à l’entrée du port où nous avons observé des sardines sous taille. L’objectif est qu’elles ne puissent même pas franchir les portes du port. Ce programme commun est annuel et prévoit des sorties régulières. Nous allons continuer dans cette voie pour réduire ce phénomène de manière significative», poursuit-il. Au-delà de la répression, les services de la pêche misent aussi sur la prévention. «Nous travaillons aussi sur la sensibilisation. Nous recevons régulièrement des marins amateurs ou professionnels, notamment en période de reproduction pour les alerter sur l’interdiction de vendre la sardine sous taille. Un chapitre entier de leur formation est d’ailleurs dédié à cette question», explique le chef de service.
Intercontraintes économiques et réglementation
Sur les quais de Mostaganem, certains marins-pêcheurs, pris entre l’instabilité de la mer, les charges croissantes et la nécessité de subvenir à leurs besoins, reconnaissent les difficultés du métier et se sentent souvent pris au piège. «Ce n’est pas qu’on veut pêcher la petite sardine, on ne sort pas pour la ramener, mais parfois on ne trouve que ça dans les filets. On ne peut pas deviner ce qu’on va remonter», nous confie un pêcheur rencontré sur les lieux. Selon lui, la pression est constante : «Entre le prix du carburant, les charges et les attentes des clients, on n’a pas toujours le luxe de trier.
Le filet coûte cher, l’entretien du bateau aussi.
Quand on sort, on ramène ce qu’il y a. Si on commence à rejeter la moitié de la pêche, on ne couvre même pas le carburant», indique un autre marin-pêcheur. Du côté des vendeurs, la situation est tout aussi délicate. «Quand la sardine est petite, on sait que ce n’est pas bien, mais les gens achètent quand même», affirme un commerçant du centre-ville.
«Les petites sardines se vendent bien, surtout parce qu’elles sont moins chères. Mais c’est un peu un compromis, car ce n’est pas ce qu’on préfère vendre», souligne un autre. À l’adresse des pêcheurs et des consommateurs inquiets, Mustapha Sifi lance un message clair : «Il faut préserver le stock, c’est la clé de la durabilité. Le stock, c’est leur revenu, leur avenir. Il faut respecter la réglementation, ne pas pêcher la sardine de petite taille, et garder cette ressource pour les générations futures».
Y. H.