
«Même les oiseaux ont été contraints, par cette chaleur, de trouver d’autres lieux plus cléments, autre que cette véritable étuve qu’est Ghardaïa», nous fait remarquer aâmi Bakir, un marchand installé à côté du siège de la wilaya, face au jet d’eau presque asséché, qui, il n’y a pas si longtemps, était un lieu de rassemblement de tous les oiseaux de la région qui venaient s’y agglutiner, se désaltérant à satiété et prenant même des bains dans cette eau vivifiante.
C’est, en effet, à une véritable fournaise que sont confrontés les citoyens de Ghardaïa et toutes les communes et daïras qui la composent, depuis le début du mois de juin, sous une canicule oscillant entre 40 et 43° Celsius.
En effet, et comme annoncé par les services de la météo, une vague de chaleur inhabituelle enserre la région, l'étouffant presque, se traduisant par des pics de température rarement atteints en cette période de l'année. Le pic a été relevé à Seb Seb, dans la daïra de Metlili, à 70 km au sud du chef-lieu de wilaya, où le mercure a frôlé, en fin de semaine passée, les 45° Celsius. «Il est très difficile de respirer dans ces conditions», nous informe par téléphone un citoyen de cette ville agro-pastorale, médecin de son état, et d’ajouter : «le mieux à faire est de s'enfermer chez soi dès midi, de fermer toutes les fenêtres et de se désaltérer régulièrement, même si on n'a pas soif.»
Cette vague de chaleur intense accentue encore plus le désarroi des jeunes de la région devant le manque déplorable de bassin d'eau pour leur permettre de «piquer une tête» dans une eau vivifiante et rafraîchissante. Ils ne comprennent toujours pas les raisons de la fermeture de la piscine municipale, située au centre-ville, qui rendait d'énormes services aux jeunes des couches moyennes, qui ne peuvent, à l'instar des nantis de la région et des enfants de nababs locaux, rendre visite à la grande bleue.
Devant ce déficit en bassins d'eau, beaucoup d'enfants et de jeunes de la région risquent chaque jour que Dieu fait leur vie et leur santé en allant se baigner dans les eaux boueuses, troubles, parfois glauques, des mares et barrages qui entourent la ville. Il serait temps pour les autorités de remettre en marche les jets d’eau de la ville qui, en sus de leur charme et leur apport à l’aménagement de la ville, soulageaient un tant soit peu les citoyens au contact de leur eau vivifiante et tonifiante, ne serait-ce que psychologiquement. En effet, on s’en souvient des années passées, lorsque la canicule se faisait mordante, des enfants de 10/12 ans qui osaient braver l'interdit, venant jusqu'aux grilles du siège de la wilaya où «trône» un jet d'eau, composé de trois cruches déposées en hauteur et disposées en triangle, déversant, en circuit fermé, leurs eaux limpides dans un bassin triangulaire, haut d'une trentaine de centimètres. D'une innocente insouciance due à leur âge, ils glapissaient de joie en sautillant dans l'eau, barbotant tout leur saoul, imités en cela par des dizaines d’oiseaux dont le gazouillis agrémente la beauté des lieux.
Même des femmes d'un certain âge s'arrêtent devant cette eau salutaire et y trempent leurs pieds, mis à mal par la chaleur et les chaussures, histoire de se rafraîchir un tant soit peu. A partir de midi, la ville commence à se vider et absorbe en son sein sa population, qui se réfugie des dards du soleil incandescents, lorsque celui-ci atteint son zénith.
Cette situation fait quand même le bonheur des marchands de glaces et d'eau minérale qui ont pratiquement épuisé leurs stocks, ne s'attendant certainement pas à ce brusque changement de température. Heureusement pour la région, que les deux usines de production d'eau minérale «El Goléa» et «Salsabil», sises à El Menéa, wilaya limitrophe située à 270 km au sud de Ghardaïa, qui tournent à plein régime pour répondre à la forte demande induite par cette situation exceptionnelle, sachant que c'est les seules unités productrices de ce vénéré liquide dans un rayon de plus de 800 km à la ronde.
Cette situation fait aussi le bonheur, sonnant et trébuchant, des vendeurs de chapeaux, notamment, et c'est une nouveauté au sud. ceux larges et à ombrelles pour la gent féminine les rend plus coquettes, même portés au-dessus du foulard. A côté des chapeaux, malheureusement, le commerce des lunettes de soleil à bas prix, dangereux pour la vue, fait florès en cette saison des grandes chaleurs.
«C’est très difficile de supporter ce souffle chaud, presque incandescent sur nos visages. Le mieux à faire c’est de limiter au maximum nos déplacements et garder les fenêtres closes», nous déclare une dame médecin, rencontrée en train de faire quelques petites courses, presque en courant, ajoutant : «Et Dieu sait que nous n'en sommes qu'au début du mois de juin et que la saison d’été ne débute que le 21 juin.
qu’en sera-t-il alors en juillet et août.» Rencontré abrité sous des arcades attendant un hypothétique transport, Harzallah, enseignant au primaire, se lamente : «Ceux qui en ont de la chance, mais surtout les moyens, s’apprêtent déjà, juste après les épreuves du bac, à aller taquiner les vagues de la grande bleue, mais nous, les petites bourses, ainsi que nos enfants, nous resteront ici à se faire cuire la peau au soleil, parmi les scorpions et les vipères à cornes», invoquant la fatalité, il ajoute avec un pincement de lèvres :«C’est notre destin et nous l’acceptons.»
A titre de rappel, les autorités nationales, conscientes de la situation in situ, ont pris les mesures idoines pour atténuer un tant soit peu l’impact de cette chaleur sur l’individu et sur les moyens énergétiques (climatisation, électricité, les moyens de transport, etc.), et ont pris les devants en annonçant une batterie de mesures pour y faire face, notamment par l’adaptation des horaires de travail dans les wilayas du Sud et du grand sud du pays au nombre de vingt, dont Ghardaïa, en somme les plus impactés par la canicule saisonnière cyclique.
Selon les dispositions officielles du texte de la fonction publique, pour les vingt wilayas du Sud et du grand Sud concernées, à partir du 1er juin jusqu’au 30 septembre, la journée de travail débutera à 7 heures et se terminera à 15 heures. Elle sera divisée en deux périodes : la première de 7h à 12 h, suivie d'une pause de 30 minutes, puis une reprise à 12h30 jusqu’à 15h00.
Visant à répondre aux réalités climatiques particulières de ces régions, souvent marquées par des températures caniculaires en milieu de journée, cette organisation permet, selon les initiateurs du texte, de concentrer l’activité durant les heures les plus fraîches de la journée, tout en accordant une coupure permettant aux travailleurs de se reposer au moment où la chaleur devient plus rude.
Certes cette décision a été applaudie et très appréciée par les travailleurs et fonctionnaires de la wilaya de Ghardaïa, mais elle tarde cependant à être appliquée dans toutes les entreprises et administrations de la wilaya de Ghardaïa.
Et pourtant le texte est clair comme l’eau de roche, alors où ça coince et pourquoi ?
L. K.