constantine : Des archives bien conservées

Le centre des archives de la wilaya de Constantine est un véritable trésor renfermant des documents d’une grande valeur historique, situé dans une nouvelle bâtisse à la nouvelle ville Ali-Mendjeli. D’une superficie de 6 000 m², ce centre retrace les évolutions majeures ayant marqué l’économie, la politique, la culture et la société, depuis l’époque ottomane jusqu’à l’entrée dans le deuxième millénaire, en passant par la période coloniale et les grandes périodes de reconstruction du pays depuis l'indépendance à ce jour.

Ce centre offre à ses visiteurs une véritable immersion dans l’histoire. En franchissant ses portes, c’est un voyage à travers les siècles qui s’opère, entre manuscrits rares, documents officiels et photographies d’époque.
Dès le premier étage, un espace est consacré à la période ottomane, où sont exposés des ouvrages de référence en droit, religion et histoire, dont un manuscrit du Sahih Al-Bukhari, un exemplaire ancien du Coran écrit à l’encre noire et rouge, ainsi que des traités juridiques de savants renommés. Plus loin, des registres centenaires de mariages et de divorces enregistrés au tribunal de Constantine sont mis à la disposition des chercheurs.
Les couloirs du centre sont également ornés de clichés en noir et blanc témoignant des grandes batailles menées pour la défense de la ville, notamment celles de 1837 et 1836,
On retrouve également un espace dédié à Hadj Ahmed Bey, le dernier bey de Constantine, avec des correspondances historiques où il refuse catégoriquement de se rendre aux autorités françaises.
L’héritage de la ville ne s’arrête pas là. Dans ce centre d'archives, on retrouve un grand espace qui met en lumière le parcours du cheikh Abdelhamid Ben Badis, fondateur de l’Association des oulémas musulmans, ainsi que les figures emblématiques de la révolution algérienne, dont Hassiba Ben Bouali et Larbi Ben M’hidi, Rabah Bitat et les clichés de photos des chouhada de notre glorieuse révolution armée.
Le rez-de-chaussée du centre abrite une impressionnante collection de journaux d’époque en arabe et en français, ainsi que des plans anciens de la ville. En tout, ce sont 60 000 unités documentaires qui y sont conservées, allant de l’époque ottomane à l’administration coloniale
En plus d’être un centre historique majeur, Constantine est une ville universitaire de premier plan, attirant des étudiants et chercheurs de tout le pays. Réputée pour ses institutions académiques prestigieuses, elle constitue un pôle de recherche où l’histoire et le savoir se rencontrent.
Le centre des archives de Constantine joue un rôle-clé dans cet écosystème intellectuel, en accueillant régulièrement des universitaires, des doctorants et des historiens venus des différentes wilayas du pays. Ces chercheurs y trouvent une documentation précieuse pour approfondir leurs travaux dans divers domaines, notamment l’histoire, le droit, la sociologie et l’anthropologie.

Une documentation précieuse

De nombreux chercheurs fréquentent le centre pour consulter ces documents rares et inédits. Yacine B., doctorant en histoire à l’université Emir-Abdelkader des sciences islamiques, témoigne : «Lorsque j’ai entamé ma thèse sur la réforme juridique en Algérie sous l’époque ottomane, j’ai découvert des manuscrits juridiques d’une valeur inestimable dans ce centre. Les traités de jurisprudence islamique et les registres judiciaires du tribunal de Constantine m’ont permis de mieux comprendre l’application du droit à cette époque. Sans ces archives, mon travail aurait été incomple».
Pour Souad Kharab, chercheuse en sociologie, ce centre des archives offre une fenêtre précieuse sur la vie quotidienne des Constantinois à travers les âges
«J’ai eu accès à des correspondances datant de l’époque coloniale, à travers ces manuscrits précieux j'ai analysé les transformations sociales et l’évolution des mentalités et l’impact de la colonisation sur la structure familiale et la place des femmes. Ces documents sont des témoins silencieux d’un passé encore peu exploré».
Les archives juridiques conservées au centre constituent aussi une mine d’or pour les chercheurs en droit et en sciences sociales. Elles regroupent des registres de tribunaux, des actes notariés, des traités juridiques et des décisions de justice remontant à plusieurs siècles.
L’accès aux documents judiciaires de l’époque ottomane et coloniale permet aux chercheurs d’étudier l’évolution du système juridique en Algérie et son influence sur le droit actuel. Parmi les documents les plus précieux figurent les registres de mariages, divorces et successions sous l’époque ottomane, qui montrent la structure sociale et les coutumes juridiques de l’époque.
Selon Amel Talhi, doctorante en droit à l’université de Constantine 2, ces archives sont une ressource unique pour comprendre l’impact des réformes législatives successives.
Elle explique : «Les documents juridiques que j’ai consultés au centre m’ont permis d’analyser le savoir des habitants de Constantine en matière de gestion des affaires de la société».
Pour garantir la préservation de ces documents, le centre a lancé une vaste campagne de numérisation. Un total de 88 000 documents ont été traités, soit 2 500 fichiers par jour, facilitant ainsi leur accès aux chercheurs tout en réduisant les manipulations physiques.
Malgré ces efforts, la conservation des documents reste un défi de taille. Des mesures strictes ont été mises en place, telles que l’utilisation de gants pour manipuler les manuscrits, et la mise en place d’un réseau informatique sécurisé pour permettre la consultation des archives sans contact direct avec les originaux.
Avec son fonds documentaire exceptionnel, le centre des archives de Constantine se positionne comme un véritable gardien de l’histoire algérienne. En accueillant universitaires, chercheurs et étudiants, il renforce son rôle de pôle scientifique et culturel, contribuant ainsi au développement de la recherche et à la transmission du savoir. Ainsi, grâce à la synergie entre son héritage historique et sa dimension académique, le centre s’impose comme un pont entre passé et avenir, veillant à ce que l’histoire de Constantine de l’Algérie soit toujours préservée.

Ch. D.

Multimedia