
La preuve d’une soif de connaissances inextinguible
Alors que l’Europe chrétienne semblait endormie, le VIIème siècle voit l’émergence d’un tout nouvel Empire fondé sur l’Islam. C’est un vaste territoire, qui s’étend de la frontière chinoise jusqu’au nord de la Péninsule ibérique en passant par la Méditerranée. D’abord occupés aux conquêtes, à l’unification politique et au commerce, les califes successifs ont progressivement favorisé le développement des sciences à travers la redécouverte d’ouvrages très anciens, œuvres notamment des Grecs.
Pour ce faire, il y faudra plusieurs ingrédients : le financement de traducteurs, la technique de fabrication du papier, le développement des écoles et des collèges supérieurs...
Dès lors, l’arabe devient ce qu’est la langue anglaise aujourd’hui : la langue internationale des activités scientifiques et philosophiques.
Parler de sciences, ce n’est donc pas se restreindre aux découvertes des populations de souche ethnique arabe et de religion musulmane, mais d’un formidable bain de culture qui, mêlant les religions, les peuples et les cultures, raconte une part de l’aventure humaine dans sa soif de connaissances. Astronomie, médecine, mathématiques, géographie... autant de domaines dans lesquels la civilisation arabo-musulmane apporta des contributions originales. Non seulement elle assimila les savoirs grec, indien, babylonien, égyptien qu'elle sut transmettre au temps des grandes traductions, mais elle élabora aussi une grande tradition scientifique qui lui est propre, avec de grands noms comme Ibn Sînâ (Avicenne), le mathématicien et astronome al-Khawarizmi ou encore le scientifique Al-Bîrunî, pour ne citer qu'eux... Revenir sur l'âge d'or des sciences arabes, entre les VIIIe et XIVe siècles, permet de mieux comprendre cet héritage mal connu et de suivre la circulation des savoirs en Méditerranée, depuis la Grèce jusqu'à l'Europe médiévale.
Ahmed Djebbar, dans cet ouvrage, présente les facteurs qui ont pu favoriser la naissance d’une nouvelle tradition scientifique en Méditerranée orientale, puis les éléments essentiels concernant les sources scientifiques anciennes (mésopotamienne, persane, indienne et surtout grecque) qui ont permis cette naissance. Il développe les grandes phases du développement des sciences des pays d'Islam dans de nombreux foyers scientifiques du Centre de l'empire, d'Asie Centrale d'al-Andalus et du Maghreb. Il exposera les éléments connus concernant le phénomène de la circulation partielle autour de la Méditerranée, à partir de la fin du XIe siècle, des corpus scientifiques grec et arabe, ainsi que les conséquences de cette circulation sur la redynamisation des activités scientifiques et en Europe. Si l’on raisonne à l’échelle universelle, qui est celle de la science, on ne peut que déplorer l’essoufflement de cette grande civilisation qui a dominé le monde du VIIIe au XVe siècle en puisant, à l’origine, dans les savoirs d’autres civilisations éteintes. Fort heureusement, une nouvelle civilisation l’a relayée : celle de l’Europe qui s’était éveillée durant la Renaissance. Une Europe dans laquelle les scientifiques exprimaient un grand respect pour la science grecque et arabo-musulmane, dont ils se nourrirent abondamment à leur tour.
M. B.