
«8Mai 1945, ma mémoire déambule et se fige, c’est le regard avide des enfants de 10 ans, mille facettes brisées, se cristallisant dans le souvenir mille fois narré par des vieilles aujourd’hui aux peaux desséchées» Omar Mokhtar Chaâlal, se remémorant, alors de son vivant, la marche sanglante du 8 Mai 1945, s’ébranlant de Djamaâ Langar, aussi vieux que le temps, qui rappelle tant de souvenirs de notre vécu et de lieux veillant fièrement à immortaliser la mémoire.
Parmi ces lieux de la mémoire, figure en effet la mosquée Abu Dher el Ghiffari édifiée au début des années 1930 et qui marque encore l’empreinte indélébile de Sétif dans le parcours glorieux du mouvement national. Un lieu de culte implanté au cœur de cette cité populaire du faubourg de la gare qui n’oubliera pas de sitôt que c’est de là, de cette mosquée qui porte depuis 1962 le nom de Abou Dher el Ghiffari, qu’est partie, par un mardi, jour de marché, cette marche du 8 Mai 1945. Une mosquée qui relève aujourd’hui d’un monument incontournable de l’histoire et force encore jusqu’à nos jours l’admiration du Sétifien, fier de cette réalisation implantée au cœur de la cité où le degré de spiritualité se mesurait à celui du patriotisme qui animait ceux qui fréquentaient ce joyau édifié à partir de fonds collectés auprès de citoyens musulmans algériens et qui aurait ouvert ses portes le 20 octobre 1931. Une mosquée qui relève aujourd’hui, en effet, de ces «monuments incontournables dans l’histoire contemporaine de la cité» avec tout au bout de l’ancienne ville, à quelques encablures de Aïn Fouara, la mosquée El Aâtik , première à être édifiée en 1840. Seconde à être donc édifiée après la mosquée El Aâatik à Sétif, la mosquée Abu Dher el Ghiffari est un pan de l’histoire de notre peuple, rempart de nos valeurs et de préservation du référent religieux. Elle est, depuis toujours, le creuset de notre appartenance et de notre authenticité, un haut lieu de culte, de savoir et de connaissance. Au cœur de ce quartier populaire Haï Langar où élisait domicile une imposante et combien solidaire population de citoyens musulmans, la mosquée Abu Dher El Ghiffari devint alors le vivier du mouvement national et un carrefour inévitable de la glorieuse Révolution de novembre. Une mosquée où la fibre nationaliste se cultivait au quotidien. Un lieu de culte qui doit aussi sa grandeur à un grand homme, l’imam qui y officiait, cheikh Rabah Belmeddour dont on ne peut séparer la vie et l’œuvre de l’histoire de cette mosquée de laquelle s’ébranle encore chaque année, la marche de la fidélité , commémorant mai du sacrifice, du sang et de la liberté, Cheikh Rabah Belmedour est connu pour être une des grandes figures emblématiques de la région qui ont œuvé sans relâche pour la préservation de la référence religieuse et de l’identité nationale. Membre de l’association des oulémas musulmans algériens, il s’attela à valoriser les efforts et l’empreinte de savants de Sétif et sa région, avec ses contributions scientifiques, ses opinions réformistes, sa méthodologie de la fetwa et l’ijtihad au sein des oulémas musulmans algériens. Né en mars 1908 à Meloul, près de Setif, Rabah Belmedour aussi respecté que l’imam que fut Mohamedd Tahar Khababa, apprit le Coran dès l’âge de 12 ans avant de rejoindre l’université Zeitouna en Tunisie, en 1929 où il décroche un doctorat et revient dans son pays pour rejoindre l’Association des oulémas musulmans algériens en 1935. En 1939 il est désigné imam de Djamaâ Langar ( Abu Dher el Ghiffari depuis 1962), qu’il ne quittera plus jusqu’à son décès, le 16 novembre 1994. Une brillante et respectueuse carrière entrecoupée en 1957 par son emprisonnement au camp de Ksar el Abtal . Dans la rigueur sans faille qu’il déployait à l’endroit de ceux qui s’égaraient, cheikh Rabah Belmedour a été une source d’inspiration jamais tarie.
F. Z.