Un grand défenseur des causes justes

Le pape François, 88 ans, est mort hier matin au Vatican des suites d’un grave pneumonie, qui l’avait contraint à des soins intensifs et des séjours répétés à l’hôpital. Le pontificat du premier pape issu d’Amérique du Sud aura duré 12 ans durant lesquels il a tenté d’insuffler un vent de réformes au sein de l’Eglise catholique, faisant de lui un des souverains pontifes les plus populaires de l’histoire. Sa dernière apparition remonte à dimanche dernier à l'occasion des célébrations de Pâques, bravant les recommandations de repos strict de deux mois prescrits par les médecins, au demeurant plusieurs fois non observées via un enchaînement risqué de furtives activités publiques. Dimanche, avant un bain de foule à bord de sa « papamobile », démuni et incapable de prononcer lui-même son discours, il avait délégué la tâche à un de ses collaborateurs. Un discours consacré aux thèmes que le pape François n’a pas cessé de mettre en avant ces derniers temps, dont en premier la guerre à Ghaza, dénonçant « la situation humanitaire dramatique » des Palestiniens et exhortant les « belligérants » à trouver rapidement le moyen de parvenir à un cessez-le-feu pour qu’une « aide précieuse soit apportée à la population affamée qui aspire à un avenir de paix ». Fidèle également à cet intérêt marqué pour les tensions dans le monde et le sort des plus faibles, la déclaration testamentaire souligne qu’« aucune paix n’est possible là où il n’y a pas de liberté religieuse ni de liberté de pensée et d’expression », s’inquiétant de « la propension de certains dirigeants du monde à investir dans la peur ». « Que de mépris se nourrit parfois envers les plus faibles, les marginalisés, les migrants », constate le discours, clôturé par l’espoir d’une communauté mondiale plus sensibilisé à la nécessité d’œuvrer pour la paix.

Un pourfendeur de la « fossilisation mentale » de l’Eglise

Elu en 2013, après la renonciation de son prédécesseur Benoît XVI, l’Argentin s’est particulièrement engagé pour l'environnement, la justice sociale et la défense des migrants, puisant la sensibilité des penchants militants de sa prime jeunesse. Son âme de réformateur — qui lui avait pourtant permis d’être aux premières loges des candidatures pour le pontificat, il y a une douzaine d’années, au sein d’une église où se ressentait un vital besoin de renouveau — ne lui a pas épargné des résistances parfois farouches au sein des conservateurs, réagissant mal, entre autres, à ses tentatives d’introduire les femmes et les laïcs dans les instances du Vatican. L’Eglise, osait-il, était gagnée par "l'Alzheimer spirituel" et "la fossilisation mentale". Sur l’actualité politique mondiale, il ne s’est pas empêché par contre de porter la voix. Des prises de positions assez courageuses l’ont vu défendre les victimes civiles dans la guerre sioniste contre Ghaza. Dans un livre paru en novembre 2024, il évoque le génocide à l’encontre des populations palestiniennes invitant les enquêteurs habilités à « étudier les faits attentivement afin de déterminer si la situation correspond à la définition technique (du génocide) formulée par les juristes et les organismes internationaux ». Une position qui lui a valu une vive protestation des autorités sionistes. On comprend donc bien que le président de l’Autorité palestinienne soit parmi les premiers à rendre hommage au défunt, en soulignant : « Nous avons perdu aujourd'hui un ami fidèle du peuple palestinien et de ses droits légitimes ». Le 266e pape — revendiquant volontiers s’intéresser aux "périphéries" du monde qu’aux grands pays occidentaux — s’est également opposé, en dépassant parfois les limites « diplomatiques » de sa fonction, à la politique de Donald Trump sur les migrants, condamnant les expulsions massives et indiscriminées. Fort sensible également aux menaces climatiques qui pèsent sur la planète, il dénoncera pareillement la montée en puissance du discours climatosceptique. De son nom Jorge Mario Bergoglio, le pape François est né le 17 décembre 1936 dans un quartier populaire de Buenos Aires, en Argentine. Diplômé en chimie, il intègre à 22 ans le noviciat de la Compagnie de Jésus et devient prêtre en décembre 1969. En 1992, Jean Paul II le nomme évêque auxiliaire de Buenos Aires, puis cardinal en février 2001.

M. S.

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Réactions émues dans le monde : « Un ami fidèle du peuple palestinien »

Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a rendu hommage au pape François, saluant "un ami fidèle du peuple palestinien", en notant que le souverain pontife "avait reconnu l'Etat palestinien et autorisé le drapeau palestinien à être hissé au Vatican". De son côté, Bassem Naïm, cadre du Hamas, estime que « le pape François était un défenseur inébranlable des droits légitimes du peuple palestinien, en particulier par sa position contre la guerre et les actes de génocide perpétrés contre notre peuple à Ghaza ». Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a loué pour sa part « une voix condamnant la brutalité israélienne (...) jusqu'au tout dernier instant ». « La boussole du pape François sur la question palestinienne a toujours pointé dans la bonne direction », souligne-t-il dans un communiqué. Le président iranien, Massoud Pezeshkiana a de son côté relevé que « les efforts efficaces et durables » du pape François et ses « positions claires condamnant le génocide perpétré par le régime israélien à Ghaza garderont sa mémoire vivante à jamais dans l'esprit de toutes les consciences éveillées (...) à travers le monde ». L’imam d'Al-Azhar salue quant à lui l’engagement en faveur du dialogue interreligieux, le qualifiant le pape de « symbole de l'humanité ». Al-Azhar retient que le défunt a renforcé les relations avec le monde musulman, « grâce à ses opinions empreintes d'équité et d'humanité, notamment concernant l'agression contre Ghaza et la lutte contre l'islamophobie abjecte ». Le décès du pape François « est une perte profonde pour le monde entier, car il était une voix de paix, d'amour et de compassion », déclare à son tour le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, qui salue également « un champion de la cause palestinienne, défendant les droits légitimes et appelant à la fin du conflit ». Le Liban a perdu « un ami cher » et un « fervent soutien », s’attriste le président libanais, Joseph Aoun, évoquant une « perte pour toute l'humanité ». « Nous n'oublierons jamais ses appels répétés à protéger le Liban et à préserver son identité et sa diversité », souligne-t-il dans un communiqué. L'Union africaine (UA) a rendu hommage à un « avocat inébranlable de la paix » qui a eu un « engagement courageux » sur le continent, en amplifiant « les voix de ceux qui n'en ont pas, en défendant la paix et la réconciliation, et en se montrant solidaire de ceux touchés par les conflits et la pauvreté ». Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a loué la lutte du souverain pontife contre l’exclusion, promouvant « une vision d'inclusion, d'égalité et de souci des individus et des groupes marginalisés, de même qu'une protection responsable et durable de l'environnement naturel ». Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, rend hommage à un « homme d'Etat respecté » qui « accordait de l'importance au dialogue entre les différents groupes religieux », citant également ses « initiatives face aux tragédies humanitaires, notamment la question palestinienne et le génocide à Ghaza ». Le président russe, Vladimir Poutine, a rendu hommage à un « dirigeant sage » et un « défenseur constant des hautes valeurs de l'humanisme et de la justice ». « Tout au long de son pontificat, il a contribué activement au développement du dialogue entre les Eglises orthodoxe russe et catholique romaine, ainsi qu'à une interaction constructive entre la Russie et le Saint-Siège », ajoute M. Poutine. En Europe l’Espagne décrète trois jours de deuil et salue un pontificat qui a « marqué un élan rénovateur et réformiste pour l'Eglise catholique qui laissera une marque dans l'Histoire ». Les dirigeants des institutions de l'UE retiennent le sens de l'égalité du pape François et « son amour si pur pour les plus démunis », selon les mots de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.

Synthèse M. S.

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