
Durant les deux mois de trêve, même démunie des moyens les plus élémentaire, la défense civile palestinienne s’était attelée à retourner les tonnes de débris composites pour en tirer des dépouilles, leur réhabiliter une identité et permettre aux parents de leur offrir une sépulture.
Journée d’horreur « ordinaire » hier à Ghaza, avec des premières heures faites de sirènes d’ambulances, de nuages de fumée et de poussière, et de corps éparpillés que des secouristes et des survivants épuisés tentent de récupérer. Tôt le matin, hier, d’autres bombardements sont venus creuser des cratères ou souffler par le feu des pans de ces misérables campements où se rassemblent les déplacés. Les secouristes de la Défense civile palestinienne ont dû recomposer, autant que faire se peut, des corps désarticulés ou calcinés après une millième frappe sioniste indiscriminée, et reporter, pour on ne sait quel autre jour moins calamiteux, la tâche d’aller fouiller les décombres pour en tirer d’autres martyrs anonymes. Selon un premier bilan de cette énième matinée maudite sur le territoire, 17 personnes, dont bien entendu de nombreuses femmes et de nombreux enfants, sont tombées en martyrs. L’horreur a notamment frappé une école, abritant des déplacés, dans la ville de Ghaza, où onze civils ont péri dans des conditions atroces, selon les rapports des secouristes. "Le bombardement a provoqué un incendie massif dans le bâtiment et plusieurs corps calcinés ont été retrouvés", indique le porte-parole Mohmoud Bassal, qui a fait état également d’appels à l’intervention sur d’autres sites, à Djabalia et Khan Younès. Selon des recoupements médiatiques, depuis l’aube de ce mercredi jusqu’à la mi-journée, près de 40 noms sont venus allonger l’interminable liste des martyrs, dépassant désormais les 50.300, dont au mois 20.000 enfants. Une liste établie essentiellement sur la base des victimes identifiées par les services hospitaliers, qui ne comptabilisent pas les milliers de corps encore ensevelis sous les décombres. L’on ne connaît que trop bien l’horrible sort que fait subir la machine de guerre sioniste aux populations quotidiennement, depuis le 7 octobre 2023. Rongés par la faim, le manque d’abris et de soins les plus élémentaires, et traumatisés par plus de 18 mois de barbaries, les près de 2 millions d’habitants de l’enclave voient chaque jour repousser les limites de l’horreur et de la déshumanisation. Au-delà des comptes-rendus médiatiques qui parviennent du territoire, et des rapports des ONG et agence de l’Onu encore en activité sur les lieux, des milliers de messages postés par les Ghazaouis sur les réseaux sociaux transmettent au quotidien ce sentiment partagé d’agonie collective et d’abattement extrême face à l’indifférence coupable de la conscience internationale.
Tirs sur les ambulanciers
Mais l’horreur n’est pas simplement l’apanage sinistre des survivants. Les rapports des services de secours palestiniens, appuyés par de nombreuses instances onusiennes, soulèvent jusqu’à aujourd’hui la problématique des corps ensevelis sous les décombres. Durant les 2 mois de trêve, (19 janvier - 18 mars derniers), même démunis des moyens les plus basiques, la défense civile palestinienne s’était attelée à retourner les tonnes de débris composites pour en tirer des dépouilles — souvent coincées là depuis des mois —, leur réhabiliter une identification et offrir aux parents (quand il en restait) la possibilité de leur donner une sépulture. Selon les estimations des autorités sur place, corroborées par des rapports indépendants, près de 10.000 corps restent à retrouver dans l’enclave. Dans un rapport rendu public fin janvier dernier, l’ONG Euro-Med Monitor, rapporte que « les corps de 79 personnes, dont 21 non identifiés, ont été retrouvés dans les quartiers de Rafah par les ambulanciers et les équipes de la défense civile ». Les propres volontaires de l’organisation, affirment avoir trouvé « les restes sévèrement décomposés de plusieurs autres victimes, dont il ne restait que les crânes et quelques os ». L’ONG en conclu que la communauté internationale « doit exercer une véritable pression sur Israël pour qu’il garantisse rapidement l’entrée inconditionnelle d’équipes techniques, de spécialistes de la médecine légale et d’enquêteurs criminels dans la bande de Ghaza, ainsi que du matériel nécessaire » pour soutenir les efforts des secouristes en place. Rien de tout cela n’a cependant suivi. Plus grave, les services de secours palestiniens, qui ont vu tomber en martyr des dizaines de leurs éléments depuis le début de la guerre, ont fait l’objet d’une embuscade meurtrière, le 23 mars derniers, y laissant une quinzaine d’ambulanciers et de pompiers. Ils se disent cependant déterminés, malgré tout, à poursuivre la mission impossible de tenter de sauver les vivants et de pouvoir enterrer décemment les morts.
M. S.