Reconnaissance de l’État de Palestine : une dynamique à transformer vite en actes

Tant que les bombardements meurtriers continuent de décimer les populations de Ghaza, il sera difficile de convaincre les Palestiniens et leurs soutiens historiques dans le monde que la «communauté internationale» commence réellement à prendre ses responsabilités.

L’Etat palestinien a gagné encore de nouveaux soutiens solennels, lundi, à la tribune des Nations unies à New York. La semaine de haut niveau qui se tient depuis avant-hier, en marge de la 80e session de l’Assemblée générale annuelle de l’Onu, a, en ce sens, tenu une grande part de ses promesses.

La France, la Belgique, le Luxembourg, Malte, Monaco et Andorre se sont joints, depuis hier soir, au Canada, l’Australie, le Royaume Uni et le Portugal, qui, dimanche déjà, ont annoncé officiellement reconnaitre l’État palestinien. Lors d’une session durant laquelle l’isolement de l’entité sioniste a été illustré par cette chaise vide laissé par le boycott de son représentant, les chefs d’États et les hauts diplomates, qui ont intervenus, ont tous insisté sur l’impératif de relancer la solution à deux États comme seule issue au conflit israélo-palestinien, avant que cette option ne soit irréversiblement condamnée par l’occupation sioniste. Jusqu’à hier, en attendant un décompte authentifié, plus de 150 États, sur les 193 membres de l’ONU, ont reconnu l’État palestinien, dont 9 pays occidentaux, depuis dimanche dernier.

Depuis octobre 2023, soit le début de la guerre génocidaire israélienne contre Ghaza, ce sont près de 20 États européens qui en ont fait le pas. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, privé de visa pour se rendre aux États-Unis, a du intervenir en visioconférence, à partir de Ramallah. Il a salué «le début d’un chemin irréversible», et réclamé un «cessez-le-feu permanent à Ghaza» et la garantie immédiate de l’accès de l’aide humanitaire dans l’enclave. Le secrétaire général de l’ONU, de son côté, a, à l’occasion, balayé les arguments de ceux qui s’opposent à la dynamique diplomatique actuelle, selon lesquels la reconnaissance de l’État palestinien en la conjoncture est synonyme de «cadeau» offert au mouvement Hamas.

La création d’un État palestinien est un droit et «non une récompense», a cinglé Antonio Guteress, ajoutant, en substance, que refuser le statut d’État à la Palestine reviendrait à récompenser les extrémistes du monde entier, et déplorant «une situation intolérable sur les plans moral, juridique et politique» à Ghaza et en Cisjordanie occupée. «La solution à deux États, sur la base des frontières d’avant 1967, est la seule issue au cauchemar», a défendu le secrétaire général de l’ONU, pour qui doivent cesser immédiatement «l’expansion incessante des colonies, la menace rampante d’annexion, l’intensification des violences dans les colonies...». Dans le sillage, le Japon a fait savoir, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, lors de la même séance, que la reconnaissance de l’État palestinien n’était qu’une question de temps pour son pays, renouvelant le soutien total à la solution des deux États. L’Allemagne, allié principiel d’Israël, selon un logiciel historique qui reste bloqué sur les traumas de la Deuxième Guerre mondiale, semble, à son tour, opérer un glissement significatif vers des positions moins «dogmatiques». Lors de la même réunion, le ministre des Affaires étrangères égyptien a annoncé la tenue d’une conférence internationale pour passer à l’étape de levée de fonds pour la reconstruction de Ghaza, avec la participation du «gouvernement palestinien», étape tributaire, bien entendu, de la fin de la guerre à Ghaza.

La présidente de la Commission européenne a, dans le même ordre d’idées, annoncé que l’UE est disposée à constituer un groupe de donateurs pour la Palestine, pour les mêmes objectifs de reconstruction dans l’enclave. Ces discours, au-delà de la valeur symbolique et politique de l’acte de reconnaissance lui-même, instaurent certes un air d’euphorie diplomatique dans un contexte palestinien désastreux et une situation de tensions exacerbées dans la région du Moyen-Orient. Mais mettre un terme à l’arbitraire de la guerre et de l’occupation sioniste appelle sans doute des actes pour que la dynamique diplomatique actuelle ne se transforme pas en énième désillusion. À commencer par des sanctions fermes contre le gouvernement sioniste. Tant que les bombardements meurtriers continueront de décimer les survivants parmi les populations de Ghaza et que la catastrophe humanitaire y servira encore ; tant que le gouvernement sioniste agitera la menace d’annexion de la Cisjordanie occupée, il sera difficile de convaincre les Palestiniens et leurs soutiens historiques dans le monde que la «communauté internationale» commence réellement à s’amender et à prendre ses responsabilités.

M. S. 

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