- La société civile réclame des comptes
Ce drame, qui a mis en lumière la crise de la gouvernance locale minée par la corruption et la négligence, a créé une vague de colère citoyenne, ponctuée par «un appel pressant à l'enquête et à la responsabilisation des fonctionnaires».
Avant-hier, des crues soudaines et exceptionnelles ont frappé la ville de Safi, à environ 300 kilomètres au sud de Rabat, provoquant une catastrophe humaine. «37 personnes sont mortes, dimanche à Safi, au Maroc, en raison de crues soudaines, après des précipitations qui ont entraîné des inondations dans des habitations et commerces», a rapporté hier l’APS, ajoutant que «quatorze personnes sont actuellement soignées à l'hôpital de Safi, dont deux en soins intensifs». Ce drame, qui a mis en lumière, outre l'impératif de l'adaptation aux changements climatiques, la crise de la gouvernance locale minée par la corruption et la négligence, a créé une vague de colère citoyenne, ponctuée par «un appel pressant à l'enquête et à la responsabilisation des fonctionnaires», «le sentiment général étant que cette tragédie était évitable», ont rapporté, hier, plusieurs médias internationaux.
Réagissant à cette tragédie, la section locale du parti Fédération de gauche a qualifié l'événement de «répétition d'une situation désastreuse» qui touche la ville depuis des années. Le parti accuse les responsables locaux d'une négligence manifeste et d'un manque criant de mesures préventives, dénonçant un modèle de «développement qui ne sert qu'à une minorité au détriment de l'ensemble de la population et de la mise aux normes des infrastructures». La Fédération exige une enquête immédiate et transparente sur l'utilisation des fonds alloués aux projets d'infrastructures. De son côté, l'association «ATTAC Maroc» a dénoncé un échec flagrant de l'État et la marginalisation structurelle de la vieille ville. L'association exprime son indignation face à l'état catastrophique des réseaux d'égouts et des infrastructures publiques, critiquant «le gaspillage des ressources publiques dans des investissements ostentatoires» (TGV, stades), financés par l'endettement, alors que «les services de base et la sécurité des citoyens sont négligés». ATTAC pointe le paradoxe de Safi, ville abritant des industries majeures (phosphate, centrale thermique), dont les habitants ne récoltent que pollution et mort, et va jusqu'à y voir un «choix politique délibéré» de laisser les infrastructures se dégrader. Cela dit, face à la gravité de la situation et à la pression citoyenne, le procureur général de la Cour d'appel de Safi a annoncé, hier, l'ouverture d'une enquête judiciaire ; une démarche qui, pour les organisations de la société civile, devra impérativement garantir la responsabilité de tous les acteurs.
De leur côté, les autorités locales ont réagi en suspendant les cours pour trois jours dans les établissements scolaires de la région par mesure de précaution. La tragédie de Safi, couplée aux dégâts causés par les crues dans la région d'Errachidia, touchée elle-aussi par des inondations, dues, selon les habitants, «au détournement du cours d'eau du Wadi Al-Bathaa par des exploitations agricoles», renforce l'idée que le Maroc fait face à une urgence nationale : Il est désormais vital de s'adapter aux phénomènes climatiques devenus plus intenses et fréquents, mais surtout d'éradiquer la corruption et la négligence qui transforment un aléa naturel en catastrophe humaine.
Y. Y.