Vague d’arrestations et sévères condamnations : la machine répressive à l’œuvre au Maroc

240 condamnations à des peines de prison ferme à l’encontre de détenus issus des protestations du mouvement « GEN Z 2012 » dont de nombreux mineurs.

Le régime du Makhzen, qui prétend prêter une oreille attentive aux revendications de la rue, poursuit dans les faits une implacable campagne répressive contre le mouvement de la jeunesse, à travers des condamnations judiciaires sévères et des arrestations arbitraires happant dans le tas tous ceux soupçonnés d’aspirer publiquement à liberté et la dignité. Les chiffres alarmants du nombre de condamnations et d’arrestations, livré par le rapport de l’Association marocaine des droits humains, publié hier, et cité par l’APS, confirme ce double langage au sommet de la monarchie et cette option sans réserve pour la manière forte. Le document met en lumière l’ampleur de la répression systématique dont est victime la jeunesse dans différentes villes du Maroc, citant au moins 240 condamnations à des peines de prison ferme à l’encontre de détenus issus des protestations du mouvement « GEN Z 2012 », dont de nombreux mineurs. Des peines allant jusqu’à 15 ans de prison ferme ont été prononcées, confirmant ce grave recul des droits humains que les organisations dédiées ne cessent de dénoncer depuis des années.

Le même rapport note que les procès se sont tenus en l’absence des conditions minimales de justice et d’équité, ajoutant que les arrestations ont été menées de manière aléatoire, concernant même des personnes sans lien avec les manifestations. Les images diffusées les dernières semaines sur les réseaux sociaux, ont documenté cette répression s’opérant à l’aveugle dans la rue. Dans la ville d’Agadir, la chambre pénale primaire a prononcé des condamnations sévères : 15 ans pour quatre personnes, 12 ans pour une autre, 10 ans pour 31 détenus supplémentaires, tandis que d’autres peines allant de 5 à 6 ans ont été infligées à des jeunes provenant de Oualili, Tiznit et Taroudant. La campagne de terreur s’étend également à la condamnation de l’expression sur l’espace numérique, note-t-on encore. Un étudiant a été condamné à cinq ans de prison pour des publications sur les réseaux sociaux, au motif qu’elles incitent à l’atteinte à « l’ordre public ».

Autant de faits qui tendent à se répéter à chaque fois que la rue marocaine monte au créneau, ajoute la même source. La situation actuelle rappelle, en effet, les vagues de répression qui ont ciblé les manifestations du Rif, de Jerada, de Al Hoceima et d’autres villes, avec à la clé près de 2.100 jeunes et mineurs arrêtés, environ 1.400 poursuivis en justice dont 330 mineurs. Des statistiques qui soulignent le fossé qui s’est creusé avec une génération qui ne veut plus se taire face à la marginalisation, le chômage et l’absence de perspectives. La plus grande organisation des droits humains au Maroc note que les chiffres communiqués ne sont pas définitifs ou exhaustifs, du fait de la difficulté à enregistrer toutes les arrestations. Celles-ci se poursuivent encore, y compris en se basant sur le simple visionnage de vidéos ou de publications sur les réseaux sociaux, pouvant être jugées comme des incitations à la perturbation de l’ordre public, selon l’interprétation qu’en font les services du Makhzen.

M. S.

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Des grèves dans la santé et l’enseignement supérieur

La vague de mécontentement qui secoue le Maroc ne reflue pas. Le Makhzen doit faire face, dès la semaine prochaine, à une nouvelle série de grèves et de sit-in, dans la continuité des manifestations lancées fin septembre par le mouvement de la jeunesse marocaine en colère. Dans le secteur de la santé, les infirmiers ont annoncé une grève pour mardi prochain, dénonçant l’absence de réformes significatives et la détérioration des conditions de travail, selon le Syndicat indépendant des infirmiers et techniciens de santé. Cette mobilisation fait suite à plusieurs agressions contre des soignants, de même qu’elle dénonce le manque criant de moyens d’intervention. Dans un hôpital provincial Abi El Kacem-Ezahraoui d’Ouezzane, le service Mère-Enfant illustre ne dispose que d’un seul médecin pour plus de 274.000 habitants, dans des conditions décrites comme "pénibles et inhumaines". Chaque accouchement compliqué devient une lutte contre le temps, les équipes médicales portant seules le fardeau d’un système défaillant, rapporte-t-on. Le bureau du Syndicat national de la santé publique alerte à ce titre sur une "situation catastrophique" risquant de provoquer l’effondrement du service public. Dans l’enseignement supérieur, la contestation s’intensifie également. Le bureau local du Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESup) à El Jadida a proclamé une grève pour jeudi prochain, accompagnée d’un sit-in devant le rectorat de l’Université Chouaib-Doukkali, pour protester contre la dégradation de la qualité de l’enseignement et l’absence de réponses concrètes aux revendications des universitaires.

M. S. et agence  

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