Chine - Etats-Unis : La guerre des mots

Entre Pékin et Washington, la tendance est en ce moment plus à la froideur dans les relations avec en arrière-plan des relents d’une crise annoncée aux multiples variables. Une stratégie de puissance s’installe progressivement, mais sûrement, dans la zone indopacifique, qui, aux yeux des Américains, justifie ce que Barack Obama nommait déjà le «pivot asiatique» : une réorientation stratégique des forces américaines vers l’Asie, pour contenir l’influence grandissante de l’empire du milieu. 
Pour les observateurs cette région n’est pas seulement un point chaud qui vient renforcer l’instabilité en cours du monde, mais une zone sensible dans laquelle se dessine le futur ordre international.  
C’est à cette tectonique des plaques, potentiellement explosive, que nous assistons aujourd’hui. Un exemple édifiant de cette ébullition en mer de Chine méridionale. Les tensions qui s’y accumulent sont tellement fortes, que l’équilibre de la paix s’affaiblit de jour en jour, surtout avec le dossier de Taïwan. 
Cet espace est l'une des routes commerciales les plus importantes au monde et un canal pour plus de 3.000 milliards de dollars de commerce maritime annuel. Signe apparent de cette nervosité extrême, qui marque cette région, les déclarations du secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, qui a promis, samedi, que Washington ne tolérerait aucune «coercition et intimidation» de ses alliés et partenaires par la Chine, tout en assurant à Pékin que les États-Unis restaient déterminés à maintenir le statu quo à Taïwan et préférerait le dialogue au conflit. 
S'exprimant lors du Dialogue Shangri-La, un forum annuel réunissant de hauts responsables de la défense, des diplomates et des dirigeants à Singapour, Austin a fait pression pour soutenir la vision de Washington d'un «Indopacifique libre, ouvert et sécurisé dans un monde de règles et de droits». 
Les États-Unis ont étendu leurs propres activités autour de cette étendue maritime, pour contrer les revendications territoriales de la Chine, notamment en navigant et en survolant régulièrement le détroit de Taiwan et la mer de Chine méridionale. Joignant l’acte à la parole, Washington a déployé, samedi, un destroyer lance-missiles et une frégate canadienne dans le détroit de Taiwan, «au nom du droit international». Selon le représentant du département d’État américain, «le conflit n'est ni imminent ni inévitable». Mais, pour  le lieutenant-général chinois Jing Jianfeng, un haut responsable de la délégation accompagnant le ministre de la Défense, le général Li Shangfu à ce forum, «les États-Unis sapent la politique d'une seule Chine, et soutiennent les séparatistes taïwanais». «Taiwan est une partie inaliénable du territoire souverain de la Chine», a-t-il martelé, écartant, pour ainsi dire, tout compromis sur ce dossier, précisant que «la Chine a une souveraineté incontestable sur les îles de la mer de Chine méridionale et les eaux adjacentes». 
Au même moment, les deux puissances se jaugent en mer comme dans les airs dans la région parfois à la limite d’une réelle escalade… qui frôle le non-retour pour la maîtrise de cet espace stratégique au cœur de la dynamique de mondialisation et de l’économie mondiale. En effet, ils représentent près de 30% de l’économie mondiale. Rory Medcalf, professeur à l’université nationale d’Australie et auteur de nombreux ouvrages sur la région, évoque même une «compétition des idées» et décrit cet espace comme le nouveau centre géopolitique mondial.
 
M. T.

 

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