
Après la région indopacifique, devenue la priorité économique et géostratégique de Washington, l’Afrique, continent de toutes les convoitises, est en passe de devenir le futur terrain d’«affrontements» entre les deux puissances économiques et commerciales de l’heure : la Chine et les États-Unis.
L’influence grandissante de Pékin en Afrique inquiète.
Depuis les années 1970, l’empire du milieu, conscient que son essor économique dépend en grande partie des ressources naturelles, n’a de cesse d’investir massivement dans des projets de développement dans la plupart des pays africains contre l’exploitation d’une partie des ressources énergétiques de ces pays pour faire relancer l’industrie chinoise. En effet, depuis son entrée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, le pays s’est affirmé comme l’un des pôles majeurs du commerce international, résultat de la politique de réformes, initiée après la mort de Mao à la fin des années 1970. Cette politique volontariste de modernisation et de développement du pays en a fait le premier exportateur mondial, la deuxième puissance économique (ou la première en parité de pouvoir d’achat), la première puissance industrielle et le premier déposant de brevets, tout en contribuant à la défense de ses intérêts, qu’ils soient politiques (récupération de Hong Kong en 1997 et de Macao en 1999) ou géopolitiques (projection en mer de Chine méridionale et au-delà). Sur le plan financier, c’est le premier créancier des États-Unis et devrait devenir la première puissance bancaire grâce aux premières réserves de change mondial (40% du total). Sa forte croissance économique a permis une amélioration sensible du niveau de vie de sa population, malgré la persistance de fortes inégalités sociales et régionales. À partir du contrôle de son marché intérieur, elle s’est aussi progressivement dotée de très grandes entreprises étroitement liées au pouvoir qui partent à la conquête du monde. 60 font partie des 500 premières firmes transnationales (FTN) mondiales, soit plus que le Japon et autant que le Royaume-Uni. Ces FTN ont investi 835 milliards de dollars à l’étranger en dix ans, dans 110 États. La moitié de ces investissements directs étrangers se trouve dans les pays développés, afin d’y capter technologies et savoir-faire. L’autre moitié est localisée dans les pays du Sud, notamment en Afrique et Amérique latine, afin de s’approvisionner en matières premières agricoles, minérales ou énergétiques. Dépassé sur ce plan à cause notamment d’une politique de repli initiée par Donald Trump, la nouvelle administration américaine tente cette fois-ci de reconquérir le terrain perdu.
La tournée en ce moment du secrétaire d'État américain Antony Blinken en Afrique sous couvert de la «préservation de la démocratie dans les sociétés politiquement et ethniquement fracturées» revêt au fond un autre message au slogan conquérant «l’Amérique est de retour». Si au niveau des crises qui secouent les démocraties sur le continent noir Washington tente de stimuler ces efforts diplomatiques, jusqu'à présent infructueux, pour résoudre les conflits qui s'aggravent en Éthiopie et au Soudan, et pour contrer les insurrections croissantes ailleurs, comme en Somalie, sur le plan commercial, le pays de l’Oncle Sam s’est vu damé le pion par la Chine qui a injecté entre temps des milliards dans l'énergie africaine, les infrastructures et d'autres projets que Washington considère comme des arnaques conçues pour profiter des pays en développement. Le retard des Etats Unis sera-t-il comblé ? En tous les cas, le bras de fer sino-américain se poursuit sous d’autres cieux. La nouvelle stratégie africaine de Biden est en marche.
M. T.