60e anniversaire d'El Moudjahid: Ils ont dit

À l’occasion du 60e anniversaire d’El Moudjahid, célébré le 26 juin 2025 au Palais de la Culture Moufdi Zakaria à Alger, trois anciens journalistes du quotidien ont livré des témoignages intimes et marquants. Entre souvenirs douloureux et fidélité à une tradition journalistique héritée de la Révolution, leurs récits dessinent les contours d’un engagement durable pour l’Algérie et sa presse.

Louni Arezki : la mémoire des années noires

Entré à El Moudjahid en 1991, Arezki  Louni évoque une période difficile pour le pays et pour la presse : « Nous avons vécu une situation dramatique. Nous avons perdu près de dix collègues. La salle de rédaction était devenue un mouroir, si je peux me permettre ce mot. »

Malgré la douleur, il se souvient de l’héritage transmis par ses aînés : « Notre chance, c’est d’avoir été formés par de grands noms, des journalistes solides, capables de tenir bon même quand tout s’écroulait autour. » La célébration, dit-il, est chargée d’émotion : « C’est un mélange de joie et de tristesse. Mais c’est surtout la victoire de la mémoire, celle qui ne se tait pas. »

Abdelkrim Tazaghout : une filiation révolutionnaire

Pour Abdelkrim Tazaghout, ancien rédacteur en chef de la rubrique culturelle, cette commémoration est avant tout un hommage à l’histoire :

« El Moudjahid a été fondé en pleine guerre de Libération. Il suffit de rappeler les signatures d’Abane Ramdane, de Frantz Fanon, de Réda Malek… Ce ne sont pas seulement des journalistes, ce sont des révolutionnaires. » Il revient aussi sur les pertes subies par le journal durant les années 1990 : « El Moudjahid a payé un très lourd tribut pendant la décennie noire. Plus de treize journalistes et personnels ont été assassinés. Mais malgré tout, il fallait continuer. » Et d’ajouter : « C’est plus qu’un journal. C’est une école, une université, une mémoire vivante. »

Salim Rabahi : l'engagement jusqu'au bout de la plume

Salim Rabahi, ancien rédacteur en chef et aujourd’hui directeur de la communication au Conseil de la Nation, évoque un souvenir douloureux :

« J’étais là quand Abderrahmani a été assassiné. J’étais le dernier à l’avoir vu vivant. C’était très difficile. » Il souligne la dimension patriotique de la mission journalistique : « Ce sont des gens qui ont défendu la République par leur plume, au moment où certains disaient que ce pays était fini.» Pour lui, la cérémonie d’anniversaire est porteuse de sens : « La reconnaissance, c’est un bon signe. Elle rend hommage à ceux qui sont partis et encourage ceux qui sont encore là. »

Trois témoins, trois récits, une même fidélité. Fondé dans la lutte anticoloniale, forgé dans les épreuves, El Moudjahid reste debout, porté par ses valeurs, ses hommes et la mémoire qu’il incarne.

Samia Boulahlib

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