
Si Merabet Nour Eddine
La guerre de Libération nationale se définit avant tout par la nécessité d'un armement efficace. Dans la région de Tiaret, au sein de la Wilaya V, se trouvait un homme clé : Mohamed Zernane, un moudjahid au talent inventif, qui a consacré ses compétences à sa patrie.
Né en 1905 à Aïn Mahdi, dans la région de Laghouat, Mohamed Zernane a reçu de son père l'enseignement de plusieurs métiers, qu'il a su maîtriser avec aisance. En 1936, il quitte sa famille pour s'établir à Sougueur, où il commence par exercer comme menuisier. Par la suite, il se tourne vers le commerce de meubles, d’armes et de munitions. Avec une précision remarquable, il répare et améliore des armes dans un atelier clandestin qu'il a monté.
En 1948, Zernane fabrique une arme à feu artisanale, ce qui attire l'attention de l'administration coloniale. Il est arrêté pour possession d'armes illégales, et chez lui, on découvre 32 pistolets, 25 fusils de chasse, un fusil de guerre, ainsi que des munitions. Bien qu'il soit libéré, il fait l'objet d'une surveillance étroite. L'armée française procède à des perquisitions fréquentes dans son domicile, qui a été transformé en miroiterie, ébénisterie et serrurerie, afin de dissimuler ses activités.
Durant les années 1950, Zernane se spécialise dans la miroiterie, devenant le seul expert reconnu dans l'Ouest algérien. En parallèle, il se lance dans la chimie et met au point un produit hautement inflammable au contact d'une étincelle. Avant de rejoindre les rangs de l'Armée de Libération Nationale (ALN), il travaille sur deux projets innovants : un détonateur immergé capable de provoquer des explosions sous-marines et une serrure de coffre-fort magnétique. En outre, Zernane est également sculpteur sur bois, peintre et graveur.
Avant de rejoindre le maquis, il effectue des missions pour l’ALN. Dans la région de Gaâda Aflou, un bastion de la résistance, il est chargé de désamorcer des bombes non explosées larguées par l'aviation française.
Le 15 novembre 1957, Mohamed Zernane intègre la zone VII, mettant son savoir-faire au service de la révolution. Le commandement de la région le nomme chef armurier et artificier. Au maquis, il crée une teinture permettant de transformer des vêtements en bâche en véritables uniformes militaires.
Zernane établit également un laboratoire photographique. Il est chargé de désamorcer les bombes, roquettes et obus non explosés, récupérant ainsi la poudre pour une réutilisation ultérieure. Cependant, sa vue s'affaiblissant, le PC décide de lui assigner un jeune guide de seulement 15 ans, qui l'accompagne dans ses déplacements dans la région de l’Ouarsenis. Ce jeune homme, dévoué, ne quittera plus l'armurier, partageant son sort face à l'ennemi.
Mohamed Zernane trouve tragiquement la mort le 17 août 1959, lors d'une offensive de l'armée française à Abbayes, dans l’Ouarsenis. À ses côtés repose le corps de l’enfant qui a choisi de rester près de lui, malgré son handicap visuel. Ce jour-là, l'histoire se souviendra du plus ancien et du plus jeune martyr de ce combat héroïque.
S. M. N.