Les algériens du shâm répondent à l’appel de la patrie : Même les femmes adhéraient à la révolution algérienne

Kamel Bouchama (*)

En effet, profitant de cette circonstance historique qui nous renvoie à notre lutte de Libération nationale en Algérie, nous nous proposons de révéler succinctement cette participation sincère et honorable de nos sœurs, qui se sentaient toujours plus concernées par le problème épineux de leur pays d’origine.

Elles étaient nombreuses ces femmes qui, spontanément, ont adhéré à toutes les missions qu’elles dirigeaient ou que dirigeaient leurs frères responsables. Il y a dans ce lot de militantes une dame pas comme les autres, El Amira Amel, authentique descendante de l’Émir Abdelkader, une Amira au grand passé révolutionnaire, qui est sa petite-fille. Une dame cultivée, racée, distinguée et toujours souriante, s’exprimant avec délicatesse et affectionnant tous ceux qui l’entouraient. N’était-elle pas d’abord la «moudjahida» à des milliers de kilomètres de là qui luttait pour cette Algérie qu’elle vénérait tant ? N’était-elle pas aussi la grande éducatrice, héritant de sa mère, la non moins célèbre Adyla Beyhem, celle qui a émancipé la femme dans ce grand Shâm et l’a libérée des affres de l’ignorance, avec toute la noblesse du dévouement, jusqu’à l'épuisement ? C’est dire les liens qui unissaient cette dame exceptionnelle à la révolution algérienne, une dame digne représentante de la majesté qu’incarnait feu l’Émir des croyants, Abdelkader Ibn Mohieddine El-Hassani El-Djazaïri.
Après elle, sa fille Amel, a assuré la continuité dans la fameuse institution «Dawhate el Adab», ce merveilleux établissement secondaire –une sorte de lycée– qu’elle dirigeait et où tous les enfants de Damas et d’ailleurs, ceux qui pouvaient trouver des correspondants dans la capitale, ont eu le privilège de bénéficier des meilleurs cours qui étaient dispensés par d’excellents professeurs. Aujourd’hui, «Dawhate el Adab» existe encore, reflétant les beaux restes et l’engagement d’une famille noble et sérieuse qui n’avait que l’amour des autres et leur repos dans le cœur.
Mais cela n’ayant pas suffi à notre Amira Amel qui, en s’engageant corps et âme dans la révolution de son pays, prenait des initiatives grandioses pour participer efficacement à cette lutte de Libération, la sienne. Car, en plus de la mobilisation politique et des collectes de médicaments et d’autres effets essentiels au profit des djounoud du front, elle organisait des campagnes de sensibilisation au niveau des jeunes Algériens de Syrie et du Liban qui se portaient volontaires pour aller combattre au maquis, en Algérie, avec leurs frères moudjahidine. Elle travaillait d’arrache-pied dans ce cadre-là, en étroite collaboration avec la représentation du FLN à Damas.
Ainsi, l’opération la plus importante qui restera célèbre dans l’histoire de la lutte de Libération nationale et bien gravée dans les tablettes de Novembre est son initiative audacieuse –nécessaire au demeurant– de s’être faite l’ambassadrice, déléguée par un mandat impératif, pour la concrétisation d’une action bien définie, dans le programme décidé par la révolution algérienne. Alors, El Amira Amel perspicace, dynamique et entreprenante n’a pas perdu son temps au cours de ce voyage historique pour elle et…pour son pays, l’Algérie.
La présence d’un dirigeant de la trempe de Nehru en Syrie, au cours d’un voyage officiel, lui a commandé de remplir une «importante mission» pour la révolution algérienne. Il fallait «arracher» au leader de l’Inde, ce grand pays du continent asiatique, sa «reconnaissance du combat du peuple algérien » contre le colonialisme français. Et ce n’était pas facile ! La princesse Amel s’est lancée dans une gageure qu’elle tenait à réussir avec son amie et camarade de classe –pendant leurs études à Oxford– Indira Ghandi, qui était du voyage officiel avec son père Nehru à Damas. Les officiels syriens ont désigné la princesse Amel pour l’accompagner au cours de cette visite, la sachant très liée à cette dernière.
C’est ainsi que cette action déterminante d’El Amira Amel pour l’Algérie combattante reste comme un brillant exploit dans l’histoire de notre lutte pour nos droits inaliénables, puisqu’avec la complicité de sa camarade de classe elle a réussi à concrétiser son vœu, plutôt le vœu de son pays pour son émancipation et sa souveraineté nationale. (3)
De là, et peu de temps après, venait cette reconnaissance de l’Inde pour confirmer Bandoeng, en une réponse claire, non seulement à Amel, mais aussi au monde entier car, le 18 avril 1955, sur l'île de Java «Nehru, Chou En lai, Soekarno et Nasser ont été convertis à la thèse anticolonialiste défendue par le FLN qui dénonçait la politique de la France coloniale», comme l’affirmait Nora Chergui, au Forum de la Mémoire d’El Moudjahid le 21 avril 2018. (4)
Pour conclure à propos de Novembre 1954, nous disons qu’assurément il y a beaucoup d’histoires et d’événements, aussi importants les uns et les autres, qui ont eu comme théâtre Damas, ou les autres villes du territoire syrien, pendant la révolution algérienne. Mais comme on ne peut les rapporter entièrement dans cette contribution, le peu que nous avons souligné est déjà révélateur et démontre, s’il en est besoin, que les Algériens du Shâm ont grandement contribué à la lutte de Libération nationale qui les concernait au plus haut point.
Ainsi, si la révolution algérienne a été bien soutenue dans cette région, c’est parce que la Syrie a été la plaque tournante et le pays d’accueil et d’exil pour les Algériens depuis longtemps, depuis des siècles même. Le climat était favorable pour toutes les manifestations de soutien et d’actions concrètes pour aider la révolution. Beaucoup d’Algériens vivaient là-bas –et y vivent encore–, d’où
les conditions ne pouvaient être que propices à une bonne entente et à un meilleur rendement dans le cadre d’une assistance concrète et directe.
Un dernier mot pour terminer ce témoignage. Nous pouvons nous assurer que lorsque le GPRA avait son siège au Caire et à Tunis, Damas était le lieu de préférence des membres de ce gouvernement provisoire et de plusieurs responsables de la direction du FLN, qui activaient énormément, à l’aise, dans un climat fraternel et stimulant, parce qu’en Syrie, l’aide était désintéressée et honnête.

K. B.
(*) Ambassadeur, ancien ministre et sénateur

NOTES
(3) Reprendre ma contribution du mardi 15 octobre 2024 dans El Moudjahid sous le titre : « L’Inde et la reconnaissance de notre combat»
(4) Nora Chergui, au Forum de la Mémoire d’El Moudjahid, le 21avril 2018.

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