Le droit et la morale

Malgré ses 40 ans dans la diplomatie et les affaires politiques, il est à parier que la mission de Staffan de Mistura connaîtra le même sort que celles de ses prédécesseurs. Cinquième émissaire de l'organisation onusienne pour ce territoire non autonome qu’est le Sahara occidental, dernière colonie en Afrique, l’actuel envoyé spécial du SG de l'ONU se heurte non seulement aux tergiversations marocaines, mais, plus grave encore , il affronte une nouvelle donne, à savoir le verrouillage du Conseil de sécurité de l’ONU par certains membres permanents qui dénigrent outrageusement le droit et la légalité internationaux par le recours à la règle du veto, bloquant ainsi toute avancée vers une solution juste et équitable basée sur les principes qui constituent les fondement de la Charte de l’ONU, à savoir le «droit des peuples à disposer d’eux-mêmes». James Baker, Christopher Ross, Horst Köhler et Peter Van Walsum, tous ont été contraints de jeter l’éponge. Les motivations de ces démissions sont identiques. Ce qui est inscrit dans l’agenda de l’ONU, c’est-à-dire le droit à l’autodétermination, s’est avéré être incompatible avec ce que certains membres du Conseil appellent «le realpolitik». Christopher Ross l’a bien résumé, en affirmant récemment que durant ses longues années d'impasse, «le Conseil de sécurité n'a exercé aucune pression réelle» sur la partie marocaine, qui ne déplie, lors de rounds des négociations, que le dossier de son plan d’autonomie, sans vouloir entendre parler de la proposition sahraouie. Cette attitude traduit l’impuissance de la légalité face à la pratique du «double standard», devenue, à force, presque une norme travestissant la pratique diplomatique. Que ce soit en Palestine ou ailleurs, la notion d’intérêt prime toute autre valeur. La morale s’efface devant l’arbitraire, dont le statu quo constitue l’une des formes les plus sournoises du nouveau colonialisme. Adopté à chaque session, ce dernier permet au Makhzen de pratiquer allègrement une sorte de déportation massive qui ne dit pas son nom et libérant le champ à une prédation des richesses d’un territoire usurpé. Exemple édifiant, des États et des multinationales continuent de financer des projets dans les territoires sahraouis occupés, au détriment de tout entendement et de la morale politique. La création de l’Organisation des nations unies, en juillet 1945, continue à être présentée comme un progrès sans nuance dans l’ordre international. Pourtant, cette institution mondiale vieillissante est en perte de souffle et affiche ses limites. Pour les nations éprises de droit, il est grand temps de réagir, en exigeant des réformes profondes. L’équilibre du monde le veut, la justice le veut et la morale l’impose.

El Moudjahid

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