Un rapport sur l’entrisme des Frères musulmans comme prétexte pour diaboliser l’Algérie : Le fantasme recyclé de la France

«Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il ne montera vers le beau ciel de l’Ile de France, qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses.»

Maréchal Lyautey

«Si la guerre a scellé sur les champs de bataille la fraternité franco-musulmane et si plus de 100 000 de nos sujets sont morts au service d’une patrie désormais commune, cette patrie doit tenir à l’honneur de marquer au plus tôt, et par des actes, sa reconnaissance à tous ces musulmans, s’ils évoquent le nom de la France, et demandent son aide spirituelle ou son hospitalité, Paris offrira l’accueil de l’Institut Musulman, l’ombre pieuse de sa Mosquée.» Edouard Herriot, père de la Loi de 1905 «En France, on a des clochers, pas des minarets. En France, on entend l’angélus et pas le muezzin.» Philippe de Villiers : https://youtu.be/9xzpeKSZQ0A

Résumé

Il y a cent vingt ans, la perception des tirailleurs algériens qui ont défendu «la mère patrie» a été récompensée par la construction d’une mosquée à Paris défendus aussi bien par le maréchal Lyautey que par Edouard Herriot, le père de la loi de 1905. Cent vingt ans plus tard, de Villiers efface le compagnonnage du sans et des larmes et appelle à jeter par-dessus bord ces Français de papier, selon les termes du ministre de l’Intérieur. Dans cette contribution, je tente d’expliciter les termes du débat : Tout est parti d’un Rapport sur l’entrisme des Frères musulmans. Naturellement, les médias aux ordres, pour monter en épingle des faits anciens qui, semble-t-il, étaient connus. Cependant, l’acharnement contre l’Islam est à son comble. De plus en plus, la parole se libère. Quand ont voit tout les intellectuels communautaristes juifs écumer les plateaux. Tout est prétexte à diaboliser l’islam et…l’Algérie En fait, dans ce rideau de fumée, on veut cacher une réalité ; le deux poids, deux mesures que la France impose aux établissements musulmans sous contrat avec des contrôles permanents aboutissant naturellement à la fermeture de ces établissements, contrairement aux établissements et écoles juifs et catholiques. Nous expliquerons ensuite comment le corps social sionisé est balloté ; on lui cache les vrais problèmes de la France, notamment une dette abyssale, et, à la place, on le berce d’illusion, en lui faisant craindre les immigrés, les Frères musulmans et, naturellement, l’Algérie. C’est dire si le logiciel du «Bon temps des colonies» est encore prégnant chez certains hommes politiques qui ne posent pas les vrais problèmes qui sont d’admettre que la communauté des Franco-musulmans lève la tête, elle est instruite, malgré le plafond de verre, elle revendique sa part de visibilité dans le corps social français.

Le zèle maladif de Retailleau

Tout est parti d’un fantasme, il y a une dizaine de jours, à savoir une cinquième colonne des Frères musulmans met en danger la République. Ainsi, l’entrisme des Frères musulmans en France a été présenté en conseil de défense. Depuis des semaines, écrivent Lucie Delaporte et Ilyes Ramdani, du journal Mediapart : «L’attention politique et médiatique se focalise sur le sujet, sous l’impulsion zélée du ministre de l’Intérieur, conscient de l’avantage politique qu’il peut en tirer. À la manœuvre, Bruno Retailleau, qui multiplie les prises de parole sur le sujet. «Le danger est global», martèle le ministre de l’Intérieur (…). Depuis des semaines, déjà, Bruno Retailleau laisse fuiter au compte-goutte des informations sur ce document. Fin avril, en déplacement à Marseille il prévient : le rapport sera «accablant», témoin d’un «islamisme à bas bruit», «conquérant», qui vise à «faire basculer toute la société française dans la charia». Le rapport ne fait que compiler des accusations portées de longue date par les gouvernements successifs, au moins depuis la nomination de Manuel Valls à Matignon en 2014. Plusieurs décisions prises ces dernières années visaient déjà à assécher la supposée emprise des Frères musulmans dans le pays : Un tel cadrage a laissé perplexes plusieurs connaisseurs du dossier. «J’ai bien senti que c’était une commande politique, dont les conclusions avaient presque été écrites en amont par le gouvernement», déplore une des personnes auditionnées par les rapporteurs. Après la diffusion du rapport sur l’«entrisme» des Frères musulmans, des spécialistes dénoncent une instrumentalisation politique. Selon plusieurs experts, pourtant auditionnés, la diffusion de l’islam radical en France se fait par d’autres biais que celui de cette confrérie jugée déclinante.i» (1).

L’inquiétude du recteur de la grande Mosquée de Paris

Pour sa part, e recteur de la grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, s'est inquiété d'une «stigmatisation» des musulmans au nom de la lutte contre l'islamisme, tout en appelant les pouvoirs publics à la «cohérence», après la publication d'un rapport sur le sujet. La grande Mosquée «a toujours défendu une vision de l’islam compatible avec la lettre et l’esprit des principes de la République», et «toujours refusé que l'islam soit dévoyé à des fins politiques visant à fracturer la communauté nationale», affirme le recteur, dans un communiqué.

Un rapport délirant sur les musulmans

Pour Raphaël Liogier, sociologue et philosophe. Le rapport interroge sur les raisons de sa publication, notamment en l’absence d’explications claires des autorités. Son contenu ne présente guère d’éléments nouveaux. L’ensemble du rapport repose sur un prérequis idéologique : l’«entrisme», c’est-à-dire l’idée que des acteurs musulmans infiltreraient discrètement les institutions. L’universitaire dénonce un biais de confirmation dans le rapport, qu’il décrit comme un document destiné à confirmer des préjugés et non apporter un vrai travail de recherche. « On y retrouve, comme à chaque fois que l’État vise un organisme musulman, le nom des Frères musulmans, leur idéologie, des citations d’Hassan al-Banna, le fondateur, qui datent des années 1930. « C’est un rapport délirant ». « Le rapport à l’islam en France est désormais du domaine psychiatrique et non plus de la recherche. On ne peut plus débattre. On est dans le délire obsessionnel, c’est-à-dire qu’on interprète tout dans le sens de nos fantasmes», s’indigne le sociologue. Le rapport souligne aussi le sentiment profond, au sein de la communauté musulmane française, qu’il existe une islamophobie d’État » (2).

Vincent Geisser : La nouvelle islamophobie

Dans le même ordre, Vincent Geisser, directeur de l’Institut (IREMAM-AMU) y voit un recyclage d’idées anciennes pour une organisation en perdition. Vincent Geisser y voit une démarche politique portée notamment par l'actuel ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Il insiste sur la volonté "intégrationniste" des Musulmans de France. La menace des Frères Musulmans est surestimée : "Ils sont dépassés, vieillissants, et en perte d'influence", "La diffusion de l’islam radical en France se fait par d’autres biais." Vincent Geisser a publié La nouvelle islamophobie, la thèse repose sur un postulat : il y a en France, et notamment depuis les attentats du 11 septembre 2001, une phobie de l'islam en tant que religion et civilisation. Or, si le phénomène est constaté aussi bien en Europe qu'en Amérique du Nord, pour V. Geisser il existe bien une islamophobie « à la française » (...) Mais le sociologue est plus irrité encore par le fait que les « intellectuels médiatiques », comme Alain Finkielkraut, Jean-François Revel ou Alexandre Adler, ont réussi à décrédibiliser et à marginaliser la parole des chercheurs spécialistes de l'islam, (…) Antoine Basbous, Antoine Sfeir, Alexandre Del Valle ou Frédéric Encel, face au danger d'islamisation des banlieues de l’Hexagone, les « nouveaux experts de la peur », sont devenus « les figures de références en matière d'islam et d'islamisme ». (3)

L'entrisme comme moyen d’accès à la visibilité politique

Il est nécessaire, de définir l’entrisme, comment y accéder. L'entrisme est une stratégie politique ou idéologique qui consiste, pour un groupe, à intégrer une organisation existante (parti politique, syndicat, association, etc.) dans le but de l’influencer de l’intérieur, souvent sans en dévoiler clairement les intentions initiales. Le but est de diffuser ses idées ou sa ligne idéologique dans une organisation plus large ou plus influente ; et enfin, de gagner du pouvoir ou des postes de responsabilité. L’entrisme des Frères musulmans était, pour cette organisation en déclin une stratégie d’influence à long terme, distincte du lobbying classique, surtout dans les banlieues. Son lobbying direct est faible, car leurs relais directs dans les partis ou l’État sont limités et souvent ignorés, voire contestés. Une visibilité médiatique : modérée et souvent indirecte, par débats sur l’islam : les Frères musulmans avaient, avant leur déclin, un poids social informel, par leur influence sur le religieux et l’associatif, mais pas de pouvoir direct visible. Un autre type d’entrisme autrement plus puissant, dont on ne parle pas, est celui du CRIF. L’entrisme du CRIF a une influence lente et continue à l’intérieur des institutions (gouvernements, partis, médias), pour soutenir les intérêts d’Israël. Il arrive à orienter certaines décisions politiques. C’est lui qui fixe le périmètre du débat sur l’antisémitisme, la mémoire de la Shoah, ou certaines politiques communautaires. Le CRIF a une puissance politique et diplomatique plus directe, visible dans les parlements. Il est officiellement reconnu comme représentant des institutions juives. Il dispose de médias propres et aux ordres, et fait des interventions fréquentes sur l’antisémitisme, la mémoire de la Shoah, Israël. Il représente une minorité numériquement faible (500.000 Juifs en France environ), mais bien structurée. Certains lui reprochent une surreprésentation de fait.

L’enseignement privé en France

« Quand des Juifs s’installent dans une nouvelle ville, ils ne construisent pas une synagogue, ils construisent une école. » Comment en sont-ils arriver à cela ? La meilleure application de l’entrisme est l’éducation. Les écoles catholiques protestantes et juives ont compris comment s’imposer d’une façon soft. On sait que l'enseignement privé en France est majoritairement catholique et représente une part significative du système éducatif. L'enseignement privé représente environ 17 % des élèves scolarisés, soit plus de 2 millions d'élèves répartis dans environ 12.500 établissements. Parmi ces établissements, 96 % sont catholiques, tandis que les 4 % restants comprennent des établissements confessionnels (juifs, protestants, musulmans) ou laïcs. La répartition des établissements privés est la suivante : écoles (maternelles et élémentaires) environ 4.313 établissements sous contrat. Il existe environ 1.569 établissements sous contrat ; il existe également environ 1.801 établissements privés hors contrat. S’agissant des établissements privés musulmans, il existerait environ 60 établissements musulmans, dont 5 sous contrat avec l'État. En termes de proportion, la population musulmane en France est estimée 6 millions de personnes, soit environ 8 à 9 % de la population totale. Cela représente environ 1 établissement privé pour 100.000 personnes ! De même : « il existe 300 établissements juifs, majoritairement sous contrat avec l'État, pour environ 500.000 personnes, représentant moins de 1 % de la population totale. Cela équivaut à 1 établissement pour environ 1.667 individus. La communauté juive bénéficie d'une densité d'établissements privés environ 60 fois supérieure à celle de la communauté musulmane. La majorité des établissements juifs sont sous contrat avec l'État, ce qui leur assure un financement public et une reconnaissance officielle. En revanche, seuls 5 des 60 établissements musulmans bénéficient d'un tel contrat, limitant leur accès aux ressources publiques. La communauté musulmane, fait face à des défis tels que des obstacles administratifs, des ressources limitées et des perceptions sociopolitiques qui entravent l'expansion de ses établissements éducatifs ». (4)

Lycées et collèges privés musulmans

De fait, on remarque que proportionnellement les établissements privés musulmans étant en nombre restreint, cela crée des distorsions. En empêchant l’ouverture d’établissements privés musulmans, la France fait tout pour réduire l’impact de cet enseignement qui, faut-il le souligner est agréé en termes de programme par le ministère de l’Education nationale. Un autre fait est celui des contrôles itératifs concernant les établissements musulmans. La sociologue Aude Lorriaux en parle : « Alors qu’aucun contrat avec un établissement privé n’avait été rompu depuis 1991, l’Etat a mis fin à deux contrats en deux ans, avec deux établissements musulmans. En moins de deux ans, fin 2023 et début 2025, deux établissements privés ont perdu coup sur coup leur contrat d'association avec l'Etat. Deux établissements musulmans : le groupe scolaire Al-Kindi, près de Lyon, et le lycée Averroès à Lille. Le rapporteur public du tribunal administratif de Lille a recommandé l’annulation de la décision de la préfecture du Nord de résilier le contrat entre l’État et le lycée musulman Averroès ».(5) « Ces établissements musulmans ont fait l’objet de très nombreux contrôles, au contraire des établissements catholiques et juifs, pour lesquels les contrats ne sont jamais rompus, même lorsqu’il y a des manquements graves constatés, comme à Stanislas ou Notre-Dame-de-Bétharram, où plus de 200 plaintes ont été déposées contre des responsables de Notre-Dame-de-Bétharram pour des faits d’agression sexuelle et de viol sur mineur, sans enquête. S’agissant des établissements juifs, les contrôles, sont selon toute vraisemblance plus rares encore, et les manquements étaient massifs, le ministère aurait même fait interdire au début des années 2000 toute forme d’inspection (…). Selon la chercheuse Martine Cohen, qui a effectué une recherche sur les écoles juives en 2011, près de 90 % des établissements juifs ne respectaient alors pas la règle de non-discrimination des enfants selon la religion, imposée par le contrat d’association. Selon Bernard Toulemonde, ancien directeur de l’enseignement scolaire, ces contrôles ne seraient pas plus poussés à l’heure actuelle. «Il n’y a pas de contrôle administratif des établissements juifs comme il n’y en a pas d’ailleurs dans les établissements catholiques sauf exceptionnellement. Le «deux poids deux mesures» entre les établissements musulmans d’un côté, et juif et catholique de l’autre, apparaît clair». (5)

Nuits de cristal

D’où vient cette haine contre l’islam que l’on veut à tout pris exclure ? La comparaison avec les «Nuits de cristal», en référence au pogrom nazi de 1938 contre les juifs allemands, traduit l’angoisse croissante de citoyens français de confession musulmane face à la montée d’un discours de stigmatisation généralisée, avec des pratiques sociales qui restreignent la visibilité des musulmans dans l’espace public. L’histoire se répète. Amine Maalouf, dans son magistral livre Léon l’Africain, nous dépeint la détresse des musulmans et des juifs à la veille de la chute de Grenade, quelques mois avant la chute survenue en janvier 1492. Ce sont des détresses qui prennent la forme de la fuite de l’exode avec la nécessité de choisir entre l’exil, en abandonnant tout ce que l’on a, ou l’obligation de la conversion avec les inquisiteurs et les Torquemada espagnols. Mutatis mutandis des Nuits de cristal XXL attendent les Franco- musulmans, ils seront amenés à choisir entre une existence au rabais avec un statut de demi-citoyen de français de papier taillables et corvéables Les Français musulmans s’interrogent sur leur place dans une République qui, d’un côté, proclame l’égalité, mais de l’autre, tolère une parole publique radicalisée contre eux. Ce qui légitime des actes discriminatoires et prépare des lois d’exception. La rupture du contrat social : si les citoyens musulmans sont perçus comme suspects par essence, c’est la République elle-même qui se fracture. Est-il concevable que la France, qui s’intronise patrie des droits de l’homme, jette par dessus bord 7 millions de Français musulmans à part entière dont les ancêtres ont défendu la France dans ses nombreuses querelles. Et ceci parce que certains Français remettent le compteur du temps aux croisades et que d’autres diabolisent l’islam, se voulant être les seuls interlocuteurs du pouvoir ? Les Français pensent, à tort, qu’ils sont des français de souche ; une limpieza de sangre, expression espagnole «pureté de sang», après la fin de la Reconquista en 1492. Chacun sait que la France s’est construite sur l’absorption de cohortes d’étrangers et les colonisés principalement algériens dont les descendants constituent ces émigrés à qui on rappelle chaque fois leur origine même à la cinquième génération. Lors du débat sur l’identité française, Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS a déclaré : «Il est dangereux de voir le pouvoir politique s'emparer ex cathedra de la définition de l'appartenance, de l'identité nationale. Il n'y a pas d'identité française. La France s'est constituée de cette manière par vagues successives de mouvements humains. (…) Il faut revenir à l'esprit de nos grands républicains. Il faut savoir donner aux migrants le temps de se fondre dans la société française et de lui apporter leur propre contribution. Le génie de la République française a effectivement été le droit du sol. Il était facile de devenir Français (6).

Pour avoir une idée de la versatilité des élites politiques dont les réactions sont à géométrie variable, lisons ce moment d’anthologie : Le Pen qui s’adresse aux Algériens, entre deux séances de torture : «Ce qu'il faut dire aux Algériens, ce n'est pas qu'ils ont besoin de la France, mais que la France a besoin d'eux. (…) J'affirme que, dans la religion musulmane, rien ne s'oppose, au point de vue moral, à faire du croyant ou du pratiquant musulman un citoyen français complet.» La république équidistante des religions devrait avoir un fort désir d'intégration. Quel discours de réconciliation développer pour contribuer à la tolérance et au vivre ensemble à l'ombre des lois de la république ? La République française, fondée sur les prinæcipes de liberté, d’égalité et de fraternité, ne peut se permettre de rejeter ou de marginaliser une partie de ses enfants sous prétexte de leur foi. 7 millions de Français musulmans vivent, aiment, travaillent, rêvent en France. Leurs pères, leurs grands-pères ont versé leur sang pour la liberté de ce pays, dans les tranchées de Verdun. Les rejeter, c’est se trahir. La laïcité ? Etre musulman et français est non seulement possible, mais réel depuis des générations. Qu’on peut exiger le respect des lois de la République, sans humilier ceux qui y obéissent. L’écueil le plus dangereux est que le corps social français est sionisé, poussant les pouvoirs à une politique de négation des allogènes musulmans. Cela veut dire que, constamment, les intellectuels sionistes entretiennent le mythe de l’étranger musulman incompatible avec le corps social français. Il faut empêcher l’épanouissement apaisé et inexorable des élites franco-musulmanes.

Comment augmenter la visibilité des élites ?

C’est un fait, les 7 à 8 millions de Franco-musulmans commencent à avoir une visibilité quantitative. Qu’en est-il de la visibilité qualitative ? La société française s’enrichit de plus en plus d’universitaires diplômés occupant des postes jusqu’à alors «réservés» au nom du plafond de verre. Cela veut dire qu’à terme, au plus dans une génération, les Franco-musulmans pèseront qualitativement sur les grandes orientations scientifiques, apportant de ce fait leur part de savoir à la république ; On peut comprendre alors l’affolement des communautaristes pour qui l’imaginaire et le devenir de la société française leur appartient. Naturellement, ils feront tout pour faire barrage, au besoin en s’alliant avec la droite et même l’extrême droite ; Ainsi Philippe de Villiers qui a la nostalgie des clochers, déclare sa flamme au CRIF : «Beaucoup de gens de la communauté juive de France se retrouvent dans mon combat contre ce fléau de l'islamisation. (...) Les juifs de France sont les premiers touchés par ce phénomène, et ils savent qu'ils peuvent compter sur ma détermination pour les défendre. Nous défendrons ensemble la civilisation contre la barbarie.» (8)

Comment faire alors, pour y parvenir en faisant appel outre à l’école républicaine, où il faut être performant, aux mêmes armes que les autres communautés catholiques, protestantes et juives ? Investir dans la formation est particulièrement porteur car la formation des futurs cadres, décideurs, journalistes, médecins, ingénieurs, magistrats donne une visibilité positive qui n’est pas seulement celle des banlieues qu’il faut nettoyer au karcher d’un paléo-hongrois devenu président de la République, etc. Chacun sait en effet que les écoles privées sont un levier stratégique par la qualité de l’enseignement, un réseautage puissant d’anciens élèves, de mécènes, qui ont une influence indirecte dans les sphères du pouvoir.

Conclusion

Vincent Geisser a des mots justes pour décrypter cette kabbale d’entrisme. Ecoutons le : «Aujourd’hui, le musulman qui pose problème et qu’on critique parce qu’il est surreprésenté et les sportifs de haut niveau qui se réclament de cette religion sont critiqués. Vos mosquées c’est de l’entrisme. Les mots de Yazid Sabeg, ancien commissaire à la Diversité et à l’Égalité des chances résument justement, plus que mille discours, cette réalité : «Lorsque l’État se met à soupçonner non plus ce qu’un individu fait, mais ce qu’il est, alors il cesse d’être protecteur pour devenir gestionnaire de périls. Lorsqu’il ne gouverne plus au nom du droit, qu’il classe selon l’origine, trie selon les croyances, surveille selon les visages, il réactive, sans le dire, au nom d’une République d’apparence, les vieilles hantises ethno-confessionnelles : (…) Ce moment de bascule, nous l’avons franchi. Une dissolution ici, une fermeture administrative là, un refus d’agrément, un refus d’habilitation, une stigmatisation insidieuse, des médias complices ou apeurés, des intellectuels ou des commentateurs-experts de connivence avec eux. Insidieusement, l’inacceptable s’est installé. On gouverne par la peur, mais on parle d’émancipation ; on exile symboliquement, mais on jure fidélité à la laïcité. Puis est venu le texte de trop : le “rapport classifié présenté en Conseil de défense" (sic) Ce rapport, nous dit-on, identifie et dénonce un “entrisme musulman”. Rien que cela. Il ne nomme pas des faits, mais une intention ; il ne démontre rien, mais insinue tout. Il n’alerte pas sur des comportements ou des agissements mais sur des existences. Voilà le nouvel ordre des choses : une mise en scène de la menace à partir du simple fait d’être là — musulman, français, visible, éduqué, actif. Trop visible jusque dans nos hôpitaux, trop actif, trop diplômé, trop engagé. Trop français ? Ou mal français ? C’est selon.» (9)

Montrant que les Français musulmans ne sont pas seulement des personnes suspectes mais des citoyens qui apportent leur valeur ajoutée qu’il oppose aux vrais ennemis de la République «L’ennemi de la République n’est pas un imam conférencier. Ce n’est pas une enseignante en histoire-géographie. Ce n’est pas une cheffe de service en hôpital public. Ce n’est pas un élu associatif à prénom arabe. Ce n’est pas un étudiant qui lit les classiques en khâgne et récite la fatiha chez lui. L’ennemi de la République, c’est celui qui, au nom d’elle, en dévoie le sens. C’est celui qui produit des textes sans rigueur pour nourrir des exclusions sans fin. Ce rapport est une trahison. Ce Conseil de défense est une imposture. Cette mise en scène est une injure à l’intelligence. Si nous cédons, la République cessera de s’adresser à tous. Elle parlera au nom d’un nous réduit, clos, amputé.» (9) Ces combats d’arrière garde n’arrêteront pas le sens de l’histoire. Les Franco-musulmans, c’est une sève de compétence qui apportera, si la République sait y faire, une part de rayonnement à une France qui a perdu ses repères. Ces Français à part entière et non entièrement à part veulent apporter leur intelligence, leur génie à l’ombre des lois de la République censée être équidistante des religions.

1.Lucie Delaporte et Ilyes Ramdani https://www.mediapart.fr/journal/france/210525/rapport-sur-les-freres-musulmans-la-grande-instrumentalisation 21 mai 2025

2.https://reseauinternational.net/france-un-rapport-delirant-sur-les-musulmans-selon-le-sociologue-raphael-liogier/ 22 mai 2025

3.Mouloud Haddad, «Vincent Geisser, La nouvelle islamophobie», Archives de sciences sociales des religions, 134 | 2006, 147-299.

4. Aleteia+4enseignement-prive.info+4Sénat+4 https://chatgpt.com/share/6830b457-ec98-800c-a7a5-47be65f2761f

5. Aude Lorriaux https://www.20minutes.fr/societe/4149756-20250423-lycees-colleges-prives-musulmans-discrimines-etat-rapport-ecoles-juives-catholiques

6 .http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/11/10/jean-francois-bayart-il-n-y-a-pas-d-identite-francaise_1263548_823448.html Propos recueillis par Gaïdz Minassian

7 Jean-Marie Le Pen…discours à l'Assemblée nationale en 1958. (7)

8.Christiane Chombeau https://www.lemonde.fr/societe/article/2006/05/24/philippe-de-villiers-tente-de-seduire-l-electorat-juif-le-plus-a-droite_775407_3224.html

9. Yazid Sabeg https://blogs.mediapart.fr/yazid-sabeg/blog/260525/la-republique-des-suspects

Chems Eddine Chitour (*). *Professeur émérite Chems Eddine Chitour sénateur, ancien ministre

 

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