- L’Algérie, un acteur influent
- La voix de la diplomatie algérienne : Un retour porteur d’espoir
- Crise du Barrage de la Renaissance : L’Algérie a les moyens de faire avancer les négociations
- Abdelkader Soufi, politologue : Une approche consensuelle
- Idriss Attia : L’algérie est la locomotive de l’afrique
La tournée effectuée par le chef de la diplomatie algérienne dans certaines capitales africaines, Tunis, Addis Abeba, Khartoum et le Caire, a donné lieu à moult commentaires. Néanmoins, tous abondent dans le même sens : Cette tournée marque le redéploiement de l’Algérie sur le continent noir.
L’Algérie, un acteur influent
Une volonté et une ambition affichées par les hautes autorités du pays, qui veulent remettre l’Algérie au cœur de l’Afrique, sa profondeur stratégique. «La nature a horreur du vide», a-t-on coutume de dire, d’autant que notre pays a toujours entretenu d’excellentes relations politiques avec les pays africains. Ce rôle majeur que l’Algérie ambitionne désormais de jouer n’est pas usurpé, au regard de ses relations historiques avec les pays du continent. Pourtant, les échanges entre l’Algérie et les pays africains ne sont pas à la hauteur de ces relations politiques ni du potentiel existant. Une réalité qu’Alger veut changer. Lors de la conférence de presse animée conjointement avec son homologue égyptien, Ramtane Lamamra a souligné que le président de la République l'avait chargé d'effectuer «une tournée dans nombre de pays frères et amis, dont l’Egypte, pour examiner plusieurs questions liées notamment au partenariat stratégique et à d'autres dossiers concernant la région du Maghreb, l'espace sahélo-saharien et la Corne de l'Afrique, objet de concertation avec l'Egypte». Du reste, lors de tous les entretiens et échanges qu’il a eus avec ses interlocuteurs, le chef de la diplomatie algérienne a évoqué les voies et moyens en vue de redynamiser les relations bilatérales. En Ethiopie, à titre d’exemple, les deux parties ont souligné la nécessité d’insuffler une nouvelle dynamique au partenariat entre les deux pays, qui entretiennent des relations historiques d’amitié et de coopération rehaussées par la signature en juin 2013 d’une déclaration de partenariat stratégique. Elles ont également convenu d’entamer les préparatifs pour la tenue de la 5e session de la Commission mixte de coopération algéro-éthiopienne et d’accélérer la finalisation du projet d’accord en cours d’examen sur les services aériens, devant permettre l’ouverture d’une ligne aérienne entre les deux capitales.
Un pays écouté
Mais si les intérêts économiques mutuels ont été évoqués, il n’en reste pas aussi que cette tournée ne s’est pas limitée au seul volet bilatéral et à la recherche des moyens en vue de lui donner une nouvelle impulsion. Les questions régionales, notamment, ont fait l’objet d’un échange de points de vue. Il est vrai aussi que le rôle influent et écouté de l’Algérie sur la scène internationale, et particulièrement africaine, n’a jamais été contesté par ses pairs. Et ce ne sont pas les tentatives de son voisin de l’Ouest qui ont réussi à faire basculer la tendance à son profit. C’est toujours vers l’Algérie que les pays frères et amis se tournent, dès lors qu’ils sont dans une situation de crise interne ou de conflit avec un voisin. Au Caire, le chef de la diplomatie algérienne a souligné «la volonté constante de l’Algérie, dès lors que les conditions sont réunies, d’être une partie de la solution dans tous les dossiers majeurs qui intéressent nos frères». Aussi, c’est sans surprise, pour qui connaît cette position doctrinale, qu’il répondra à une question sur l’issue du conflit autour du barrage de la Renaissance qui oppose l’Ethiopie au Soudan et à l’Egypte, que l'Algérie suit avec intérêt ce dossier, «car étant capital pour des pays frères et amis». Il mettra également l'accent sur la position algérienne constante et son attachement «à ne pas mettre vainement la relation stratégique et privilégiée entre les parties arabe et africaine en péril». C’est dire que même lorsqu’elle n’est pas officiellement sollicitée pour assurer une médiation entre des parties en conflit, l’Algérie ne manque pas d’œuvrer au règlement pacifique des différends qui surviennent entre pays ou à l’intérieur même de l’un d’eux. Ainsi, que cela soit en Tunisie, en Libye ou au Liban, le chef de la diplomatie veillera à rappeler le souci permanent de l’Algérie de ne pas s’ingérer dans les affaires internes de ces pays, partant du principe du respect de leur souveraineté et que la solution et l’avenir de ces pays est avant tout une question qui relève des peuples. Fidèle à ses principes, l’Algérie œuvre à faire taire les armes dans tous les foyers de tension à travers le continent. Une ambition qui vaut aussi pour le monde arabe. La tournée du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, s’est aussi fixée comme objectif de réunir les conditions de succès du prochain sommet arabe devant se tenir en Algérie, dans la perspective de renforcer l’unité des pays arabes, mise à mal ces dernières années, et leur action commune en faveur de la cause sacrée de la Palestine qui a pâti des divisions et déchirements arabes. Un challenge à la mesure de l’Algérie, et porté par sa machine diplomatique.
Nadia Kerraz
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La voix de la diplomatie algérienne : Un retour porteur d’espoir
- T. Hamel, docteur en histoire militaire : « Des acteurs étrangers tirent profit des tensions en Afrique »
La tournée africaine du ministre des affaires étrangères Ramtane Lamamra s’inscrit dans le sillage du redéploiement diplomatique de l’Algérie sur le continent. Le ministre a visité quatre pays africains : la Tunisie, l'Éthiopie le Soudan, et l'Égypte. Pour Tawfik Hamel, docteur en histoire militaire, la tournée de Ramtane Lamamra illustre le fait que l'Algérie mis le cap sur le continent pour un retour sur les devants de la scène diplomatique, après un temps d'éclipse. Le chercheur explique que "l’Algérie réaffirme sa volonté de retrouver son rôle d’État influent au sein de l'Union africaine". Rappelant que l'approche algérienne a toujours été axée sur la gestion politique des crises et des conflits sur le continent. Le spécialiste indique qu’une "dizaine de conflits armés se poursuivent sur le continent africain ce qui en fait la région du monde la plus touchée en 2021". "Ces conflits opposent soit des Etats entre eux, ou bien un Etat qui fait face à une autre partie comme un ou plusieurs groupes rebelles, ou encore des organisations terroristes". Le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigeria, le Tchad, le Cameroun et la Libye sont touchés par des conflits armés dont la source est souvent communautaire. "Ces conflits à répétition sont des occasions pour les vendeurs d’armes, des puissances étrangères et des djihadistes de s’immiscer dans les affaires intérieures des États déjà fragilisés, mais aussi de gagner du terrain comme c’est le cas par exemple au Mali", déplore le chercheur, soulignant que "dans le Sahel des acteurs extérieurs liés aux Etats ou aux multinationales profitent à des degrés divers de la guerre". Les conflits identitaires dont souffre le continent africain en général, et la région ouest-africaine en particulier, sont la conséquence des discriminations subies par certaines communautés, Tawfiq Hamel rappelant que certains conflits résultent de querelles politiques autour du contrôle du pouvoir comme au Soudan du Sud. Sous prétexte d'aide humanitaire, "des puissances étrangères œuvrent à renforcer une intervention déterminée plutôt par la défense d'intérêts économiques". Affirmant que l'Algérie jouit d'une influence politique certain au sein de l'UA, l’intervenant rappelle que c'est grâce à la médiation algérienne en 2000 que le conflit armé entre l’Ethiopie et l’Érythrée a été réglé. Il est donc important de redonner de la voix à l’Algérie et de redéployer sa force diplomatique sur le continent afin de défendre ses intérêts, et jouer les premiers rôles en tant qu’État pivot au Maghreb et au Sahel"
Tahar Kaidi
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Crise du Barrage de la Renaissance : L’Algérie a les moyens de faire avancer les négociations
L'Algérie est capable de traiter sérieusement avec le dossier du Barrage de la Renaissance et de faire avancer les négociations, a déclaré le Dr Tarek Fahmi, professeur en sciences politiques à l’Université du Caire. Dans une intervention téléphonique lors du programme Raï Aam (opinion publique) diffusé sur la chaîne égyptienne TEN, le Dr Tarek Fahmi a souligné que "l’Algérie est un Etat important à l’échelle régionale aux plans arabe et africain", précisant qu' "elle a obtenu le feu vert des trois parties pour agir sur le dossier du Barrage de la Renaissance". La visite du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Ramtane Lamamra en Egypte, au Soudan et en Ethiopie se veut "une tournée de prospection dans les trois pays (... ) pour définir les positions des parties et prendre connaissance du dossier". M. Lamamra devrait présenter les résultats de sa tournée au Président Abdelmadjid Tebboune qui pourrait hisser le niveau de la médiation de l’Algérie dans ce dossier à un rôle direct avec les parties concernées, prévoit le Dr Tarek Fahmi, indiquant que l’Algérie peut "élaborer une vision directe pour jouer un rôle médiateur entre les capitales des trois pays concernés par le dossier du barrage de la Renaissance ou proposer une vision et une nouvelle initiative à l’Union africaine (UA)". Et de souligner que "le souci de M. Lamamra de la relation stratégique entre les deux parties arabe et africaine signifie le caractère international du dossier du barrage de la Renaissance", ajoutant que "l'Algérie possède les données pour jouer un véritable rôle au sein de l'Union africaine (UA) et de la communauté arabe". Le professeur en sciences politiques à l'université du Caire a indiqué que son pays a épuisé tous les efforts et les mouvements au sein de l'UA concernant le dossier du barrage de la Renaissance, estimant que l'UA "n'a plus rien à offrir au regard des pressions exercées par l'autre partie sur les parties concernées".
(APS)
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Abdelkader Soufi, politologue : Une approche consensuelle
Dans cet entretien, Abdelkader Soufi, docteur et chercheur dans les questions stratégiques et sécuritaires, relève que l’absence de l’Algérie en Afrique a grandement profité à certaines parties qui ont tenté de s’infiltrer pour avoir la mainmise sur les richesses des pays africains et leurs ressources. Les enjeux internationaux dans le continent africain sont grands.
El Moudjahid : Le ministre des Affaires étrangères vient d’effectuer une tournée dans quatre capitales africaines. S’agit-il d’un retour de la diplomatie algérienne par la porte de l’Afrique ?
Docteur Abdelkader Soufi : Il faut d’abord revenir sur l’expérience et l’expertise diplomatique du ministre Ramtane Lamamra et son rôle dans le règlement des conflits en Afrique et même au niveau international. Cette tournée, comme vous l’avez souligné, est sa première sortie sur le terrain. Elle constitue une priorité par rapport à l’engagement du Président Abdelmadjid Tebboune, depuis son discours d’investiture, pour l’efficacité de la diplomatie algérienne, et c’est le cheval de bataille du Président. Le choix de Lamamra à ce poste répond à cette volonté, d’autant qu’il jouit d’une grande connaissance des dossiers et avait occupé le poste de commissaire pour la paix au Conseil de sécurité de l’Union africaine (UA) dont on connaît les aboutissements, c’est un diplomate reconnu sur le plan régional mais aussi international. La politique étrangère algérienne ne se limite pas au sous-continent africain. L’Algérie est un pays de droit, fidèle à sa doctrine, à savoir le règlement pacifique des différents conflits. Cette tournée confirme le rôle pivot de notre pays au sein de la région du Maghreb, et de l’espace sahélo-saharien, ainsi qu’au sein du monde arabe. Nous intervenons pour redorer le blason de la diplomatie algérienne, et la mission de M. Lamamara est stratégique.
Quelle lecture faites-vous des relations avec la Tunisie ?
Il faut savoir que l’Algérie considère la Tunisie comme un pays frère, pas juste un pays voisin à l’Est. C’est un partenaire historique. La Tunisie a été la première escale dans cette visite et une autre confirmation que les deux pays entretiennent de bonnes relations. Le chef de la diplomatie algérienne adopte une démarche diplomatique plurielle tout en mettant le cap sur l’Afrique.
S’gissant du conflit autour du barrage de la Renaissance, M. Lamamara peut-il réussir sa mission?
En diplomatie, on peut faire des pas en arrière quand il y a un intermédiaire fiable qui œuvre pour l’intérêt général. L’Algérie a son approche consensuelle et les relations bilatérales entre les différentes parties au conflit sont excellentes avec le Soudan, l’Egypte, l’Ethiopie, ce qui va permettre au MAE d’arriver à une solution équitable à la crise et, à mon avis, comme
Peut-on dire que l’Algérie se repositionne ?
Bien sûr. La relative absence de l’Algérie en Afrique a grandement profité à certaines parties qui ont tenté de s’infiltrer pour avoir la mainmise sur les richesses des pays africains et leurs ressources . Les enjeux internationaux dans le continent africain sont grands et justement le rôle de l’Algérie est important. L’Algérie œuvre pour le développement en Afrique et pour agir d’une seule voix. L’Algérie est la locomotive de l’Afrique, elle est un partenaire fort, stable et fiable qui a une voix forte et qui peut dire «NON» aux grandes puissances étrangères. Je pense également que la diplomatie algérienne a largement contribué à redynamiser l’action de l’UA pour qu’elle soit à même de prendre en charge les préoccupations des pays membres.
Entretien réalisé par : Neila Benrahal
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Idriss Attia : L’algérie est la locomotive de l’afrique
Idriss Attia, maître de conférences à la faculté des sciences politiques et des relations internationales à l'Université d'Alger, souligne dans cet entretien que l’Algérie se trouve aujourd’hui sur plusieurs fronts diplomatiques et œuvre à occuper de nouveau sa position incontournable, notamment sur le plan régional.
El Moudjahid : Quelle lecture faites-vous du retour de M. Lamamra aux affaires et son apport à la consolidation des relations interafricaines ?
Docteur Attia Idriss : Il serait bien de souligner que la désignation de M. Ramtane Lamamra comme ministre des Affaires Etrangères avait plusieurs objectifs. Il est réputé comme « Monsieur Afrique »et maitrise très bien le dossier. Il est considéré comme baroudeur de la diplomatie algérienne. Cette tournée reflète l’intérêt qu’accorde l’Algérie à ses relations arabes et africaines et à la gestion des conflits. La visite du président du Conseil libyen confirme le très bon état des relations bilatérales mais aussi la volonté libyenne d’adopter l’approche algérienne dans le règlement de la crise.
Quelles pourraient être les répercussions de cette tournée sur l’Algérie ?
L’Algérie aujourd’hui tente de mobiliser les pays pour mener des concertations sur les questions et préoccupations arabes et africaines en prévision de la tenue du prochain Sommet arabe à Alger. La situation en Afrique est l’un des dossiers importants liés à la gestion des crises et des conflits dans le continent, notamment la crise au Mali, la migration clandestine au Niger, le Tchad. Le rôle influent de l’Algérie est reconnu sur la scène africaine et très attendu. L’Algérie se trouve aujourd’hui sur plusieurs fronts diplomatiques et œuvre à occuper de nouveau sa position incontournable notamment sur le plan régional.
Cette tournée aura-t-elle un impact sur le prochain Sommet arabe ?
Nous sommes aujourd’hui dans la vraie diplomatie sans occulter les efforts déployés. La diplomatie algérienne a marqué sa présence dans le règlement de nombreux conflits en Afrique, notamment dans la région du Sahel, celui de la Libye, du Mali et du Sahara occidental, tout en appelant au respect des accords. Ainsi, ces questions seront au cœur du sommet. L’Algérie va s’opposer et défendre sa position avec force et courage, notamment la décision de la commission de l’Union africaine d’accueillir Israël comme pays observateur. Le président Tebboune a exprimé ouvertement la position officielle de l'État algérien sur la question de la normalisation avec l’entité sioniste, qui est conforme à la volonté populaire, décrivant la question palestinienne comme la mère des causes, considérant que la position de l'Algérie est basée sur des principes fixes qui n'acceptent pas le changement. L’Algérie qui est un architecte de la paix demeure toutefois vigilante.
Entretien réalisé par Neila Benrahal