Terrorisme routier : Nécessité d'une approche collaborative

Ph. : A-Asselah
Ph. : A-Asselah

Selon les statistiques établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la sécurité routière, il est indiqué que chaque année, plus de 1,3 million de personnes perdent la vie dans des accidents de la route. Nous recensons en plus de 20 à 50 millions de blessés, nombre d’entre eux gardant une invalidité à la suite de leurs blessures. Les accidents de la route coûtent à la plupart des pays 3% de leur Produit Intérieur Brut (PIB). L'Algérie n'est pas à l'abri de ce phénomène qui inquiète de plus en plus, eu égard au carnage quotidien sur les routes.
Spécialiste en gestion des risques à l'Institut d'hygiène et de sécurité industrielle à l'université de Batna, Dr Houria Bencherif explique à El Moudjahid que l’excès de vitesse, la conduite en état d’ébriété ou sous l’influence de substances psychoactives et le non-respect ou l’absence de dispositions de sécurité (refus du port du casque, de la ceinture de sécurité, absence du siège-auto pour enfants,…) sont les facteurs de risques essentiels de cette hécatombe. «S'ajoutent à cela la distraction au volant en raison de l’usage du téléphone portable, ainsi qu'une infrastructure routière dangereuse sur certains axes, et évidemment le non-respect du Code de la route.» Et d’ajouter : «Ces facteurs de risques résultent en ce qu'il est considéré comme insécurité routière qui représente l'ensemble des dysfonctionnements générés par le trafic routier. Il peut s'agir des accidents de la circulation pouvant entraîner des dégâts matériels ou corporels.»
La spécialiste fait savoir que la réflexion sur les causes de la hausse des accidents de la route nécessite «une approche collaborative qui s'appuie sur plusieurs volets, notamment l'aspect économique permettant d’évaluer le coût de l’insécurité routière qui inclut les pertes matérielles, les dommages matériels et le coût de la vie», ainsi que l'approche de la santé publique du fait que les accidents sont responsables de pertes humaines et de séquelles entraînant des incapacités avec détérioration des conditions de vie.
Évoquant l'ampleur du réseau routier national qui demeure l'un des plus importants du continent africain, avec une longueur estimée à 111. 261 km de routes, dont plus de 76.028 km goudronnées et plus de 3.756 ouvrages d'art, Dr Bencherif fait remarquer que les villes algériennes ont connu un développement important ces deux dernières décennies, d’une part, et «d’autre part, poursuit-elle, la motorisation de la société et ses caractéristiques induisent un changement fondamental dans les déplacements des personnes. Nous constatons une part de plus en plus importante du transport dans le budget des ménages, dans le temps de transport et aussi dans la longueur des distances de déplacement. L’évolution de la mobilité quotidienne dans les villes algériennes dépend bien sûr du phénomène d’urbanisation, des localisations des activités et des sites des zones résidentielles».
Selon elle, trois facteurs essentiels contribuent aux accidents de la route, à savoir l’usager, le conducteur et la structure de la route et son environnement. S'appuyant sur les résultats d'une étude qu'elle a réalisée par le passé, elle rapporte que 90% des accidents de la circulation enregistrés sont dus au facteur humain contre 9% dus à l’état des routes et autres causes.
Par ailleurs, les infrastructures routières «mal adaptées», que ce soient les zones dangereuses non balisées ou les intersections sans visibilité, peuvent «aggraver» ou rendre «plus probables» les accidents. «L’aménagement de la route, son type et son environnement doivent être pris en considération si l’on veut éviter de graves accidents.»

Infrastructures routières mal adaptées

Développer une approche de la sécurité routière présenterait un certain nombre d’avantages, ajoutera la spécialiste en gestion des risques à l'Institut d'hygiène et de sécurité industrielle à l'université de Batna. «Cela permettrait aux autorités de hiérarchiser finement leurs interventions, de calibrer de manière appropriée le budget nécessaire pour mener une politique effective de réduction de l’accidentalité, d’orienter les interventions vers des mesures efficaces du point de vue économique», mais également, insiste-t-elle, «de fournir aux décideurs des éléments d’appréciation, en faveur de la sécurité routière lors des grandes orientations budgétaires et en matière de politiques menées».
Notre interlocutrice juge impératif de «porter une attention particulière aux conducteurs jeunes en renforçant les mesures de formation, de sensibilisation et de contrôle», et «d'accorder plus d’importance à l’expérience dans la conduite en tant qu’élément essentiel pour la sécurité des conducteurs». Ceci peut être réalisé par la révision du système actuel d’obtention du permis de conduire en optant pour un système graduel.
Ainsi, «le renforcement des dispositifs de contrôle continu pour les véhicules âgés afin de garantir périodiquement leur sécurité». Et de conclure : «Le plus important est l'adoption d'une approche collaborative, permettant aux acteurs concernés par la sécurité routière de renforcer les connaissances et éclairer les gestionnaires sur les actions prioritaires à lancer.»

Tahar Kaidi

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