
Entretien réalisé par Amel Zemouri
On enregistre quelque 50.000 accidents, ce qui implique 100.000 véhicules sinistrés, 12 morts quotidiennement et quelque 3.000 handicapés. Le coût économique dépasse les 200 milliards de DA, ce qui est terrifiant
El Moudjahid : Nous assistons ces derniers temps à une série d’accidents de la route, tous dramatiques. Quelle est votre lecture de cette triste recrudescence ?
Dr Hamzaoui : En fait, ce n’est pas un phénomène en soi, puisque nous connaissons une recrudescence de ces épisodes dramatiques dans des périodes bien connues de l’année. Il y a annuellement quatre pics : la rentrée sociale, les perturbations météorologiques de l’automne, le mois de Ramadhan et la saison estivale. A ce niveau, les autorités en charge de la sécurité routière évoquent toujours les mêmes raisons : l’excès de vitesse, les dépassements dangereux, la perte de contrôle du véhicule, l’usure du système de freinage et la vétusté de certains véhicules.
Pour ma part, j’estime que l’élément humain est toujours à l’origine des accidents de la route, puisque même s’il n’est pas conducteur, c’est l’homme qui fait les routes, la réglementation, construit le véhicule, et est chargé du contrôle de tout… Cette responsabilité relève d’un schéma social qui démontre que c’est tout le système qui est concerné, et plus il y a d’accidents, plus il y a de dysfonctionnements dans le plan de la circulation routière.
Donc l’erreur ne relève pas uniquement du facteur humain ?
Je dirais plutôt l’intervention humaine. En effet, plusieurs études et rapports, dont ceux de 2005, 2009, 2012 et 2016 pour ne parler que de ceux-là, diligentés par les pouvoirs publics, on fait ressortir qu’il fallait d’abord établir des plans de gestion des transports avant les plans urbanistiques, alors que c’est le contraire qui arrive.
L’autre point sur lequel toutes ces études se rejoignent, c’est qu’il faut d’abord assurer les moyens techniques, matériels et humains, pour ensuite durcir la réglementation et l’appliquer, pour avoir de meilleurs résultats.
Et c’est tout à fait possible, puisqu’il y a des pays qui arrivent à d’excellents résultats avec ça. La Norvège par exemple est un pays qui est entrain de miser sur le 0% résultat, vous vous rendez compte !
Pour revenir à l’Algérie, quelles seraient, selon vous, les facteurs de la recrudescence du phénomène ?
Bon an mal an. On enregistre quelque 50.000 accidents, ce qui implique 100.000 véhicules sinistrés, 12 morts quotidiennement et quelque 3.000 handicapés. Le coût économique dépasse les 200 milliards de DA, ce qui est phénoménal. La plupart des conducteurs ne prennent pas assez de repos et préfèrent parcourir le maximum de trajet pour arriver plus vite. Certains ne connaissent pas bien la route et font des manœuvres dangereuses, ce qui conduit directement à des accidents. Pour les bus, la responsabilité est partagée entre l’entreprise de gestion de ces autocars et le chauffeur. La plupart des bus sont surexploités sans la prise de mesures d’entretien ni contrôle périodique. Pour les chauffeurs, le taux de concentration est très faible et les risques de somnolence fréquents. Pis encore, certains évitent d’avoir un co-chauffeur pour gagner plus d’argent. L’âge du chauffeur joue également un rôle. Nous avons soit des jeunes inconscients de la responsabilité qu’ils ont ou des vieux qui souffrent souvent de maladies chroniques. Les deux manquent de formation et de recyclage. Concernant les poids-lourd, la conduite de nuit est la principale cause.
Au vu de ce constat, quelles solutions peut-on engager aujourd’hui ?
Eh bien, comme les accidents de la route ont évolué de manière très rapide, allant de la simple infraction à la violence routière et à l’hécatombe, les solutions doivent être nombreuses, ciblées et multisectorielles.
Pour les solutions, il faut imposer des plans de sécurité routière dans les points noirs, durcir les peines et sanctions contre les contrevenants, lancer un recensement des points noirs et veiller à leur suppression. L’autre point, c’est qu’il faut renforcer et privilégier les transports en commun qui sont autrement plus pratiques, plus sûrs, plus rentables et donc moins contraignants et donc moins dangereux.
Il faut également, et surtout, établir une vraie culture des bonnes pratiques de l’usager de la route. Cela ne peut se faire sans l’aide et l’assistance du département de l’éducation nationale. En effet, c’est dès l’enfance qu’il faut inculquer, constamment, la culture de la sécurité routière aux élèves, parce qu’une fois sorti de l’école cet élève va se trouver tout de suite confronté à l’incivilité urbaine, en ne trouvant pas de trottoirs aux normes, ces derniers étant squattés par des vendeurs, des voitures ou les étalages des magasins. Ceci est un petit exemple de ce qui doit être fait.
A. Z.