Pr Kamel Djenouhat, président de la société algérienne d’immunologie : «circonscrire le nombre de cas avant le retour à l’école»

La pandémie de coronavirus n’est pas encore terminée, averti le professeur Kamel Djenouhat, président de la Société algérienne d'immunologie. Il donne, dans cet entretien, son avis par rapport aux conditions de retour en classe, à l'application des mesures de sécurité et d’hygiène, et n'omet pas de souligner que «le retour à la normale dépend de la nature de nos comportements aujourd'hui».

Entretien réalisé par Tahar Kaidi

El Moudjahid : Certains spécialistes avancent l’hypothèse que la population juvénile serait hautement exposés à la Covid-19...

Pr Kamel Djenouhat : La décision des autorités de vacciner le personnel de l'Éducation est très positive. En pédagogie, un enseignant doit s'adresser à ses élèves, à haute voix, et nous sommes face à un virus qui se transmet par voie aérienne.
Les études ont montré que les enfants sont également exposés aux risques de contamination. Aussi, les sujets vaccinés ont moins de charge virale par rapport aux non-vaccinés.
Je fais partie de cette catégorie de spécialistes pour qui la vaccination obligatoire pour certaines catégories de la population est une des solutions.
S'agissant des enfants, entre 6 et 11 ans, la vaccination n'est pas encore adoptée. Il faut savoir que si l'on protège les adultes par le biais de la vaccination, on réduit drastiquement le nombre de contaminations. Il faut se rappeler que même avec les différents variants, la population juvénile était épargnée, en témoigne le fait que les services de pédiatrie n'avaient enregistré, pratiquement, aucun cas durant plusieurs mois. C'est pourquoi, ceux-là n'étaient pas inclus dans les catégories cibles de vaccination.

Est-il impératif d’inclure cette catégorie dans la campagne de vaccination ?

À vrai dire, même dans les pays développés, les spécialistes n'ont pas encore tranchés la question, notamment le Canada et les pays nordiques. Les experts internationaux ne sont pas d'accord sur la vaccination des enfants comme option.
Personnellement, je n'envisage pas la vaccination de cette catégorie comme solution, car, en Algérie, nous ne sommes pas dans la même situation que les autres pays. La priorité demeure la protection des adultes, à travers l'accélération de la campagne de vaccination de masse.

Ne serait-il pas impératif d’envisager le dépistage de masse comme solution alternative au niveau des établissements scolaires ?

Avant cela, j'aimerais bien aborder un point très important : il faut souligner cette attitude typiquement algérienne de porter des jugements critiques sur tout ce qui se fait.
Est-il nécessaire de rappeler que par rapport aux pays européens, l'Algérie était parmi les premiers pays à adopter une stratégie préventive au profit des écoliers ; une année scolaire écourtée, obligation de port du masque à l'école ? Or, dans les autres pays, les responsables oscillaient entre l'obligation ou non de plusieurs mesures sanitaires.
La stratégie préventive adoptée par les autorités sanitaires était pour beaucoup de choses dans la protection des enfants et le recul des cas enregistrés, lors de la dernière rentrée scolaire.
Il est à rappeler que les écoles fermées l'étaient à cause de la contamination du personnel, et n'ont pas à cause des enfants écoliers.

Comment corriger les anomalies signalées l’année dernière ?

Il faut saluer, déjà, une première mesure qui a été déjà prise par les autorités sanitaires, à savoir le report de la rentrée scolaire. Même si la courbe est actuellement descendante, il faut dire aux Algériens que la guerre contre le virus se poursuit toujours, et sans relâche.
Avec cette moyenne de 400 à 500 cas par jour. Nous sommes loin de la moyenne des 100 cas. La lutte doit se poursuivre, il n’est pas souhaitable d'envisager la rentrée scolaire dans de telles conditions.

Un report qui va donner du temps pour mieux préparer la rentrée...

Oui. Mais le plus important, c’est de circonscrire le nombre de cas, avant le retour aux bancs de l’école. L'autre point concerne l’élargissement de la vaccination du personnel de l'Éducation.
Je suis pour le maintien des mesures préventives telles qu'elles ont été appliquées l'année dernière. Je tiens à féliciter, dans ce sillage, les responsables du ministère de l'Éducation pour l'effort énorme fourni. Les inspecteurs doivent veiller au respect des règles de prévention, au niveau des établissements scolaires.

Comment évaluez-vous globalement la stratégie préventive ?

Pour une auto-évaluation, il faut se comparer aux autres pays. Qu'on le veuille ou non, ce n'était pas aussi catastrophique. La troisième vague était virulente, on ne s'attendait pas à voir un nombre aussi élevé de cas.
Encore une fois, il faut expliquer aux citoyens que c'est une pandémie touchant des personnes non immunisées, non vaccinées, et qui n'ont pas contractées le virus durant les premiers mois.
La pandémie continuera à chasser toujours de nouveaux cas, notamment ceux qui ne sont pas vaccinés. Les Algériens doivent comprendre que conscience et vigilance vont de paire.

Quelles sont les raisons de la décrue ?

Les trois éléments principaux ayant contribué à cette baisse, en un temps relativement court, c'est d'abord la mesure de confinement partielle qui a permis d'éviter le pire avec ces regroupements estivaux nocturnes. Ensuite, l'adhésion massive de la population, visiblement effrayée des dégâts du relâchement, à la campagne de vaccination, après une certaine méfiance au début. Enfin, le retour conscient des citoyens au respect des mesures barrières.
Il y a un résultat positif, Dieu soit loué, mais, j'insiste que le retour à la normale sera déterminé par la nature de nos comportements aujourd'hui. T. K.

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