
À l’instar de tous les secteurs, l’enseignement a été bouleversé et impacté par la pandémie de Covid-19. L’enseignant, qui constitue la pierre angulaire de la communauté éducationnelle, doit s’adapter et gérer une situation dictée par les nouvelles conditions d’exercice de la profession. À la veille de la rentrée scolaire, Nadjia Kouider nous décrit son état psychologique et émotionnel, et comment elle vit son métier depuis le début de la pandémie.
Entretien réalisé par Amel Saher
El Moudjahid : Vous sentez-vous prête mentalement et psychologiquement pour accomplir votre mission dans ce contexte épidémiologique ?
Nadjia Kouider : Comme vous le savez, le monde traverse actuellement une crise sanitaire très difficile que nous n'avons jamais vécue auparavant. Plusieurs de nos proches ont été touchés.
Certains nous ont même quittés. Ceci nous affecte énormément et nous plonge dans une angoisse terrible et quasi permanente. Nous vivons dans la peur. La peur de contracter la maladie, de la transmettre à nos proches, de les voir partir, de se sentir coupable si jamais on est la cause de leurs souffrances. Il est donc très difficile pour nous de reprendre le travail dans de telles conditions, même si nous sommes dans l'obligation de le faire étant donné que personne ne sait quand cette crise prendra fin.
L’application à l’intérieur des classes du protocole sanitaire et des gestes barrières impacte-t-il la qualité des cours et le degré d’assimilation des élèves ?
La nature de notre travail est basée sur les relations humaines que nous créons avec nos apprenants. Il est très important de s'approcher de l'enfant pour créer ce lien qui va lui donner un sentiment de sécurité et l'aider à mieux comprendre et aimer la matière. Donc en temps normal, nous sommes tout le temps en contact avec nos élèves, que ce soit pour leur expliquer les leçons, vérifier leurs devoirs, voir s'ils ont assimilé le cours, vérifier leurs cahiers…
Mais avec ces nouvelles mesures sanitaires, il est clair que nous nous trouvons dans l'obligation de garder une certaine distance. Cela se complique davantage avec le port du masque, ce dernier provoquant une gêne à la fois pour les apprenants et les enseignants.
D’un autre côté, tout cela crée une barrière entre l'enseignant et l'apprenant, d'autant que nous avons généralement recours à la gestuelle pour expliquer la leçon, surtout lorsqu’il s'agit d'une langue étrangère, pour faire une dictée par exemple ou simplement travailler sur les sons et les phonétiques.
De surcroît, les enfants ne peuvent pas être aussi conscients que les adultes quant à la distanciation sociale. Il leur arrive d'enlever leur masque, de prêter leurs affaires, etc.
Pensez-vous que l’enseignant a besoin d’un soutien et d’un accompagnement psychologique ?
Effectivement, je pense qu'il est très important de soutenir les enseignants durant cette crise. Leur travail est très pénible et avec ce nouveau protocole, les heures supplémentaires, le programme très chargé qu'ils sont appelés à finir en peu de temps en plus de l'état psychologique dans lequel ils se trouvent, je pense qu'il faut envisager sérieusement de les accompagner pour accomplir leur noble mission comme il se doit.
A. S.