Lutte contre le cancer, Pr Kamel Bouzid, chef de service oncologie au Centre Pierre et Marie Curie, au Forum d’El Moudjahid : "Remédier rapidement aux pénuries de médicaments"

Ph : Wafa
Ph : Wafa

Constat des plus terrifiants. Le Pr Kamel Bouzid, président de la Société algérienne d’oncologie médicale, et chef de service oncologie au Centre Pierre et Marie Curie (CPMC) d’Alger a indiqué, mardi, que les chiffres de propagation du cancer en Algérie sont « très inquiétants ». Invité du Forum d’El Moudjahid , le Pr Bouzid affirme que 65.000 nouveaux cas de cancer, tout types confondus, ont été recensés depuis le début de l'année 2021, dont 15.000 rien que pour le cancer du sein.
Ce dernier est en tête de cette pathologie,suivi du cancer du côlon qui connait une recrudescence ces dernières années. L’Invité du Forum est revenu aussi sur la pénurie de médicaments anticancéreux qui accable les malades.
« C’est d’autant plus inacceptable que ces médicaments sont des génériques qui servent, selon lui,à soigner des malades, des enfants atteints de leucémies aiguës, de lymphomes, de tumeurs osseuses »… et surtout qui « permettent de les guérir dans deux tiers des cas ». En la matière, le Professeur déplore le statu-quo, mais espère toutefois que la pénurie prenne fin avec « l’engagement » du ministre de l'Industrie pharmaceutique, Abderrahmane Lotfi Djamel Benbahmedqui avait annoncé qu'une « importante quantité de Vincristine INJ (43 600 unités)devrait être disponible avant le 10 octobre » à travers les différents services hospitaliers. « Nous espérons espère vraiment qu’au cours de ce mois, les choses deviendront un peu plus normales, car il y va de la vie des malades. L’enjeu de la santé publique est de sauver le maximum de patients atteints », dira le Pr Kamel Bouzid.
L’invité du forum d’El Moudjahid regrette qu’« en plus de la rupture grave de certains médicaments de base, les nouveaux traitements ne sont toujours pas entrés en Algérie, alors que cela fait trois ou quatre ans qu’ils ont été enregistrés. Il s’agit de traitements innovants, notamment en matière d’immunothérapie et quelques thérapies ciblées. Le cancérologue a appelé les autorités à mettre en place une législation pour l’utilisation de médicaments innovants. «Ils sont aussi efficaces et nous ferons les économies de plus de 30% sur le facture globale», a-t-il insisté. Il s’est désolé, par ailleurs, des délais très longs pour la prise de rendez-vous en radiothérapie, devenu un « véritable parcours du combattant ».
« En oncologie, plus les patients sont pris rapidement en charge ,plus ils ont des chances de guérir. Maisq là aussi, les choses se sontaggravées »estimant « qu’il y a un grand problème de gestion au niveau des structures hospitalières publiques ». « Il faut savoir qu’il y a une cinquantaine d’appareils de radiothérapie, dont 7 à 10 dans le privé.
On se demande pourquoi les appareils du public sont toujours en panne et ceux du privé fonctionnent normalement et ne tombent jamais en panne ? »,s’interrogele Pr Bouzid. A la question de savoir quelles sont les statistiques réelles sur l’augmentation du nombre de malades de cancer en Algérie, ilnous apprend que la « moyenne est de 55 000 nouveaux cancers par an en Algérie. 65 mille nouveau cas pour cette année. Le premier cancer chez la femme, c’est le cancer du sein. Chez l’homme, c’est le cancer colorectal suivi ducancer du poumon. Et pour les enfants, il y a, en moyenne, 1 500 à 2 000 nouveaux cas chaque année » .

Réhabiliter le fonds de lutte contre le cancer

Autre point soulevé, la non dotation financière du Fonds algérien de lutte contre le cancer, exclut du Budget 2021. « Une grave erreur», considère-t-ilL’invitéprécisera que le Fonds national de lutte contre cancer est institué légalement en 2013, réactualisé en novembre 2017 et alimenté par des taxes sur les sodas, cigarettes, alcools et la téléphonie mobile. «Cependant, ce fonds a été non exploité si non de façon très insignifiante alors que les textes relatifs à son exploitation sont clairs et ne souffrent aucune ambiguïté», s’est étonné le patron du CPMC. Rappelant dans la foulée que le fonds est destiné en priorité à quatre ou trois axes du PNC, (il en contient huit au total), à savoir la prévention, le dépistage, à l’achat des réactifs et à la maintenance des appareils». Et d’ajouter : «Chaque année, l’argent non exploité est remis au Trésor alors que les besoins de financement sont évidents.».
Pour ce qui est du remboursement des médicaments spécifiques au traitement du cancer, le professeur a souhaité que le ministre du Travail s’implique lourdement dans le remboursement des actes chirurgicaux qui se font « majoritairement dans le secteur privé à hauteur à 70% », donnant en exemple les tarifs élevés pratiqués par les cliniques privées, qui sont largement au-dessus des moyens des patients. Selon lui, les examens effectués à l’extérieur coûtent au minimum 600. 000 dinars,pour que « au final, le patient se retrouveau niveau d’un CHU ». «Ce n’est plus possible, la Caisse nationale des assurances sociales ne s’impliquent toujours pas, ou partiellement, dans ce dossier. Interrogé sur le prochain Plan cancer devant couvrir le quinquennat 2020-2024, le spécialiste a plaidé pour une "évaluation objective" des aspects positifs et des lacunes contenus dans le premier plan, l’enjeu étant de "réduire la mortalité et l’incidence" de cette maladie en Algérie.
Farida Larbi

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A l’heure où le Professeur Bouzid plaidait la cause des malades atteints du cancer et l’introduction prompt de nouveaux protocoles thérapeutiques et autres médicaments innovants ainsi que le dégel du Fond national de lutte anti-cancer, le Professeur Benbouzid, ministre de la Santé, annonçait, justement, la réactivation sous peu du fond en question. Le Dr Soumia Benhamida, directrice de la pharmacie au ministère de la Santé annoncera de son côté, l’acquisition, avant la fin de l’année, de « 32 médicaments innovants » qui seront inclus dans la liste des médicaments destinés à la prise en charge de tous types de cancers.

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