Ksar Ettir à Sétif : Le camp de la torture et de la mort

Dans la wilaya de Sétif, les séquelles des tueries et des atrocités perpétrées par l’occupant sont plus que jamais ancrées dans la mémoire des habitants de ces localités montagneuses, qui n’ont pas oublié ces horribles sévices et continuent de témoigner de leur attachement à l’Algérie éternelle dans leur fidélité au serment prêté à nos glorieux martyrs.

À une trentaine de kilomètres au sud du chef-lieu de wilaya, le camp d’internement de Ksar Ettrick, restauré pour que les jeunes générations de l’Algérie n’oublient jamais, fut l’ un des ces lieux macabres qui gardent encore les séquelles de ces atrocités qui lui valurent alors la funeste appellation de «Camp de la mort lente».
Chaque pierre, chaque espace, chaque bout de chaîne accrochés aux pans des murs de ces cellules résonnent encore aux cris de ces milliers de détenus, soumis à des sévices inhumains, torturés jusqu’à la mort par les forces colonialistes dans ce crime guerre.
«Des leur arrivée au camp, les moudjahidine étaient torturés jusqu’à perdre conscience et perdre confiance en tout ce qui les entourait, pour éviter que les détenus ne communiquent entre eux», indique le moudjahid Belgacem Bouchareb, qui a survécu à ces sévices. Un camp dont l’odieuse réputation se mesurait à toutes les formes de torture, des travaux forcés et de lavages de cerveaux imposés à plus de 3.000 internés qui y défilèrent, dans de nombreux cas sans retour
Sur son étendue de 12 hectares, le camp d’internement de «Ksar Ettir» était entouré de 3 barrières, la première de fil barbelé sur une largeur de 6 mètres, jonchée de mines, la seconde électrifiée de même type et de projecteurs puissants et la troisième de protection avec des espaces de circulation constante de chiens policiers, rendant les risques d’évasion pratiquement impossibles .
Les «exemples» de tortures, de travaux forcés et de lavage de cerveaux qui y étaient imposés sont multiples. Le moment cruel pour ces internés, me disait un des détenus de ce camp, «c’est lorsqu’on nous contraignait à l’emblème français, ne se doutant point que chacun de nous préférait la mort que de renoncer à l’idéal pour lequel on était là ! Nous étions soumis à des travaux forcés, à la taille de la pierre, les mains ensanglantées et à la férocité de ces chiens qui nous harcelaient».
Dans ce décors macabre qui ne s’apparente certainement pas «aux bienfaits du colonialisme», comme osent encore le penser les «nostalgiques de l’Algérie française», Belgacem n’oublie pas ce chien, «Moumousse», un Berger allemand qui portait le grade de sergent chef et qu’on «nous imposait aussi en vain de saluer pour attenter à notre dignité».
Un camp jeté alors au cœur d’une nature ingrate entre Aïn Oulmene et Sétif, où les détenus étaient réveillés au milieu de la nuit, pour être dirigés nus et noyés dans une marre jonchée d’éclats de verre, alors qu’une nuée de sangsues leur collaient à la peau. On exigeait aussi de ces valeureux moudjahidine de creuser leur tombe et d’y prendre place, le temps de mourir un peu et d’en sortir, usés pour tout remettre en l’état.
Des formes de torture à faire basculer dans la folie ceux que l’on conduisait aussi vers ces parcelles aussi dures que la pierre et exiger des prisonniers de creuser et de pétrir de leurs pieds nus cette «terre» qu’ils étaient contraints de façonner en briques, porter sur leurs dos vers d’autres parcelles pour les concasser à nouveau et les réduire à leur état initial, autant de fois et de temps que ces sévices duraient.
Dans ce camp de neuf sections et où la mort se confondait avec ce qui restait de la vie et du courage exemplaire des détenus, toujours prêts à mourir pour que vive l’Algérie, étaient d’autres formes de torture et de sévices d’atteinte à la dignité humaine, sur des prisonnières devant leurs proches.
De l’arrachage des ongles et des dents avec des tenailles à l’utilisation de la hache pour couper les doigts des détenus jusqu’à enterrer vivants des prisonniers, ne laissant à l’air libre que leurs têtes à la portée des voraces et des reptiles, jusqu’à ce que mort s’en suive.
Les «Bains», tantôt bouillonnants, tantôt givrés, les positions assises de prisonniers sur des tessons de bouteilles étaient également au menu comme cette pratique qui consistait à déchiqueter la chair des valeureux détenus avec des lames de Gillette et y déverser du sel. «Ksar Ettir» fut baptisé, en 1973, «Ksar el- Abtal», en hommage aux sacrifices de tous ces héros et pour que la mémoire reste.

F. Z.

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