
«Médias entre liberté et responsabilité». Ce thème retenu pour la 7e édition du Prix du président de la République du journaliste professionnel, dont les lauréats seront distingués lors d'une cérémonie marquant la commémoration de la Journée nationale de la presse, qui correspond au 22 octobre, n’est pas un choix fortuit.
Le thème en question est en effet très évocateur des mutations en cours sur divers plans au sein du secteur des médias, tous supports confondus. Des mutations d'ordre structurel, organisationnel et même en rapport avec le cadre législatif, à travers une dynamique de révision des lois régissant la profession de journaliste dans les secteurs public et privé et au niveau de tous les moyens de communication modernes et classiques.
C'est dans ce contexte qu'intervient la célébration de la Journée nationale de la presse, instituée en 2013 par décret présidentiel en hommage à la parution, le 22 octobre 1955, du premier numéro d'El Mouqawama El-Djazairi (La résistance algérienne), organe du Front de libération nationale et de l'Armée de libération nationale.
Aujourd’hui, le contexte actuel est fait de plusieurs défis que le pays doit relever dans le sillage du processus de changement mis en œuvre par les pouvoirs publics en vue d'une rupture radicale avec les pratiques du passé. «Dans ce cadre, ce qui est attendu des professionnels des médias, c'est surtout de faire valoir un haut engagement de loyauté envers la patrie, plus particulièrement dans cette conjoncture délicate que traverse le pays», indique le Pr Noureddine Bekkis, docteur en sociologie politique de l'université d'Alger. «Au vu de la situation actuelle faite de diverses menaces qui pèsent sur l'Algérie, les médias sont tenus prioritairement de bien remplir la mission du service public et de défense des intérêts suprêmes de la nation», a-t-il affirmé. Une mission dont l'une des conditions préalables à son succès est celle de se fier constamment aux règles garantissant la diffusion d'une information crédible, la libre expression plurielle et le respect absolu de la déontologie et de l'éthique, a ajouté notre interlocuteur. Ce triptyque devrait servir de référent pour l'évolution des médias dans le sens de s'émanciper en tant que faiseur d'opinion et acteur influent sur les cercles des décisions politiques et socioéconomiques qui engagent l'avenir du pays. Pour le professeur Bekkis, la raison d'être d'un média et son existence dans la durée réside essentiellement dans la qualité de l’information qu'il produit. En d'autres termes, le paramètre de la médiamétrie devrait marquer, selon lui, d’une forte empreinte les mutations en cours des médias. En la matière, explique-t-il, il ne s'agit nullement de tomber dans le piège du sensationnel pour capter l'attention de l'opinion, mais plutôt d'être le vecteur par excellence des préoccupations de la population de masse qu'il y a lieu de retransmettre fidèlement de sorte à influer positivement sur la qualité de la décision. C'est de cette manière que la relation entre un média et son audimat peut être mieux reconsidérée, préconise notre interlocuteur. «Il y va de la survie de l'entreprise médiatique de diffuser un contenu médiatique dans lequel pourraient se reconnaître tous les courants de la société et les tendances politiques de diverses obédiences», explique notre interlocuteur. Cette symbiose à revitaliser dans les rapports entre les médias, tous supports confondus et l’opinion dans sa dimension plurielle, est susceptible de limiter l'influence des réseaux sociaux à des proportions très réduites. «Il ne faudrait pas perdre de vue qu'une majorité de ce qui est diffusé sur les réseaux sociaux est une reprise de ce que les médias ont déjà rapporté. De ce fait, il suffirait d'élever le niveau de la professionnalisation du métier de journaliste et de libérer toutes sortes de chape de plomb pour que les dégâts provoqués par les réseaux sociaux soient circonscrits», fait observer le Pr Bekkis.
Au sujet de la dynamique de révision de la législation régissant le secteur, il se dit optimiste quant à voir les nouvelles lois assainir de manière efficiente la situation des médias en Algérie en assurant leur promotion et leur développement pour être à la hauteur des défis qui sont les leurs. «La force de la loi réside toutefois dans son application», a prévenu note interlocuteur.
En parlant justement des réformes, les pouvoirs publics se penchent depuis plusieurs mois sur l’élaboration de nouveaux textes réglementaires devant régir la profession et surtout s’adapter à la nouvelle Constitution. On pense plus particulièrement à la loi organique n°12-05 du 18 Safar 1433 correspondant au 12 janvier 2012 relative à l'information, l’un des grands chantiers du secteur de la communication, comme l’a souligné le ministre de la Communication.
Des réformes à tous les niveaux
L’amendement se fera, de ce fait, de façon «collective et inclusive», a assuré Belhimer qui fait part de l’association de l'ensemble des acteurs du secteur à ce vaste chantier pour aboutir au final à la création tant attendue d’un Conseil national de la presse écrite en lieu et place d'une autorité de régulation, tel que stipulé dans ladite loi et qui n'existe nulle part au monde.
L’autre grand chantier qui tient à cœur les pouvoirs publics a trait à la presse audiovisuelle dont le projet de loi devra contribuer à la promotion de l'image et de la voix de l'Algérie, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, et qui sera appelé, une fois concrétisé, à trouver des mécanismes juridiques permettant à l'Etat de s'acquitter de toutes ses missions en matière de régulation et d'organisation du secteur. Le texte vise globalement à créer un climat régulé et incitatif pour les activités audiovisuelles publiques et privées.
A tout ceci s’ajoutera la nouvelle loi organique régissant le secteur de la publicité qui revêtira, dès sa promulgation, une importance capitale dans l'organisation du travail médiatique, la régulation du marché de la publicité, notamment dans le contexte du nombre croissant des sites électroniques et à la mise en vigueur de l'arrêté régissant la presse électronique et la mise en œuvre du cahier des charges, fixant les conditions d'octroi de la publicité publique.
Autant donc d’acquis, (présents et à venir) qui vont dans le sens de donner un nouveau souffle à la presse en général, du moins ce que souhaitent les professionnels. Des réformes profondes qui devront permettre aux médias d'accomplir pleinement leur rôle face aux nouveaux défis.
Karim Aoudia