
L’offensive du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois et la tenue, le 20 août 1956, du Congrès historique de la Soummam, à Ifri en Kabylie, sont deux stations charnière dans l'histoire de la lutte de libération nationale ; deux évènements majeurs qui imprimèrent un élan irréversible dans la marche du peule algérien vers l’indépendance.
S’il faut un mot pour résumer la réussite du Congrès de la Soummam, c’est qu’il a été surtout le triomphe de l’unité dans le combat, lequel passait par l’élargissement et l’ouverture de la base militante et combattante du FLN à toutes les forces nationales anticolonialistes. Le défunt Abane Ramdane, principal maître d’œuvre avec le martyr Larbi Ben M’hidi, a su regrouper et unir au sein du Front, l’ensemble des courants politiques algériens.
Rassembler, unifier, renforcer et mobiliser. Telle était sa stratégie qui consistait à faire du seul FLN, l’unique guide et représentant du peuple algérien. C’est une dynamique d’union nationale renforcée par l’adhésion des membres du Comité central du PPA-MTLD et de leurs partisans, de l’Association des Oulémas, de l’UDMA de Ferhat Abbas et des éléments du PCA à partir de juillet 1956. La voie révolutionnaire était ouverte à toutes les forces nationales anticolonialistes. Même les communautés chrétiennes et juives étaient sollicitées pour apporter leur concours.
Dans ce sens, il faut rappeler les propos tenus par Abane Ramdane à Ferhat Abbas lorsqu’il lui avait dit : «Le FLN n’appartient à personne, mais au peuple qui se bat. Tous ont trouvé dans la plateforme de la Soummam, un point de ralliement patriotique et un esprit unificateur.»
C’était une victoire stratégique remportée sur la politique de la France, pour qui novembre 1954 était une affaire de hors-la loi dépourvus d’ancrage social et de vision politique. Le démenti à cette théorie fut, déjà, apporté par Ferhat Abbas, à son départ en 1955 pour Tunis, après avoir dissous l’UDMA, déclarant que «dès lors que le sang a coulé», il n’y avait plus d’autre alternative que de s’engager aux côtés de la lutte du peuple.
L’architecte de ces assises était fortement imprégné par l’idée qu’il fallait rassembler toutes les forces capables de s’intégrer dans un vaste mouvement national pour accélérer le processus de l’indépendance de l’Algérie. C’est sans doute ce programme colossal qui a permis à ce congrès de devenir la pierre angulaire de cette Algérie combattante. C’est encore ce congrès qui balisa le chemin vers la restauration de la souveraineté nationale, pour reprendre les termes de l’historien Mohamed El-Korso.
Parmi les décisions les plus emblématiques de ce Congrès, on cite l’institution d’un Comité de Coordination et d’Exécution (CCE), le premier gouvernement de l’histoire de la Révolution, et d’un Conseil national (CNRA), instance suprême, premier parlement représentatif des principaux courants rangés sous la direction du FLN.
Il y a également la structuration de l’ALN, sur la base d’un nouveau découpage territorial, de mécanismes de fonctionnement et de procédures d’avancement et de discipline qui en firent une armée organisée et hiérarchisée enrichissant les traditions militaires de l’Algérie historique.
Le FLN créa les six wilayas, plus la zone autonome d’Alger, des commandements et des conseils, désigna des chefs et des commissaires, et lança de nouvelles formes d’organisation de la résistance dans la campagne, mais aussi dans les agglomérations urbaines.
Sous l’impulsion d’Abane Ramdane, secondé par Larbi Ben M’hidi et leurs compagnons, il eut fallu aussi la structuration d’un pouvoir collégial décisionnel, sur le plan politique et militaire, l’adoption de l’hymne national et la mise en branle d’une communication destinée à l’intérieur (création du journal El Moudjahid) et diplomatique à visée internationale, par le truchement de la fédération de France.
Le regretté Hocine Aït Ahmed, absent au Congrès, a signifié la portée des résolutions de ce Congrès : «Pour les Algériens informés, le 20 Août 1956 est inséparable du 1er Novembre 1954.
La valorisation de la Mémoire et sa transmission est le meilleur gage d'immunisation de la Nation et le renforcement des liens des Algériens avec la patrie.»
Plus que jamais, sa protection contre toute destruction, déformation ou perte est un défi majeur, en ce sens qu'au-delà d'être une question purement cognitive et scientifique, elle est un ensemble de repères éclairant la voie vers l'avenir, et pour contrecarrer les tentatives irrationnelles d’historiens qui ne se privent pas de tordre le cou aux faits, selon leurs convenances, sans omettre de signaler les actes malveillants de folliculaires qui s’ingénient à glorifier «les bienfaits» de la colonisation, à vouloir accréditer des thèses frappées d’un affligeant aveuglement.
M. Bouraib