
L’Algérie a tenu à apporter des précisions. Elle a réagi en deux temps : démonter les arguments fallacieux de la partie française, puis énoncer ses propres mesures, tout en rappelant que le pays ne cède pas à la pression, à la menace et au chantage, quels qu’ils soient.
L’Algérie ne se laisse plus faire. Lorsqu’elle se sent attaquée, elle ne se contente plus de répondre. Elle contre-attaque. Face à l’État français qui a décidé de suspendre l’accord de 2013 et de suspendre l’octroi des visas D, elle a répliqué par la dénonciation pure et simple dudit accord et l’imposition du principe de réciprocité dans l’octroi des visas.
Alors qu’aucune actualité ou péripétie politique récente ne le laissait présager, le président de la République française, Emmanuel Macron, a décidé de mesures qu’il pense relever de la «fermeté» à l’encontre de l’Algérie, notamment la suspension de l’accord de 2013 (qui permettait, notamment, l’exemption de visa de circulation entre les deux pays pour les titulaires de passeports diplomatiques et de service), le refus d’octroyer des visas de court séjour aux détenteurs de passeports de service et diplomatiques, la demande de l’alignement de l’Union européenne sur ces mesures et la suspension de la délivrance des visas de long séjour, dits visas D.
L’Algérie a tenu à apporter des précisions. Elle a réagi en deux temps (plutôt en deux tons) : démonter les arguments fallacieux de la partie française, puis énoncer ses propres mesures. Après avoir insisté sur la responsabilité occultée de la France dans la dégradation des relations entre les deux pays, le ministère des Affaires étrangères a annoncé non pas la suspension de l’accord de 2013, mais carrément sa dénonciation.
En plus clair, cet accord est devenu nul et non avenu, et le passeport diplomatique ou de service ne servira plus de visa de substitution, d’un côté comme de l’autre. Cela fait des mois que l’extrême droite française, appuyée par l’aile opportuniste de la droite, presse Emmanuel Macron de dénoncer cet accord sous prétexte qu’il avantagerait les Algériens. Eh bien, elle est «rhabillée pour l’été» : c’est l’Algérie qui dénonce cet accord qui, insiste-t-elle, avait été conclu à l’initiative de la France. Comme de bien entendu, cette dénonciation s’accompagne du principe de réciprocité quant aux modalités d’octroi de visas aux titulaires de passeports diplomatiques ou de service français.
Comme cela semble devenir une habitude, lorsqu’il s’agit de l’Algérie, la France officielle préfère communiquer par… médias interposés. Cette fois-ci, c’est Le Figaro, journal apparenté à droite, qui a été «chargé», le 6 août, de faire fuiter la lettre qu’Emmanuel Macron a adressée à son Premier ministre, François Bayrou, pour lui édicter les nouvelles mesures décidées.
Les us et coutumes diplomatiques – et tout simplement politiques – commandent que le canal officiel pour informer un État de décisions concernant les relations bilatérales soit une communication par note verbale ou écrite à travers une audience ou encore via un communiqué d’une autorité officielle, en l’occurrence la présidence de la République ou le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Or, c’est un journal qui a été choisi comme premier «canal de transmission», ce qui illustre – et confirme – la décadence de la pratique diplomatique à Paris. Ce n’est que le lendemain, le 7 août, que le chargé d’affaires à l’ambassade d’Algérie en France en a été officiellement informé, d’où les mesures algériennes qui n’ont pas tardé à être notifiées par des notes verbales adressées au chargé d’affaires de l’ambassade de France en Algérie et non pas par voie médiatique.
Des mesures qui vont encore plus loin, telle la fin de la mise à disposition de la France de biens immobiliers appartenant à l’État algérien à titre gracieux ainsi que le réexamen des baux contractés par l’ambassade de France en Algérie de manière très avantageuse. En d’autres termes, la location de résidences, appartements et autres bureaux en faveur de l’ambassade de France, faite jusque-là à des prix symboliques, devra répondre, dorénavant, au prix du marché. Seront concernés surtout les sièges de l’ambassade et des consulats ainsi que les résidences de l’ambassadeur et des consuls, mais aussi les locaux de l’Institut de France (anciennement Centre culturel français) dans cinq wilayas.
Lorsqu’on sait que l’ambassade de France occupe, à elle seule, une surface de plus de 14 hectares et que la Villa des Oliviers, résidence officielle de l’ambassadeur, dont le bail emphytéotique de 60 ans à prix symbolique avait été octroyé en 1962 sur demande insistante du président français de l’époque, Charles de Gaulle, est l’une des plus belles villas du pourtour méditerranéen, sinon du monde, et la seule à permettre une vue sur Alger d’est en ouest, le budget de location va s’en ressentir. Ceci en vertu de la règle de réciprocité vu que l’ambassade d’Algérie en France ne bénéficie pas de prix au rabais et doit payer les loyers de toutes ses structures au prix du marché. Paris a tenté un pari. Résultat : il perd gros.
Encore une fois, alors que les autorités françaises, otages de calculs électoralistes étriqués, étaient en quête de quelques points supplémentaires de popularité dans les sondages, elles découvrent le revers de la médaille. Non seulement elles n’ont pas fait vaciller l’Algérie, mais elles se font même contrer, avec augmentations de dépenses à venir.
Le défunt général vietnamien Giap disait que l’impérialisme est un mauvais élève car il n’apprend pas les leçons de l’Histoire. Il serait encore de ce monde, il constaterait que l’extrême droite française et ses affidés ne font guère mieux.
F. A.