
C’est un florilège de portraits de femmes qui nous interpellent pour nous conter leurs histoire tissées d’inquiétudes, d’ afflictions et de tourments. C’est dans cette optique que l’artiste Yasmina Saadoun évoque son exposition qui se tient du 15 octobre au 3 novembre à travers l’intitulé «Hommage à Leila».
«Leila», c’est la femme dans toute son ampleur et sa démesure, dans tout son amour et sa solitude, dans toute sa plénitude et sa détresse.
Cette galerie de portraits de femmes diverses à la bouche muselée par le silence ancestral transmis comme un legs atavique de génération en génération de femmes. Cette muselière qui à travers le temps s’est imposée témoigne de l’invisibilité de la femme. Souvent mise sous le boisseau, elle est un partenaire imperceptible qui en réalité devrait avoir une place prépondérante dans la famille et dans la société. Comme disait Bourdieu «la famille, l’école et la société participent à la reproduction familiale.»
La femme est-elle seulement une génitrice ? A-t-elle tous les droits comme tout citoyen de ce pays ? Certes, la Constitution les lui confère, mais la société agnatique avec les mentalités machistes lui ôte tous ses droits. Aussi, l’artiste présente ses femmes avec des visages tristes, silencieuses mais observatrices.
Elle met en valeur leurs yeux sertis au khôl comme pour dire on voit mais on ne dit rien. Ce langage des yeux très suggestif exprime cette volonté de ténacité et de résistance.
Leurs habits tout en couleurs, rouge, orange, beige, bleu, vert, jaune et rouge se déclinent dans cette volonté à les montrer même si leur parole reste confisquée.
C’est une peinture au pinceau, au couteau, et à l’huile que Yasmina exécute avec habileté et dextérité. Par sa technique du collage et ces nuances pétillantes, elle exprime le ressenti et la résilience de la femme algérienne. Par ses couleurs, elle raconte avec une intense expression la sombre saga des femmes.
Yasmina Saadoun met en relief la douleur, la souffrance et la déréliction de la femme dans une société où sa place a été gommée.
La plasticien use de tons vifs pour évoquer la présence de la femme qui symbolise à elle seule tout l’amour. Celui de la mère, de l’épouse, de la sœur etc. mais en fait, elle cristallise toute la souffrance et ce mal-être.
C’est cette femme qui souffre dans son exil intérieur, dans son corps et dans son âme.
Yasmina Saadoun diplômée de l’école des beaux-arts de Constantine et lauréate notamment du prix de la ville d’Alger s’inscrit dans les styles impressionniste et expressionniste.
Dans ces tableaux aux intitulés séduisants comme «El Qahwat el Asr», «El Qaada» «la sieste», «le repos «, c’est toute une galerie de femmes différentes qui évoluent au gré des humeurs de l’artiste.
Une excellente exposition qui vaut le détour.
Kheira Attouche