Un jour, un livre : Ahmed Benzelikha, Elias

Par Aomar Khennouf

Dès les premières lignes de ce magnifique roman, me sont venus à l’esprit les vers de Joachim du Bellay. Allez savoir pourquoi ! Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme celui-là qui conquit la toison Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Pour le savoir, j’ai lu ce petit roman de 87 pages seulement mais rempli d’aventures et de bouleversements. Un style qui caractérise l’auteur qui nous tient en haleine et ne nous libère, assez rapidement je dirais, mais pour le relire immédiatement pour mieux le savourer et découvrir que le sort d’Elias a été bien différent de celui d’Ulysse ou de Jason. Elias, un Ulysse des temps modernes, mue par une irrésistible envie de changer de vie, de partir à la recherche d’un nouveau sens à donner sa vie, s’embarque dans une aventure étrange à la recherche d’un mystérieux masque. L’auteur possède cet art, ce style d’écriture pour nous associer à ses héros dans des péripéties incroyables. Il fait court mais intense. Fluide et captivant à la fois. Il fait voyager ses acteurs, autant que ses lecteurs, les fait traverser les mers, les océans et les continents. Il nous immerge dans la profondeur de l’histoire et nous offre des balades dans les dédales de la légendaire mythologie hellénique. Il use de flashs back, des retours en arrière, pour mieux introduire de nouveaux personnages au fur et à mesure du déroulé du récit. Elias rencontre un commandant de bord, admirateur de Montaigne tout comme l’auteur je pense, poète, à ses heures et philosophe tout comme Montaigne. Un second du commandant, plus intriguant et affairiste que second. Avec un seulement œil, il a le regard plus méchant que le diable. Avec un œil, la référence mythologique est simple à deviner : le cyclope. Quelques marins anodins mais qui sont au fond, faussement anodins. Parce qu’avec Ahmed Benzelikha, aucun personnage n’est anodin. Aucun personnage ne fait de la la figuration. Y compris les pirates qui ne sont pas vraiment des pirates. Des pirates du genre moderne qui surfent sur la toile plus qu’ils ne rament sur les mers et les océans. Plongeons dans le récit et commençons par prendre le large et voguons sur ce si beau et si bleu lac qu’est la Méditerranée avec Elias, un harraga new look, fatigué et hébété par la médiocrité d’une vie qui ne chante plus. Attiré par un fantasme qui prédit l’avenir, faisons confiance au timonier qui a une belle plume et qui sait déployer les voiles pour nous faire chavirer dans les tempêtes et nous naufrager avec Elias dans un délire que nous voudrions à la fin, qu’il ne soit pas un rêve, mais une réalité. Si les lecteurs aimeront, les lectrices nous diront leur avis. C’est entre les pages 35 et 39. S’agissant de la Méditerranée, l’auteur y puise des allégories et des paraboles des mythologies, des dieux grecques, des dormants d’Ephese, des odyssées et des secrets que cette mer renferme dans les plis de son histoire. Des entrailles de l’histoire, l’auteur nous ramène vers le temps présent avec une dextérité de magicien pour nous dire que nous sommes pris, bon gré mal gré, dans la toile de Mark. Il nous fait voyager d’un continent à l’autre sur le tapis magique mue par la puissance des vents et des réacteurs, des iles grecques au fin fond de l’Himalaya, à la recherche du site mystère où ont été ensevelis Mog et Mogog par Dou El Qarnaine. Alexandre selon certaines interprétations des textes sacrés. A la fin le lecteur comprendra aussi ce que signifie naitre sous une bonne étoile. Ni Elias l’hébété qui a fini tragiquement dans la désillusion et les abîmes des profondeurs abyssales de la mer, ni Mark le manipulateur, le pirate, mue par cupidité, a foncé tête baissée dans le piège tendu par des anodins. Il n’a rien vu malgré sa grande prétention. Et la bonne étoile a souri au personnage qui a su user de ses charmes pour se hisser dans un monde dominé par l’apparence. J’ai lu également l’Esquif des mots du meme auteur. Un livre à lire pour comprendre la dimension philosophique, spirituelle et la belle poésie dont M. Ahmed Benzelikha nous gratifie. S’il y a un mot de début à toutes les histoires, voici ce qu’il dit à propos du dernier mot. A lui seul c’est une histoire d’amour : «Mot à mot, l’amour n’est qu’un mot à faire suivre d’un autre, qui en un mot comme en cent, réunit tous les mots, mot à mot, deux prénoms donnent un mot qui n’est autre que le premier avec lequel vous n’aurez jamais le dernier moté. J’ai beaucoup aimé et depuis, je ne cherche plus à avoir le dernier. Je continue de lire et apprécier ce dont mes compatriotes sont capables. Je relirais ces beaux romans et je les recommande même à ceux qui craignent le mal de mer.

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