«Sur les traces des camps de regroupement» : L’autre crime contre l’humanité du colonialisme

Le long métrage Sur les traces des camps de regroupement, un documentaire émouvant de Said Oulmi sur les Algériens internés dans des centres de regroupement durant la guerre de Libération, a été présenté mercredi soir à Alger. ce long métrage de 74 min, revient sur le vécu des pensionnaires de ces camps qui ont ravivé des souvenirs douloureux derrière les barbelés. Dans les Aurès, à Ouldja (Khenchela) à Mesdour (Bouira) ou encore à Sidi Bel-Abbès, les populations de ces centres de regroupement forcé gardent encore en mémoire les séquelles d'un séjour infernal, après avoir été contraints de quitter leurs villages pour les «parquer» dans ces espaces exigus et privés de possibilités de subsistance normale et de vie décente. Sous-alimentés, maltraités et sans abris, des femmes témoignent de l'humiliation qui leur a été infligée, surtout la contrainte de se faire photographier à visage découvert, en vue de leur établir un document d'identité. D'autres témoins gardent encore en mémoire les exactions de l'armée coloniale dans ces centres de regroupement de la population civile pour la séparer des moudjahidine, en brisant les chaînes de soutien provenant des villageois. Ils racontent les conditions de vie «inhumaines», la terreur et les atrocités infligées à ces habitants, déplacés de leurs villages pour en créer des zones de sécurité pour les troupes coloniales. Appuyé de témoignages de chercheurs, et d'historiens attitrés, Sur les traces des camps de regroupement restitue une partie douloureuse de la mémoire des Algériens. Le réalisateur donne la parole au moudjahid et homme politique Réda Malek, à l'historien français Benjamain Stora, à l'avocat du FLN (Front de libération nationale) et militant, Jacques Vergès, et à l'universitaire Mustapha Khiati, entre autres. Pour l'ancien chef du gouvernement, Réda Malek, «ces camps de regroupement étaient créés dans le but d'isoler les combattants de la population», rejoint par l'historienne française, Sylvie Thénault, qui explique le recours des autorités coloniales au renfermement des populations civiles par l'idée de «priver les combattants de ravitaillement leur provenant des villageois». L'ancien Premier ministre français, Michel Rocard, également auteur d'un rapport sur les centres de regroupement en Algérie, a relevé une «mortalité infantile importante durant l'internement». «Les enfants meurent de déshydratation, de malnutrition et de maladies favorisées par les conditions de vie inhumaines dans les camps», écrit-il dans son rapport, fuité à la presse, qui a eu un impact important sur l'opinion internationale. Le documentaire a recueilli également le témoignage du photographe de guerre, Marc Garanger, connu pour ses portraits algériens pour le compte de l'armée coloniale, qui a qualifié de «viol symbolique» le fait de photographier des femme forcées à se dévoiler pour être photographiées. Près d'un demi-siècle après, le photographe est allé à Mesdour, sur les hauteurs de Bouira, à la rencontre d'hommes et de femmes qu'il avait photographié dans le camp de regroupement, mis en place durant la guerre de Libération. Avec beaucoup d'émotion, Marc Garanger retrouve quatre des femmes et des hommes, encore vivants, parmi ces personnes photographiées entre 1960 et 1962.

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