
Du haut de ses 81 ans, Merzak Allouache continue de gratifier les cinéphiles algériens par des œuvres sur lesquelles ils parviennent à s’identifier. Ayant l’habitude d’explorer les dessous d’une société contemporaine, de plusieurs facettes et souvent en mutation, le cinéaste confirme son ingéniosité de faire d’un sujet simple, un film de 86 minutes qui tient en haleine toute une salle. Le dernier long-métrage de fiction, le Premier rang, a été projeté pour la première fois à Alger, samedi soir, à la cinémathèque algérienne, en présence d’un public record.
Le film relate des faits qui se sont déroulés une matinée d’été sur une plage populaire à Alger (El-Djemila, ex-Madrague). Comme plusieurs, la famille Bouderbala, dont la mère Zohra et sa smala, se lèvent tôt, un vendredi, pour pouvoir s’installer au premier rang en face de la mer, un droit légitime pour chaque Algérien sur les 1.600 km de notre grand littoral. Le plagiste, campé par Nabil Asli, tire profit de chaque client et crée un cafouillage par rapport à l’emplacement de chaque famille. Au fil des heures, la tension monte et les retardataires ont, de plus en plus, mal à voir le grand bleu, à cause des tentes improvisées installées sur le premier rang de la plage sablée. Une histoire de vol d'un téléphone portable fait que tous les protagonistes se retrouvent au commissariat, tandis que les enfants attendent avec le plagiste. Merzak Allouache a signé une comédie qui se veut un microcosme de la société algérienne, soulevant plusieurs thématiques, dont le vivre ensemble dans un lieu public de familles issues d’horizons différents. Entre le burlesque, la satire, la comédie noire, le cinéaste a su porter à l’écran, à travers une comédie sociale, un souci qui taraude plusieurs Algériens à la veille du début de chaque saison estivale. Plusieurs comédiens de grand talent ont pris part au film, à l’exemple d’Aïda Guechoud, Hicham Benmesbah, Fatiha Ouared, Idir Benaïbouche, Hanaa Mansour et Kader Affak. En présence de l’équipe artistique et technique du film, Merzak Allouache a qualifié cette œuvre de la «plus difficile à tourner de toute de carrière». Tournées au mois de novembre des scènes de plage censées avoir lieu en été, le cinéaste a fait savoir que les conditions météorologiques ont été le principal facteur de l’avancement du tournage. «Je suis un vieux cinéaste algérois qui, de retour à Alger après une longue absence, remarque, au premier jour, les mutations de la société. Les sujets des films existent dans chaque coin de rue en Algérie, le grand problème, c’est d'être sincère avec ce qu’on raconte. J’ai essayé de faire ressortir l’esprit méditerranéen, avec de l’humour, de l'absurde, en allant très loin avec les personnages», a-t-il fait savoir. Ayant l’habitude de projeter des films uniquement durant les festivals, le Premier rang sera distribué à partir du deuxième jour de l'Aïd dans 14 salles. Une bonne nouvelle pour les cinéphiles désireux de découvrir ce film très attendu dans de bonnes conditions humaines, contrairement à la projection de samedi, où l’idée de programmer sa projection dans une petite salle comme la cinémathèque était une erreur monumentale. La salle a affiché complet très tôt et une dizaine d’invités et de journalistes n’ont pas pu accéder à la salle. Programmer l’avant-première algéroise d’un film tant attendu à la salle Ibn Khaldoun, Ibn Zeydoun ou à l’Opéra d’Alger aurait été le meilleur choix pour le confort des spectateurs, pour ne pas relancer le débat de : pourquoi les Algériens ne vont-ils plus aux salles obscures ?
K. B.