
Par Boukhalfa AMAZIT
Il n'est pas dit que "ça ne payera plus"!
Une des activités économiques parmi les plus durement impactées mondialement par la Covid-19, est sans doute, le tourisme. Cette industrie qui exploite la bougeotte qui affecte les honnêtes gens, tout au long de l'année, qui enregistre des pics qui s'élèvent de conserve avec le mercure des thermomètres, selon les hémisphères, doit à l'année 2020 les pires moins-values de son histoire. Selon l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), la pandémie a littéralement foudroyé le tourisme à l'échelle mondiale. Dans des statistiques rendues publiques au début de l'année 2021, l'organisme onusien déplore une mutilation financière de l'ordre de 1.300 milliards de dollars pour l'exercice de la seule année écoulée. Des résultats dus à la stratégie de confinement des Etats, soucieux de circonscrire la calamité. Un montant qui équivaut à "plus de 11 fois la perte enregistrée pendant la crise économique mondiale de 2009". En quantité c'est une dégringolade de plus de 70 % du nombre de touristes qui ont parcouru la planète en 2019, soit un milliard de pérégrins en moins sur les routes de l'évasion. Les institutions spécialisées classent 2020 comme l'année maudite, du secteur.
Qui dit tourisme dit voyage, qui dit voyage dit transport, qui dit transport dit locomotion. Concomitamment au tourisme, ce secteur, qui en est un des corollaires, est, tout aussi furieusement percuté, un malheur ne venant jamais seul. Tout ce qui circule est halté. Sur terre, sur la mer, dans les airs, le bourdonnement est au plus bas. Les tankers, les navires porte-conteneurs, géants des mers, lesquels parfois vont jusqu'à bloquer le canal de Suez, se partagent les océans, interdits pour les paquebots de croisières ou aux liners bondés de villégiateurs piaillant. Quant au ciel il est livré aux cargos Bélugas ou aux rares avions, caravanes de transmigration, missionnées pour les rapatriements des malheureux égarés, surpris ailleurs que chez eux, au moment de la glaciation. Point d'agitation, tout n'est plus que calme, silence et méditation. Les écologistes, les défenseurs et les amoureux de la nature en ont rêvé, la Covid-19 l'a fait.
Le printemps égrappe ses jours soleilleux, les professionnels s'accrochent aux lèvres des politiques, qui cherchent dans les messages oraculaires des esculapes, les arguments irrévocables qui étayeront leur décision. "Confinera - ne confinera pas ? "Libérera - ne libérera pas ?", "Ouvrira - n'ouvrira pas ?". Rien ne se passe. Au bord des "flots bleus", les plagistes comptent les jours qui nous séparent des grandes transhumances étésiennes : "Autorisera - n'autorisera pas ?" Cette année sera-t-elle semblable à la précédente ?
Hôtels étoilés, pensions et relais, caravansérails, fondouks ou auberges, tout cet univers dont le métier est de recevoir et offrir des services et du bon temps, est au bord de l'asphyxie. Il y a très peu de chances, prédisent les experts, qu'ils puissent survivre à une autre année blanche. Au niveau mondial, les voyagistes, déjà ruinés par l'Internet, mettent la clé sous le paillasson, tandis que les restaurateurs se sont transformés en cuiseurs de sandwichs à emporter.
Bien des pays qui ont opté pour le tourisme, comme armature architecturale de leur développement économique, sont, en ces prémices du démarrage de la saison estivale, très particulièrement, inquiets devant un destin qui s'esquisse périlleux. Est-ce à dire que ces Etats ont fait de mauvais choix ? Bien sûr que non. Chaque pays utilise les atouts les plus solides dont il dispose pour avancer.
Dans le deuxième lustre des années 1960 et les premières années de la décennie suivante, bien des critiques avaient été formulées concernant les choix des dirigeants algériens qui semblaient négliger les immenses potentialités dont mère Nature a généreusement gratifié notre pays. Le tourisme, malgré la diversité climatique, géographique, culturelle, la profondeur historique, la richesse civilisationnelle, et j'en passe, n'était pas dans les priorités des responsables politiques de l'époque. En dépit de la construction de superbes complexes touristiques, parmi les plus beaux de la Méditerranée, confiés à des architectes de talent, dont le plus connu est le français Fernand Pouillon (1912-1986) qui a officié chez nous jusqu'à 1984. Nonobstant les hôtels tout aussi cossus, pour ne pas dire somptueux, dans des panoramas exceptionnels, cela n'avait pas constitué une option. Dans une de ses interventions, Houari Boumediène, alors président du Conseil de la révolution, avait déclaré ne pas négliger l'apport du secteur touristique à l'économie nationale, mais qu'il n'en faisait pas une primauté, à la différence de nos voisins maghrébins. Il avait en revanche affirmé que la politique dans ce domaine allait plutôt s'orienter vers le tourisme populaire.
Toute politique étant, par ailleurs discutable, il n'est pas dit bien sûr que les décideurs de ces années-là étaient des devins, mais des expériences comme celle que nous vivons donnent à réfléchir. Ce n'est pas un hasard si les plus grandes puissances économiques du monde sont les pays industrialisés qui reçoivent annuellement le plus grand nombre de visiteurs par an.
Le bon sens populaire conseille de ne "jamais mettre tous ses œufs dans le même panier".
B. A.