Sous les drapeaux : l'Algérie une et indivisible

S’il est établi que l’Armée nationale populaire se confond avec le peuple puisqu’elle en est l’émanation, un lien historique relie la vie civile au vécu militaire : le service national. Instauré le 16 avril 1968, il fait obligation à tout citoyen homme âgé de 19 ans révolus de servir le pays au sein de l’ANP pour une durée déterminée.

Une durée qui était de 24 mois à son lancement et durant une trentaine d’années, avant d’être ramenée à 21 mois en 1998, puis à 18 mois en 1999 et, enfin, à 12 mois depuis 2014. Certes, il y a des citoyens qui ont été exemptés du service militaire qui pour des raisons de santé, qui pour des considérations familiales (fils unique ou soutien de famille), qui suite à des dispenses conditionnées décidées par les plus hautes autorités, mais il n’en demeure pas moins qu’il n’y a pas une famille algérienne n’ayant pas eu au moins l’un des siens sous les drapeaux.

«Être sous les drapeaux» était justement la formule par laquelle on désignait fièrement la qualité de militaire appelé (militaire de réserve). Dans les années 1970 et 80, c’était une fierté incommensurable, quel qu’était le niveau d’instruction des appelés, car tous étaient conscients que le Service national n’était pas seulement une «école pour former les hommes», comme le martelait le défunt ancien président de la République Houari Boumediene, mais c’était aussi, et surtout, une opportunité de contribuer à l’édification nationale.

Quels meilleurs exemples que les projets du Barrage vert et de la construction des villages socialistes, menés grâce, entre autres, aux bras des militaires appelés, ou encore la précieuse contribution des appelés universitaires pour conduire des chantiers, prodiguer des soins à des malades ou apporter le savoir dans des zones reculées que l’ancien colonisateur n’avait pas jugées dignes d’intérêt.

Durant les périodes de permission, l’appelé rentrait chez lui en arborant fièrement son uniforme militaire dans son quartier. Sa maman se faisait un devoir de bien le laver et de le repasser dans la perspective du retour à la caserne.

La décennie sanglante qu’a vécue l’Algérie durant les années 1990 a changé les objectifs du service militaire sans pour autant en atténuer l’importance. Il s’agissait désormais de défendre le pays contre des formes extrêmes de terrorisme en sécurisant des sites vitaux, en assurant une présence physique sur des axes routiers importants ou en protégeant des populations vulnérables, car isolées.

Cela a coûté leur vie à beaucoup d’appelés, victimes du devoir. Leur sang versé s’est mélangé à celui de militaires actifs, tombés, eux aussi, au champ d’honneur en défendant l’Algérie.
Quels que soient les époques ou les contextes, les militaires de réserve ne sont plus les mêmes hommes à l’achèvement du Service national. Nonobstant la formation militaire acquise, ils apprennent plus sur eux-mêmes, sur leur capacité à résister aux privations, à surmonter la peur en cas de danger, à faire preuve de patience loin de leurs familles. Plus même : ils découvrent davantage l’Algérie, que ce soit physiquement via les endroits où ils ont été mutés ou exercé, ou humainement, en côtoyant, au sein de leurs garnisons respectives, des citoyens de tous les coins du pays, dans leur diversité.

Que n’a-t-on vu des appelés entamant leur Service national avec des préjugés tenaces envers les habitants d’autres régions que la leur et l’achevant en s’étant fait des amis, quasiment des frères, de ces régions-là, au point de donner lieu à des séparations déchirantes. Aucun corps, aucune corporation, aucun projet ne peut charrier une solidarité telle que celle que cultive la vie militaire.

Les veillées communes face au danger, la gamelle qu’on se partage volontiers, les confidences familiales qu’on se fait la voix étranglée, les blessures (physiques et morales) partagées, les vides qu’on veille ensemble à combler, autant d’épreuves qui forgent un esprit de corps imperméable à toute velléité de division. L’Algérien sort du Service national encore plus algérien qu’il ne l’était.

C’est à l’école du Service national que les Algériens de tous bords apprennent deux belles leçons de vie : quels que soient leurs accents, leurs vécus, leurs us, leurs coutumes ou leur  niveau d’études, ils portent le même uniforme et jouent donc dans la même équipe et, encore plus important, ils caressent tous le même rêve, celui d’une vie digne dans un pays sûr et prospère.

F. A.

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