
Un autre phénomène surgit ces jours-ci derrière lequel se cachent des commerçants réguliers ou légaux, qui ne se gênent pas pour évincer les marchands informels en étalant leurs marchandises à l'extérieur des magasins sous prétexte d’un manque d'engouement. El Moudjahid a tenté de faire la lumière sur ce phénomène qui marque son retour à quelques jours de Ramadhan, malgré les campagnes lancées ici et là par les services de sécurité et de contrôle du commerce.
Nombreux sont en effet les commerçants informels, et même réguliers, qui transforment certains trottoirs en espaces d'exposition de divers produits consommables manufacturés et artisanaux. Il faut dire que c’est bien l’imbrication du formel et de l’informel dans de nombreux quartiers qui font office d’espace marchand, en toute complémentarité.
Le visiteur des différents quartiers d’Alger, à l'instar de la place des Martyrs, du 1er Mai, de la cité 8 Mai 1945 de Bab Zouar ou encore de Bab El Oued, remarquera la concentration des marchands informels aux endroits qui connaissent des mouvements intenses de citoyens.
Fruits et légumes, jouets, vêtements, ustensiles, fromages, œufs, boissons gazeuses et jus, pain et gâteaux traditionnels, zlabia et kalbelouz,… tout se vend dans ces espaces naturellement investis par les ménagères, participant ainsi pleinement à l’animation commerciale. Ceux qui n’ont pas où étaler leurs produits, les exposent tout simplement dans des véhicules de transport de marchandises. Et malgré des conditions pour le moins catastrophiques, ces voitures connaissent un engouement des clients qui ne voient aucun inconvénient à acquérir ce qui est proposé à bord. «Ce phénomène s'est imposé ces dernières années et s'est transformé en tradition qui distingue le mois de Ramadhan et ajoute une saveur distinctive et spéciale», affirme Abderrahmane, un jeune vendeur, propriétaire d'une camionnette, qui ajoute que l'ambiance qui règne s'impose automatiquement pour des raisons liées au chômage. «Des chômeurs vivent de ce commerce informel qui leur permet de subvenir aux besoins de leurs familles tout au long de l'année. Ramadhan est une opportunité pour eux de gagner un peu plus d'argent», confie-t-il.
Les tentations pour l’illégalité
Les jeunes marchands à qui nous avons parlé assurent que le chômage et la cherté de la vie les ont poussés à tenter le commerce informel. Cependant, si ces derniers avancent des arguments qui peuvent justifier leur activité, le recours par certains commerçants réguliers à exercer dans l’informel demeure incompréhensible et ne peut être justifié, ni toléré. Interrogé sur les propriétaires des denrées exposées sur les trottoirs, notamment les fruits et légumes, les produits alimentaires et même les ustensiles et le matériel de nettoyage, un jeune vendeur nous apprend que la majorité de ces produits appartiennent aux propriétaires des commerces activant à l'intérieur des marchés communaux.
Ils justifient cette pratique par le manque d'engouement des consommateurs pour les magasins et marchés légaux à cause de la prolifération du commerce informel. «Le consommateur pense que les prix en dehors du marché officiel sont inférieurs à ceux appliqués à l'intérieur», nous explique un commerçant à Bab El Oued.
Mais le citoyen est bien conscient des raisons de cette pratique. «C'est un moyen de faire des gains en dehors du cadre légal, car ce dernier leur fait subir des charges fiscales auxquelles ils tentent d’échapper», révèle Mourad, un cadre à la retraite rencontré au niveau du même marché.
Ces comportements ont atteint des proportions telles que certains commerçants n’hésitent pas à agrandir illégalement leurs magasins au détriment des trottoirs, en construisant des «annexes en béton», obligeant les services des APC à intervenir pour démolir ces extensions, comme cela fut le cas dans la commune de Bab Ezzouar.
Des commerçants exerçant dans l’informel nous ont avoué que ces pratiques se terminent souvent par des altercations entre commerçants réguliers et informels, de sorte que les vendeurs extérieurs au quartier sont interdits d'exposer leurs marchandises sur le trottoir, réservé exclusivement aux commerçants du quartier.
Renforcement des contrôles
Nul ne peut connaître la date de péremption des différentes denrées mises en vente sur les trottoirs, ni leur conformité aux normes. La raison est que ces biens sont proposés dans le cadre d'une activité non réglementée. Donc, le fait de traiter avec leurs propriétaires signifie les reconnaître ainsi que leurs activités, d’où la responsabilité incombe au consommateur qui achète ces produits.
D'autre part, pour l'aspect lié à l'activité réglementée, les services du commerce indiquent que la loi promulguée en février 2009, relative à la protection du consommateur et à la répression des fraudes, autorise les agents de contrôle à effectuer des tests et des analyses sur le terrain. Ils peuvent utiliser des outils de mesure, à travers l'observation directe par examen visuel, ou avec des appareils de mesure, complétée, le cas échéant, par des prélèvements pour effectuer des analyses au niveau des laboratoires. Et dans le but de mettre à jour l'outil de contrôle par la Direction générale du contrôle économique et de la répression des fraudes, des équipements spécifiques d'analyse ont été distribués aux inspecteurs des directions régionales du commerce pour surveiller de près les différentes infractions liées aux pratiques commerciales, qui affectent la santé du consommateur, notamment l'étalage des denrées alimentaires à l'extérieur des commerces et sur les trottoirs.
En effet, selon les statistiques du seul mois de janvier relatives à l'étalage des denrées alimentaires à l'extérieur des commerces, les opérations de contrôle ont abouti à l'enregistrement de plus de 300 infractions. 246 dossiers sont passés par la justice et 27 commerces ont été fermés, en sus de la saisie de 13 tonnes de produits alimentaires.
Durant la même période, des sorties sur le terrain ont été organisées par les services du ministère du Commerce, de la Sûreté nationale et de la Gendarmerie nationale, accompagnés d’associations de protection des consommateurs. Le bilan s’est soldé par le constat de 100 infractions, dont 95 cas ont été traduits en justice.
Salima Ettouahria