Sévèrement recadré par le parquet de Paris : Retailleau humilié

Hasna Yacoub

Retentissante gifle. Bruno Retailleau, le ministre français de l’Intérieur, a été recadré, hier, par le parquet de Paris, jugeant sa communication via un tweet «prématurée». Le ministre français a annoncé l’interpellation de l’influenceur Rafik M., qui, selon son tweet, «appelait à commettre des actes violents sur le territoire français sur TikTok». Il n’a pas eu à attendre longtemps, pour se voir rappeler l’obligation de respecter les fondements même de la justice, et c’est le parquet de Paris qui l’a fait : «Il est rappelé que seule l'autorité judiciaire est légitime à communiquer sur une affaire judiciaire en cours et qu'une personne qui n'est pas jugée est présumée innocente. En l'occurrence, cette fuite est par ailleurs tout à fait prématurée.» Et d’ajouter : «Le Pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH) enquête sur un signalement effectué sur la plateforme Pharos et portant notamment sur une republication de vidéo sans commentaire. Une perquisition a eu lieu afin de saisir le matériel informatique et de vérifier si des éléments matériels permettraient ou non de qualifier une infraction.» «À ce stade, rien n'est retenu contre la personne concernée, qui doit en outre suivre des soins. Elle n'est à cette heure pas en garde à vue», a conclu le ministère public, au terme de cette ferme mise au point. Retailleau s’est fait taper sur les doigts comme un enfant qui vient de commettre une bêtise. Lui qui parlait d’humiliation après l’expédition ratée d’un autre influenceur algérien, «Doualemn», renvoyé en France le soir même par l’Algérie, va bien comprendre le sens d’une «douche froide» en public, parce qu’il n’apprend pas de ses erreurs.
D’ailleurs, il n’en est pas à sa première bévue. Du côté d’Alger, ce ministre, qui pose de sérieux problèmes au gouvernement français, collectionne un épais carnet. Il a multiplié les déclarations belliqueuses contre l’Algérie, avant de commettre la stupidité d’expulser, pour le «buzz», «Doualemn». Dans une réponse pédagogique, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a expliqué à Retailleau que l’expulsion qu’il a opérée était «arbitraire et abusive», car le ressortissant «Doualemn», objet de l’expulsion, vivant en France depuis 36 ans, disposant d’un permis de séjour depuis 15 ans, père de deux enfants nés d’une ressortissante française, a «des droits à faire valoir tant devant les juridictions françaises qu’européennes», en plus du fait qu’il demeurait innocent jusqu’à son jugement.
L’Algérie a également dû rappeler à Retailleau la leçon relative aux dispositions de la Convention consulaire algéro-française du 24 mai 1974, où la partie française se devait d’informer la partie algérienne de l’arrestation, de la mise en garde à vue, de la détention et de l’expulsion. Mauvais élève qu’il est, Retailleau n’a rien appris de la leçon d’Alger. Mais il doit savoir que l’Algérie ne donne pas cours tous les jours. Il passe donc au rattrapage avec le parquet de Paris. C’est sa dernière chance avant d’être définitivement recalé, lui qui, semble-t-il, a des ambitions présidentielles pour 2027 en France. À chaque action qu’il entame, il se fait ramasser à la cuillère. En deux mois d’exercice, il a presque battu le record des bévues. À ce titre, il convient de l’appeler «Reto la gaffe». Un humoriste français l’a, d’ailleurs, tourné en dérision, en assurant que «c’est le seule ministre de l’Intérieur au monde qui créé des problèmes à l’extérieur». Mais «Reto la gaffe» n’a pas été rappelé à l’ordre seulement par le parquet de Paris, il semble qu’il s’est fait taper sur les doigts par d’autres cercles plus enclins à des relations apaisées avec l’Algérie. Il s’est d’ailleurs essayé contre son gré, en déclarant sur les colonnes de l’Express : «Je crois qu'il nous faut désormais normaliser notre relation diplomatique avec l'Algérie (…) Le moment est venu de tourner la page et de faire en sorte qu'on entre enfin dans une relation d'égal à égal.» Ceux qui doutent encore des visées qui guident l’extrême droite française ont maintenant la preuve irréfutable : l’empressement de Retailleau à annoncer l’arrestation d’un influenceur algérien, tout comme d’ailleurs son empressement à expédier un autre exhalent des relents d’une haine viscérale contre l’Algérie.

H. Y.

Multimedia