
Pour la première fois, le gaz provenant des vastes réserves algériennes, estimées à plus de 4.500 milliards de m³, sera dirigé vers le marché allemand.
Face aux bouleversements géopolitiques récents et à la nécessité impérieuse de diversifier ses sources d’approvisionnement en énergie, l’Allemagne opère un virage stratégique majeur en se tournant vers l’Algérie pour sécuriser ses besoins en gaz naturel. Historiquement dépendant des livraisons russes, Berlin entame ainsi une redéfinition de sa politique énergétique, dans laquelle Alger émerge comme un partenaire clé pour fournir l’Allemagne et l’Europe.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022, les Allemands ont accéléré leur sortie progressive du gaz russe, une rupture forcée qui a poussé le pays à repenser en profondeur son modèle énergétique, privilégiant l’option algérienne pour assurer la transition énergétique sans compromettre la stabilité de son réseau électrique.
Dans ce contexte, la décision d’introduire le gaz algérien dans le mix énergétique allemand est une première historique. Pour la première fois, le gaz provenant des vastes réserves algériennes, estimées à plus de 4 500 milliards de m³, sera dirigé vers le marché allemand. Cette avancée est rendue possible grâce aux infrastructures gazières euro-méditerranéennes existantes, notamment le gazoduc TransMed reliant l’Algérie à l’Italie, qui servira de point d’entrée avant une redistribution vers l’Allemagne.
La société VNG, acteur majeur de l’énergie en Allemagne, a été l’un des premiers à conclure un accord d’approvisionnement avec le géant des hydrocarbures Sonatrach. Ce partenariat, qualifié de «stratégique» par les deux parties, prévoit la livraison progressive de volumes de gaz à partir de 2026. VNG voit dans cet accord un levier de sécurisation à long terme, offrant une alternative stable et politiquement moins risquée que les approvisionnements antérieurs.
Cette initiative s’inscrit également dans le cadre de la nouvelle feuille de route énergétique définie par la ministre allemande de l’Économie et de la Protection du climat, Katherina Reiche. Celle-ci prévoit la construction de centrales électriques au gaz d’une capacité cumulée de 20 gigawatts à l’horizon 2030. Le gaz algérien jouera un rôle central dans l’alimentation de ces installations, tout en accompagnant le déploiement de projets d’énergie verte.
La diversification des partenaires énergétiques, impulsée par Berlin, place l’Algérie au cœur de la nouvelle architecture énergétique de l’Europe. Déjà fournisseur majeur de l’Espagne et de l’Italie, Alger renforce ainsi son rôle en tant que pilier énergétique du continent. Et pour l’Algérie, cette percée sur le marché allemand illustre la réussite de sa stratégie de diversification des débouchés gaziers. Elle conforte le pays dans son ambition de devenir une plateforme énergétique euro-africaine, non seulement dans les hydrocarbures, mais aussi dans le développement de l’hydrogène vert et des énergies renouvelables.
S’agissant des énergies propres, l’Allemagne trouve en l’Algérie un partenaire stratégique de premier plan pour répondre à ses ambitions. Si le gaz naturel constitue une première étape dans ce rapprochement énergétique, c’est désormais l’hydrogène vert, source d’énergie de l’avenir, qui se trouve au cœur de cette coopération bilatérale renforcée. Dotée d’un potentiel solaire parmi les plus élevés au monde, d’un vaste territoire désertique peu peuplé, et d’infrastructures énergétiques déjà bien développées, notre pays possède tous les atouts pour s’imposer comme un leader de l’hydrogène vert sur l’échiquier mondial. Grâce à l’électrolyse alimentée par l’énergie solaire, Alger ambitionne de produire d’ici 2030 jusqu’à 4 millions de tonnes d’hydrogène vert par an à destination des marchés européens.
Le nouvel eldorado de l’hydrogène vert
Au cœur de cette stratégie, se trouve le projet de corridor énergétique «SoutH2 Corridor», un pipeline transméditerranéen de 3 300 kilomètres qui reliera l’Algérie à l’Allemagne en passant par la Tunisie, l’Italie et l’Autriche. Soutenu par l’Union européenne dans le cadre du Pacte vert, ce projet d’infrastructure incarne la volonté de créer une interconnexion durable entre les ressources renouvelables africaines et les besoins énergétiques européens. La position de l’Algérie en tant qu’acteur émergent de l’économie hydrogène a récemment été consolidée par sa reconnaissance comme l’un des trois pays arabes les plus prometteurs dans ce domaine, aux côtés de l’Arabie saoudite et du Sultanat d’Oman. Ce dernier, déjà fortement engagé dans le développement de chaînes d’approvisionnement mondiales en hydrogène vert, a signé plusieurs accords de coopération avec l’Algérie, facilitant le transfert de savoir-faire et la création de standards communs.
Pour Berlin, l’hydrogène vert algérien s’inscrit parfaitement dans la refonte de sa politique énergétique, dominée par l’objectif de décarbonation de son industrie lourde et de ses transports.
M. M.