Révision du projet de loi sur l’obtention de la pension alimentaire par les femmes divorcées : «Une décision digne d’un état solidaire»

Le chef de l’État a ordonné, lors du Conseil des ministres, la révision du projet de loi portant sur l’obtention d’une pension alimentaire des femmes divorcées, afin de l’enrichir davantage. Il a également insisté à ce que le fonds de pension alimentaire pour les femmes divorcées «doive rester sous la tutelle et l’autorité du ministère de la Justice».

La décision du Président Tebboune portant sur la révision dudit projet de loi vise, selon des juristes, à assurer une couverture juridique et une protection sociale à la femme divorcée, soit la famille. L’amendement de cette loi vient également combler les lacunes et les failles et assurer une meilleure prise en charge financière des femmes divorcées ayant la garde des enfants.
Les femmes divorcées ayant des enfants mineurs à charge rencontrent de nombreuses difficultés, ce qui a engendré des situations difficiles aux conséquences sociales et psychologiques négatives. La mise en œuvre des dispositions et mesures de gestion du fonds au niveau local relève également du ressort du ministère de la Justice, ordonne le chef de l’Etat.
En effet, un Fonds de pension alimentaire a été créé en janvier 2015 pour une meilleure protection de la famille. Ce mécanisme judiciaire a été destiné au profit des femmes divorcées, ayant la garde de leurs enfants. Il prévoit le versement d’une redevance financière «en cas de non-exécution totale ou partielle de l’ordonnance ou du jugement fixant la pension alimentaire, en raison du refus du débiteur (le père de l’enfant) de payer, de son incapacité de le faire ou de la méconnaissance de son lieu de résidence». Le délai permettant à la femme de bénéficier de cette pension est considéré «long». En effet, après le dépôt du dossier, la concernée doit attendre 25 jours. Avant le verdict final, qui peut être prononcé dans certains cas une année après, la pension est seulement alimentaire et ne concerne pas le loyer, le traitement médical et autres. Les juristes soulèvent à ce propos plusieurs failles et insuffisances relevées dans le fonctionnement du Fonds, parmi lesquelles, sa non-application sur le terrain, comme le souligne à El Moudjahid Me Chahira Mouaj, avocate et conseillère judiciaire. «Les procédures compliquées ont empêché la femme divorcée de bénéficier de cette pension», regrette-t-elle. Parmi les obstacles, elle cite la nationalité du conjoint. «Si la concernée était mariée à un étranger, elle ne bénéficiera pas du fonds», relève-t-elle. L’avocate a fait savoir que la pension versée par le Fonds au profit des femmes divorcées vient dans le cas où des pères refusent de verser régulièrement la pension, dont doit bénéficier l’enfant directement et la femme indirectement. «Certains pères versent les indemnisations exigées dans le verdict au profit de la femme sous forme de pension. Par ailleurs, dans certains cas, le conjoint se trouve incapable financièrement d’assurer cette pension et est poursuivi en justice par la femme», rappelle-t-elle. De même pour le conjoint décédé. Ainsi, si son ex-époux est décédé, la pension est suspendue pour la femme divorcée. Me Mouaj salue donc la décision du président de la République relative à la nécessité de revoir cette loi. «C’est une décision digne d’un Etat solidaire, car elle vise une protection judiciaire pour la femme divorcée et les mineurs et une protection sociale des fléaux, tout en prenant en considération les changements économiques et sociaux survenus en Algérie», soutient-elle.
Cette décision démontre, selon l’avocate, l’engagement du Président et la politique de l’Etat visant la stabilité et la cohésion au sein de la famille et la protection des enfants. L’avocate a appelé à l’élargissement «du cercle d’application de la pension» pour une bonne protection de l’enfant. «Le débiteur ne peut être seulement le père des enfants mais des ascendants aussi», insiste-t-elle.

Neila Benrahal

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Avis de juristes 
  • Khadidja Messlem, avocate et consultante juridique :

«Nous recommandons l'allègement des procédures légales à travers l'adoption d'un dossier de base unique et le renouvellement de l'attestation de vie et l'état-civil, outre la création d'annexes de ce Fonds en vue de permettre à la femme jouissant du droit de garde d'obtenir cette pension de manière plus efficace et moins couteuse.»

  • Hamoud Abdallah, bâtonnier de l’ordre des avocats de Blida :

«Le président de la République s’est référé dans sa décision à plusieurs données dont la protection de l’enfant victime du divorce en prenant en compte son éducation dans de bonnes conditions. La révision du projet de loi et le placement du fonds sous la tutelle du ministère de la Justice permettront de garantir une gestion efficace de la pension alimentaire.»

  • Fouad Aissani, président de la chambre régionale centre des huissiers de justice :

«L’huissier de justice, en tant que partie d’exécution des décisions de justice, fait face à plusieurs problèmes quant à l’exécution des décisions de justice liées à la pension alimentaire en raison des procédures complexes, notamment le renvoi du dossier à l’instance chargée auparavant (ministère de la Solidarité), ce qui provoque la lenteur de traitement des dossiers allant jusqu’à 3 ans. L’ignorance de ces procédures par la plupart des femmes divorcées et des mécanismes compliqués pour verser cette pension sur le compte de la femme à laquelle est attribuée la garde.»

  • Ishak Kherchi, expert en économie :

« D'un point de vue économique, cette technique est la plus adéquate pour garantir plus de transparence. Les banques publiques pourront, grâce à ce mécanisme, contribuer grandement au financement des investissements, à travers l'octroi des crédits et l'amélioration des services fournis aux opérateurs économiques, la finalité de ce processus est d'insuffler une nouvelle dynamique économique et d'augmenter le PIB du pays.
Quant à l'ouverture de banques algériennes à l'étranger, il s'agit d'«un outil qui tend à consolider l'action de la diplomatie économique de manière efficace, pour fournir différents services à la communauté algérienne établie à l'étranger, notamment de dépôt, de retrait et de transfert.
La présence des établissements bancaires algériens à l'étranger, notamment en Afrique et dans un nombre de pays européens, devra fournir des informations sur le marché algérien pour les investisseurs étrangers et fournir, en contrepartie, des données sur le marché africain pour les exportateurs algériens, en vue de relancer les exportations algériennes hors hydrocarbures.»

  • Mohamed Achir, enseignant en économie :

«L'Ouverture du capital des banques publiques s'inscrit dans le cadre de la réforme structurelle du système bancaire national, qui nécessite un changement profond et une modernisation de la pratique bancaire. Il est certain que le secteur bancaire public a connu une progression, mais il enregistre encore quelques dysfonctionnements dans le domaine commercial et de la gestion. Le monopole des banques publiques sur l'offre et la demande des crédits et la mobilisation des épargnes sont une situation qui n'encourage pas la concurrence bancaire, d’où la nécessité d’ouvrir le capital des banques publiques pour encourager cette concurrence et diversifier les acteurs de ce secteur.
L’opération d’ouverture du capital des banques publiques doit se faire par le biais de la Bourse, à travers un appel général à l'épargne, ce qui permettra de donner une nouvelle impulsion à la Bourse d'Alger.»

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Maintien du caractère social de l’état

Le chef de l’Etat a également insisté pour que ce Fonds demeure sous la tutelle du ministère de la Justice. Me Mouaj a expliqué que le placement de ce Fonds sous la tutelle du ministère de la Justice « va contribuer à déterminer et définir les responsabilités.
Cela assure plus d’efficacité dans la mise en œuvre des procédures vu que les jugements qui seront pris en considération pour le versement des pensions sont prononcés par des juridictions, c’est-à-dire cela va éviter des chevauchements des prérogatives et assurer le bon fonctionnement de cette aide, sachant que le montant de cette allocation devra correspondre à la pension fixée par le juge lors du jugement de divorce définitif», précise l’avocate. Par ailleurs, le Président a ordonné la révision de l’allocation de solidarité au profit des familles démunies, estimée actuellement à 3.000 DA, dans le cadre de la préservation de la dignité de nos concitoyens de toutes catégories et de la protection du pouvoir d’achat.
«Cette nouvelle décision a pour objectif de protéger les familles démunies des répercussions de la crise économique et préserver leur stabilité matérielle et sociale», soutient Me Chahira Mouaj. La révision de l’allocation de solidarité s’inscrit en droite ligne avec les engagements du président de la République à préserver le pouvoir d’achat, la consolidation des systèmes de sécurité sociale et de retraite, à travers notamment la revalorisation des salaires et des pensions de retraite, l’institution de l’allocation chômage et d’autres mesures visant à stabiliser les prix.
Le chef de l’Etat a réitéré, à maintes reprises, sa ferme conviction de ne pas renoncer au caractère social de l’Etat. Il avait ordonné, lors d’un Conseil des ministres, d’aligner la grille des salaires d’abord sur le pouvoir d’achat, puis sur le soutien continu destiné aux catégories socialement vulnérables, en tenant compte de la valeur du travail et du développement de la production en tant que principales références pour la revalorisation des salaires.

N. B.

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S’adapter aux changements économiques et sociaux

Malgré le fait que la loi punit celui qui ne paie pas la pension alimentaire, la sanction est jugée insuffisante pour recouvrer la pension prescrite en faveur de la femme divorcée et ses enfants. Ceci a contraint le législateur algérien à créer un Fonds d’entretien, aux termes de la loi 01-15, comme un outil légal susceptible d’assurer l’exécution de l’ordonnance ou du jugement fixant la pension alimentaire en faveur de la femme divorcée ou de l’enfant gardé. Institué donc en 2015, ce Fonds offre une véritable bouffée d’oxygène pour les femmes divorcées qui ne perçoivent pas de pension de la part de leur ancien conjoint.
Malheureusement, l’application sur le terrain de ce mécanisme juridique, en cas de non-versement de la pension alimentaire à la femme ayant la garde des enfants mineurs, connaît de nombreuses failles. Parmi les nombreux obstacles soulevés sur terrain, empêchant la femme divorcée de bénéficier de cette pension, on cite la nationalité du conjoint. Si la concernée était mariée à un étranger, elle ne bénéficiera pas du Fonds. De même pour le conjoint décédé. Ainsi, si son ex-époux est décédé, la pension est suspendue pour la femme divorcée. Les juristes et autres experts ont insisté sur la nécessité de revoir cette loi, des années après sa mise en application, en prenant en considération les changements économiques et sociaux survenus en Algérie. La mise en œuvre des dispositions et mesures de gestion du Fonds au niveau local relève également du ressort du ministère de la Justice. Comment les spécialistes voient cette révision ordonnée par le président de la République ?
Pour Me Mahmoudi, cette révision doit commencer par la détermination de chaque notion citée dans le texte juridique, sachant que ce sont les enfants mineurs qui sont en jeu. «L’enfant doit bénéficier d’une protection juridique globale, avant même la dissolution du mariage. Avant le verdict, qui peut être prononcé dans certains cas une année après, la pension est seulement alimentaire et ne concerne pas le loyer, le traitement médical et autres obligations. Il ne faut pas oublier aussi que la garde est parfois suspendue lorsque, par exemple, la femme se remarie», explique l’avocate qui déplore le fait que des pères refusent de verser régulièrement la pension, dont doit bénéficier l’enfant directement et la femme indirectement. «C’est un crime», lâche-t-elle avant d’appeler à un élargissement du cercle d’application de la pension pour une «bonne» protection de l’enfant. Il est bon de savoir que le Fonds de pension alimentaire au profit des femmes divorcées qui ont la garde des enfants prévoit le versement d’une redevance financière en cas de non-exécution totale ou partielle de l’ordonnance ou du jugement fixant la pension alimentaire, en raison du refus du débiteur (le père de l’enfant) de payer, de son incapacité de le faire ou de la méconnaissance de son lieu de résidence. Les responsables en charge de l’application de ce mécanisme avaient précisé qu’à travers ce fonds, l’État n’encourage pas le divorce ni la démission des époux de leurs responsabilités, mais vise à protéger les enfants issus de parents divorcés. Ce mécanisme intervient en cas de carence du père ou de l’ex-époux, constatée par voie judiciaire, à verser la pension alimentaire allouée aux enfants ou la femme divorcée. Des sanctions sont prévues contre les contrevenants ou les auteurs de fausses déclarations. Le Trésor public, d’où le Fonds puisera ses réserves, obligera par la suite le père à rembourser ce qui a été dépensé à sa place, car l’enfant n’attendra pas, pour vivre, que le père puisse trouver l’argent de sa pension. En effet, le texte précise que le Trésor public veillera par la suite au recouvrement, auprès du père ou de l’ex-époux, des montants de pensions alimentaires avancés par le Fonds. Des sanctions, est-il noté, sont prévues contre les contrevenants ou les auteurs de fausses déclarations. Le fait que le divorcé s’abstienne de verser la pension alimentaire est une problématique qui cause beaucoup de souffrances aux femmes divorcées en Algérie, relèvent des juristes, suggérant la création d’un fonds de solidarité au profit de la famille qui pourrait être, selon eux, une solution durable, garantissant une pension pour la femme divorcée en charge d’enfants.

Farida Larbi

 

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