
Il est désormais devenu presque banal d’assister à des épisodes de turpitude et d’indignité dans la gestion française des relations avec l’Algérie. Mais rarement la France ne s’est enfoncée aussi bas pour atteindre les tréfonds de l’arrogance néocoloniale et verser dans la diplomatie de caniveau. La dernière fuite organisée, ébruitée dans les colonnes du magazine L’Express appartenant à un oligarque dont la fortune ne cesse d’augmenter alors que la majorité des Français peine à joindre les deux bouts, en est une preuve accablante. Selon ce magazine, devenu comme plusieurs autres médias de l’Hexagone une tribune pour algérophobes, Paris envisagerait de geler les avoirs de responsables algériens en réponse au refus d’Alger de reprendre certains ressortissants frappés d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). À ce vil chantage, l’Algérie a répondu par un «chiche» cinglant, dans un commentaire, publié par l’Agence presse service (APS), qui sonne comme une retentissante gifle diplomatique, parfaitement méritée par une France qui s’empêtre de plus en plus dans les marécages de l’extrémisme, de la xénophobie et de l’islamophobie. «Passez à l’acte !», a asséné l’APS. Et bien qu’ils savent pertinemment qu’ils n’ont aucun moyen de pression sur l’Algérie qui est résolument engagée sur la voie de l’émergence, certains dirigeants français n’arrivent plus à se ressaisir et semblent prendre goût aux gifles, à force d’en recevoir. Dans cette nouvelle triste séquence où la pusillanimité le dispute à la fourberie, on assiste bien à un jeu d’ombres d’un pouvoir parallèle qui tire les ficelles en matière de politique algérienne. Il est clair, aujourd’hui plus que jamais, que ce ne sont pas les institutions françaises officielles qui dictent la ligne, mais plutôt un pouvoir parallèle, nébuleux, malhonnête et obsédé par la volonté de maintenir une tutelle psychologique sur un pays qui a arraché au prix du sang son indépendance au bout d’une longue et vaillante lutte contre le colonialisme abject. Mal dissimulées, ces manœuvres mesquines ne sont qu’une partie d’une longue symphonie composée de notes bien jaunies qui nous renvoient à un système français à bout de souffle, nostalgique d’un temps révolu où Paris décidait de l’avenir des peuples africains. Cette Algérie française encore fantasmée n’existe que dans l’imaginaire de ceux qui peinent à digérer son indépendance et à accepter les progrès immenses qu’elle a enregistrés à tout point de vue. En effet, ce qui se joue ici n’est pas une simple mésentente diplomatique. C’est le refus obstiné de la France d’admettre la souveraineté pleine et entière de l’Algérie. En obérant toute initiative ou action allant dans le sens d’une relation d’égal à égal avec l’Algérie et en maintenant une rhétorique sournoise faite de mépris, de menaces et d’insinuations, le pouvoir français trahit une obsession maladive pour l’Algérie. Une obsession qui l’empêche visiblement de voir la réalité en face, celle d’une Algérie qui n’a plus de comptes à rendre à une puissance coloniale déchue qui peine à assumer ses propres démons. Cette Algérie, souvent présentée sous un vocable réducteur tel que «régime», «pouvoir», «dignitaires» ou encore «nomenklatura», n’existe que dans leurs délires et leur déraison, comme le relevait à juste titre le commentaire de l’APS. Il est bien clair que quand il s’agit de protéger ses intérêts économiques en Algérie, le pouvoir français joue la carte du partenaire fiable. Mais dès que la situation intérieure française s’envenime, notamment avec la montée de l’extrême droite, la crise économique, la propagation de l’insécurité et la dégradation des services publics, voilà qu’il brandit l’Algérie comme bouc émissaire, qu’il invente des représailles diplomatiques absurdes et qu’il mise sur la stigmatisation pour plaire à l’électorat xénophobe. Ainsi donc, le pouvoir français, qui veut se poser en donneur de leçons, se vautre dans un double langage cynique et lamentable : d’un côté, il se plaint d’un soi-disant manque de coopération en matière de réadmission de ressortissants algériens, et de l’autre,, il fait de la France un repaire pour les voleurs et les criminels poursuivis par la justice algérienne. Sinon comment expliquer le refus des autorités françaises de répondre favorablement à de nombreuses demandes d’extradition de ressortissants algériens réclamés par la justice de leur pays, à l’instar de l’ancien ministre Abdeslam Bouchouareb, d’Aksel Bellabbaci ou encore d’Amir DZ. En réalité, cette menace de gel d’avoirs trouve tout son sens ironique dans l’absence de toute coopération judiciaire avec l’Algérie qui a bien saisi la justice française à plus de 50 reprises via des commissions rogatoires pour récupérer des biens mal acquis et obtenir l’extradition des criminels en fuite. Il faut dire qu’à ce niveau, le refus devient complicité et que la France se dévoile pour ce qu’elle est réellement, à savoir un État qui préfère sanctuariser les voleurs dès lors qu’ils sont Algériens et nuisibles à leur pays.
M. A. O.