Hommage à Abdelhafid Boussouf au Forum D’El Moudjahid : L’architecte des services spéciaux de l’ALN

Ph. Wafa
Ph. Wafa

Le Forum de la Mémoire d’El Moudjahid en coordination avec l’association Machaâl Echahid et l’APC d’Alger-Centre, a rendu hommage au moudjahid Abdelhafid Boussouf, dit Si Mabrouk, à l’occasion du 40e anniversaire de sa mort.

Deux conférenciers, Mohamed Lahcène Z’ghidi et Ali Draa ont salué sa mémoire en rappelant son parcours militant. Au préalable, Mohamed Abad, président de l’Association, a fait part de la réactivation du Comité national de solidarité avec le peuple palestinien, précisant que l'annonce officielle est prévue à l'occasion de la commémoration du déclenchement de la Révolution palestinienne, le 6 janvier 1965, et de la journée nationale du Chahid. Il a réaffirmé la position de la société civile sur les causes palestinienne et sahraouie, en tant que ligne rouge pour le peuple et l'Etat algériens.
L’historien Mohamed Lahcène Z’ghidi a souligné l’incontestable qualité d’organisateur du fondateur des services de renseignements et de transmissions algériens durant la lutte de Libération nationale, estimant qu’Abdelhafid Boussouf a marqué l’histoire de l’Algérie aux côtés de ceux qui se sont sacrifiés pour affranchir le pays du joug colonial. Il a mis en valeur le dévouement et la perspicacité de ce militant au service de l’Algérie combattante.
Abdelhafid Boussouf est originaire de Mila, dans le nord-Constantinois, où il est né en 1926 dans une famille pauvre.
Sa naissance coïncide avec la création de l’Etoile nord-africaine (ENA), un parti authentiquement nationaliste pleinement mobilisé pour l’indépendance de l’Algérie. C’est à cette école du militantisme actif que fut formé Boussouf qui adhéra au Parti du peuple algérien où il fit ses premières armes politiques auprès de Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M’hidi et Rabah Bitat.
Il fut également l’un des membres les plus éminents de l’Organisation spéciale (OS).
Lors du déclenchement de la Révolution, il est nommé adjoint de Larbi Ben M’hidi dans la Wilaya V, prenant part à l’historique réunion des «22», le 24 juin 1954 au domicile du militant Elias Derriche à El Madania (Clos Salembier) à Alger.
Après le Congrès de la Soummam, Boussouf devient membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) et est nommé en septembre 1956, chef de la Wilaya V. En 1957, il est membre du Comité d’organisation et d’exécution (CCE) et en septembre 1958, il est nommé ministre des Liaisons générales et des communications.

Un organisateur de talent

Abdelhafid Boussouf joua un rôle essentiel dans la création de l’appareil de renseignements et de transmissions, d’abord au sein de la Wilaya V, avant d’être généralisé à l’ensemble des wilayas historiques et à l’étranger. C’est ainsi que des informations capitales ont été exploitées pour contrecarrer les actions de l’ennemi.
Il contribua, par ailleurs, à développer l’armement et les liaisons générales par le cryptage, l’écoute et l’organisation du service d’espionnage.
L’orateur a également mis en valeur le rôle de Boussouf dans la formation du MALG, (Ministère de l’armement et des liaisons générales), instrument important de la vision politique et stratégique de cet organisateur habile qui, grâce à l’élite intellectuelle qu’il avait pu recruter, a réussi à infiltrer les unités militaires françaises et à recruter des ministres français et d’autres personnalités au profit de la Révolution.
Abdelhafid Boussouf a créé en 1957 l’école d’espionnage et de contre-espionnage, ainsi qu’une école des cadres de la révolution, jeté les bases d’une unité de fabrication de pièces d’armes et initié une formation de pilotes.
L’efficacité de ses méthodes, fondées sur le secret, l’esprit de corps et le dévouement pour la cause lui ont permis de remporter des succès importants dans la lutte contre la machine coloniale française.
Ali Draâ, journaliste et analyste politique, a mis l’accent sur les tentatives de déstabilisation de l’Algérie car des forces hostiles ne lui pardonnaient pas sa cohésion avec son Armée nationale populaire.
Boussouf était pénétré profondément de la mission sacrée de transmettre aux jeunes un message d’espoir en vue de créer un Etat algérien fort grâce au peuple, son armée et son unité avant de s’éteindre le 31 décembre 1980.
Mohamed B.

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«Si Mabrouk» : Un génie du renseignement

Le colonel Abdelhafid Boussouf, de son nom de guerre «Si Mabrouk», chef de la Wilaya V historique, est toujours considéré comme le génie incontestable du renseignement de guerre et serviteur humble et dévoué de la Révolution qui a marqué des générations de militants de la cause nationale et des dirigeants de l’Algérie indépendante.
Quarante années après sa disparition le 31 décembre 1980, le chef historique qui a créé et conçu les services des transmissions et des liaisons durant la guerre de Libération, inspire encore respect et admiration de la part des anciens membres du Ministère de l’armement et des liaisons générales (MALG), mais aussi du peuple algérien qui voit dans sa personnalité une école de nationalisme.
Son apport à la Révolution est considérable, tout comme sa participation à l'édification de l'Etat-nation à travers les cadres formés dans les écoles du MALG en pleine guerre de Libération nationale.
Dans son dernier livre Boussouf et le Malg, la face cachée de la révolution, publié en octobre dernier aux éditions Barzakh, Daho Ould Kablia, un ancien membre du MALG, revient sur les qualités et le sens de l’organisation du chef historique.
«La réussite de Boussouf, formé à l'origine au militantisme actif, tient à sa soif de connaître et sa passion d'agir», écrit l’ancien membre du MALG, ajoutant qu'il était «toujours au service de la Révolution».
Arbitrant des conflits, il aura «fortement» contribué à fédérer les énergies pour les orienter vers l'unique objectif de la Révolution, à savoir l'indépendance et l'édification de l'Etat algérien. Daho Ould Kablia a consacré son ouvrage à l’histoire des services de transmissions et de liaisons, dont la genèse remonte à l’année 1956 dans l’oriental marocain où a eu lieu la naissance du premier service de renseignement de l’ALN, qui devient en décembre 1959, lors du deuxième Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA), l’incontournable Ministère de l’armement et des liaisons générales.
Ould Kablia, qui était le secrétaire général de la direction de documentation et de recherche (DDR) au sein du MALG, estime que la création, par Boussouf, du corps des transmissions en 1956, constitue «en elle-même, un évènement majeur, une révolution dans la Révolution. Le colonel Boussouf estimait que l'on ne peut mener une guerre et la gagner sans les appuis indispensables que sont la logistique, les liaisons et les communications».
La réussite de Boussouf dans la mise en place d’un réseau des communications, d’abord au sein de la Wilaya V, ensuite généralisé à travers l’ensemble des wilayas historiques et à l'étranger, tient de son «tempérament marqué par le goût de l’action et du secret». Au sein de l’Organisation spéciale (OS), écrit Ould Kablia dans son livre, le colonel «a adopté un comportement des plus rigoureux dans son travail de sensibilisation, de mobilisation et de formation».
Ould Kablia évoque également les qualités humaines du chef historique de la Wilaya V et responsable d’un des plus importants ministères du GPRA qui est le MALG. «Très affable, il discutait avec nous librement de tout et de rien. Il nous étonnait pour avoir mémorisé et assimilé toutes les informations que nous lui avions communiquées. Cette humilité, cette part de l'humain, vis-à-vis de ses cadres ne sont jamais démenties par la suite», a-t-il témoigné.
Celui qui est connu pour être l’architecte des services spéciaux de l’ALN, n’a jamais été en conflit avec les autres dirigeants et membres du GPRA, selon le défunt Abderrahmane Berrouane, ancien responsable de la Direction du contre-espionnage du MALG (DVCR). «Si Mabrouk était en excellents termes avec tous les membres du GPRA, qui l’admiraient, et plus particulièrement avec Bentobal et Krim Belkacem», écrit-il dans son livre, Aux origines du MALG, témoignage d’un compagnon de Boussouf, publié en 2015 aux éditions Barzakh.
La personnalité du père fondateur des services de renseignement algériens a forcé l’admiration des journalistes étrangers. Marvin Howe, une journaliste américaine qui l’avait rencontré pendant la guerre, au Maroc, décrivait un chef «réservé et suspicieux» qui était «distant et avait une carapace difficile à percer». Joseph Kraft, un autre journaliste américain au New York Times, a parlé d’un homme qui a «un sens aigu de l’observation et de l’anticipation».
Yves Courrière, un journaliste et auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la Guerre d’Algérie, estime que «Boussouf a transformé sa Wilaya en un instrument de haute précision. Pour lui, la lutte de Libération ne devrait pas être le fait du sort, la perfection de son service de renseignement et de liaisons devait en faire l'homme le plus puissant de l'ALN».
Abdelhafid Boussouf est né le 17 août 1926 à Mila près de Constantine. Après des études primaires et secondaires dans sa ville natale, il rejoint en 1943 à Constantine son compagnon de scoutisme Abdallah Bentobal qui le fait adhérer au Parti du peuple algérien (PPA) où il fait ses premières armes politiques auprès de Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M’hidi et Rabah Bitat.

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