Forum politique d’El Moudjahid - Noureddine Djoudi, ancien ambassadeur, ancien SG de l’OUA : «Le Makhzen a inventé la marocanité du Sahara occidental»

Ph. A. Asselah
Ph. A. Asselah

El Moudjahid et l’association Machaâl Chahid, en coordination avec le réseau des journalistes algériens de soutien à la cause sahraouie, ont organisé, hier, une conférence intitulée  «Sahara occidental, dernière colonie en Afrique» animée par Noureddine Djoudi, ancien diplomate, et l’ambassadeur de la RASD à Alger.

Au cours de son intervention, Noureddine Djoudi a jugé nécessaire de revenir sur la genèse de la question du Sahara occidental.
La lutte du peuple sahraoui a commencé du temps de la colonisation espagnole quand il revendiquait son droit à l’indépendance et à la dignité. Il rappelle à ce sujet quelques références historiques.
Devant l’Organisation de l’Unité africaine, il avait été décidé de reconnaître le Polisario comme mouvement de libération dans une première étape, ensuite comme étant le seul représentant officiel du peuple sahraoui par l’admission de la République arabe sahraouie démocratique au sein de l’OUA.
De ce fait, il se trouve que la RASD est membre fondateur de l’Union africaine. «Lorsque l’on entend certains parler du retour du Maroc à l’UA, je m’inscris en faux.»
Ce n’est pas un retour. Le Maroc avait claqué la porte, méprisant la position des chefs d’Etat africains.
La lutte des combattants sahraouis contre l’occupation marocaine a poussé le Maroc à rejoindre l’UA pour contrer l’unité africaine.
Ce n’est pas une idée originale du Makhzen, mais celle de son nouveau protecteur, à savoir l’entité sioniste, qui avait convaincu le Maroc qu’il avait commis une erreur fatale en se retirant de l’OUA.
Le conférencier a mis l’accent sur un lien direct entre le soutien massif de l’Afrique à la RASD, en tant que membre fondateur de l’UA et les manœuvres du Makhzen pour essayer de faire admettre que le Sahara occidental n’est pas une terre occupée mais bien une partie du Maroc. L’histoire montre que le Sahara occidental n’a jamais fait partie du royaume du Maroc. Nous tombons toujours sur la politique expansionniste du Makhzen.
Déjà, au XIIIe siècle, le sultan du Maroc est allé jusqu’à lancer une opération d’occupation du Royaume de Songhaï, (actuel Mali). Par contre le Maroc garde le silence sur le caractère espagnol de Ceuta et Melilla.
Au niveau de l’OUA, lorsqu’en 1964 l’Algérie avait présenté un projet de résolution par lequel l’OUA soutenait tous les mouvements de libération de l’Afrique, y compris le Sahara occidental, le Maroc avait voté en faveur de la résolution.
Aujourd’hui, le Maroc a retourné la décision de l’Afrique pour inventer la marocanité du Sahara occidental.
En 1981, lors du sommet de l’OUA à Nairobi, une résolution d’une extrême importance avait été adoptée sur le Sahara occidental disant spécifiquement que les chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA saluent l’engagement solennel du roi du Maroc à appliquer le référendum d’autodétermination libre et sans entrave pour le Sahara occidental. L’OUA avait très bien défini ce que pouvait être le choix du peuple sahraoui, l’indépendance ou le rattachement au Maroc. Le roi Hassan II avait accepté cette résolution.

Volte-face marocaine

Dès la fin du sommet de Nairobi, il avait changé rapidement la donne pour dire qu’il ne s’agissait que d’un référendum d’affirmation de la marocanité du Sahara occidental, effaçant la décision des chefs d’Etat à laquelle lui-même avait participé.
Lorsque l’on parle de la résolution concernant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination par le recours à un référendum libre, c’est une décision africaine, notifiée au groupe africain à New York, qui est devenue une résolution des Nations unies.
Vu l’engagement solennel du roi Hassan II l’on s’attendait à ce que le peuple sahraoui puisse s’exprimer rapidement.
On voit là la contradiction chez ceux-là mêmes qui soutiennent le Maroc actuellement, par exemple la position de la France qui avait imposé aux négociations d’Evian un référendum d’autodétermination.
Les Français ne voulaient pas que l’on fasse comme dans le cas du Vietnam, autrement dit passer de la lutte armée à l’indépendance. Ils ont exigé un référendum que nous avons accepté car nous étions sûrs de la position de notre peuple.

Arrogance du Makhzen

L’opinion occidentale et certaines puissances continuent de faire obstruction à la décision de Nairobi et à celle des Nations unies.
Le Makhzen se permet même d’interdire au représentant spécial du SG des Nations unies de se rendre dans les territoires occupés pour savoir ce que veut le peuple sahraoui. L’UA et le Conseil de sécurité n’ont pas dit un mot. Le diplomate s’étonne que l’on garde le silence sur les massacres, les tortures, les emprisonnements et les viols perpétrés par l’occupant marocain.
L’orateur ne fait aucune distinction entre la politique expansionniste du Makhzen et celle de l’entité sioniste.

M. B.

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Ils ont dit  : 

Dr.Patrick Rankhumise, chargé d’affaires à l’ambassade d’Afrique du Sud :

«L’Union africaine a été créée pour protéger le continent. C’est l’une de ses priorités pour défendre les causes justes. Les problèmes africains doivent être réglés par eux-mêmes. Pour cela, la question du Sahara occidental est une question africaine. L’UA affirme que c’est un Etat souverain. L’Afrique comme continent est victime du colonialisme car l’Afrique du Sud, avec l’aide et le soutien de pays africains, a pu réaliser son indépendance.».

Vusumuzi Ntonga, Ambassadeur du Zimbabwe :

«Nous sommes tous d’accord sur le fait que les problèmes africains doivent être réglés par eux-mêmes. Mais le problème qui se pose, c’est que des pays africains occupent d’autres pays africains. Nous sommes obligés d’être unis pour éviter ces actes. Nous voulons que les pays africains prennent l’Algérie comme exemple dans sa révolution».

Propos recueillis par Zine Eddine Gharbi

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