
Le forum de la mémoire d’El Moudjahid a organisé, mercredi à Alger, en coordination avec l'association Machaal Chahid une conférence portant sur la contribution des artistes dans la préservation de la mémoire.
La rencontre a été l'occasion pour les organisateurs d'annoncer la création d'un prix qui sera lancé l'année prochaine, pour récompenser les artistes ayant contribué à préserver la mémoire. Soit l'année du soixantième anniversaire de l'indépendance et du recouvrement de la souveraineté nationale. Plusieurs activités seront organisées à cet effet.
La présidente de l'instance algérienne contre la pensée coloniale a indiqué, lors de la conférence, que le traité de Rome du 17 juillet 1998 dans son article 7 définit la notion de génocide et la France a ratifié cet accord. «Il s’agit d'un texte fort. Ainsi, la France est comptable devant les instances internationales des crimes qu'elle a perpétrés sur notre sol», a assuré Maître Fatma-Zohra Benbraham, rappelant que le parlement français a officiellement reconnu, en 1999, que ce qui s'est passé en Algérie entre 1954 et 1962 était une guerre. Elle dira cependant que ce concept de guerre a été adopté par le parlement pour se protéger juridiquement, stopper toute reconnaissance de ses nombreux crimes et empêcher que justice soit faite. «La notion de guerre est un concept très dangereux car elle insinue que deux pays ayant un rapport de force égale entrent en conflit. Or nous n'avions ni tanks, ni avions de chasse», a-t-elle affirmé avant d’accuser la France coloniale de crimes contre l'humanité perpétrés contre un peuple sans arme. «Le 8 mai 1945 n'est pas un massacre contre les Algériens mais un génocide. Le droit international a évolué et érige l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité». L'avocate a annoncé le début d'une grande histoire juridique en partenariat avec d'autres peuples ayant vécu les affres du colonialisme.
Enfin, elle a rappelé que les Français avaient promis de reconnaître l'indépendance de l'Algérie en échange de la contribution des Algériens à la libération de la France. «Ils ont menti et commis l'irréparable à Sétif, Guelma et Kherrata. Je n'ai besoin ni de leur pardon ni de leur repentance, le sang de mon père qui a coulé injustement devra être dédommagé un jour ou l'autre devant les instances compétentes», s'est-elle exclamé avant de mettre en évidence l'impérieuse nécessité d'écrire notre histoire avec notre propre plume pour ne plus dépendre de la vision colonialiste.
De son côté, le Docteur Ali Djilali a indiqué que l'histoire est importante pour bâtir une civilisation forte permettant, par voie de conséquence, de ce faire respecter. «La glorieuse Révolution de Novembre 1954 se démarque par son excellente organisation et sa résilience. Elle a mené à l'indépendance, donc à la liberté. À présent, il convient de se réapproprier la mémoire pour construire une civilisation forte et imposer le respect», a-t-il affirmé avant d'insister sur l'importance de sortir de l'étude de l'histoire sous le prisme colonial et imposer un prisme national pour une mémoire loin des tentatives de travestissement colonialiste.
Le professeur Seddik Bakhouche a, pour sa part, déclaré que la mémoire collective est fondamentale pour l'ensemble des peuples dans le monde. Le rapport des Algériens au colonialisme français est intimement lié à l'oppression, aux massacres, au sang et aux disparitions forcées. Ainsi, notre mémoire collective est radicalement opposée à celle de la France coloniale. «Il faut sortir de la pensée colonialiste dans l'écriture de notre histoire. Plusieurs ouvrages de par les terminologies employées sont une reproduction de cette vision esclavagisante, l'écriture de l'histoire est importante car la nature a horreur du vide. Autrement dit, si nous laissons des espaces, ils seront remplis par ceux qui ne nous veulent pas du bien et qui ont une rancune historique à notre égard.»
Sami Kaidi