Désinformation, fake news, manipulations… : L’Algérie ciblée

Outre sa noble mission de rapporter fidèlement l’information, de la commenter et de l’analyser, le journaliste doit, éthique et déontologie obligent, être la locomotive de la lutte contre la désinformation et donner une information juste et crédible, tout en étant prudent et vigilant pour parer aux différentes formes d’attaques qui visent notre pays dans ce qui semble être une véritable guerre de l’information.

Fake news, désinformation, manipulation des images… Autant d’armes destructrices qui mettent en péril l’unité et la cohésion nationales. Aujourd’hui, l’opinion publique algérienne est victime d’un véritable matraquage médiatique, souvent venu d’ailleurs et relayé à l’intérieur par certaines voix malintentionnées. Les experts sont formels, ce type de guerre est plus redoutable que le maniement des armes, avec comme objectif la dislocation des nations «insoumises» à la doxa impérialiste, en leur livrant une véritable guerre psychologique et de subversion à travers la manipulation des réseaux sociaux et sites électroniques.
A ce jeu (dangereux), le citoyen lambda devient une proie facile, prédisposé à tout «gober». Les exemples ne manquent d’ailleurs pas pour illustrer ce constat. On peut citer les supposés risques encourus par les citoyens qui se font vacciner contre la Covid-19. L’on se souvient, à ce propos, du tollé soulevé par cette question sur les réseaux par de simples internautes se faisant l’écho de théories douteuses. C’est dire la capacité de persuasion de ces espaces virtuels. D’où justement le rôle crucial des médias lourds.

La liberté s’arrête où commence la lutte contre la désinformation

«C’est vrai que la majorité des Algériens, notamment les jeunes, s’informe sur les médias sociaux, ce qui impose aux médias d’investir davantage ces réseaux pour se prémunir contre le danger des fake news dont la diffusion vise à influencer l’opinion à des fins inavouées», affirme Ismail Dif, rédacteur en chef du quotidien arabophone El Michwar Essiyassi qui explique que Twitter et Instagram sont des réseaux vierges qui doivent être exploités au maximum. «La responsabilité des médias nationaux est grande dans la lutte contre la désinformation et dans la sensibilisation de la jeunesse aux risques encourus par un mauvais usage des réseaux sociaux. La liberté s’arrête où commence la lutte contre la désinformation.»
Plus qu’une question de responsabilité, il est de la responsabilité du journaliste de protéger le citoyen en s’adaptant aux évolutions et enjeux par le biais de médias capables de défendre nos valeurs et les causes justes et mettre en échec les plans hostiles visant l’Algérie pour ses positions immuables et sa défense des principes hérités de la déclaration du 1er Novembre 1954. Le soutien à l’autodétermination du peuple sahraoui et à la libération de la Palestine, avec El Qods comme capitale, constituent le fer de lance de notre action diplomatique, ce qui explique l’acharnement cybernétique de certaines officines. Un constat confirmé d’ailleurs par le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, qui avait révélé que l’Algérie était le pays arabe le plus exposé à la cybercriminalité (14e à l’échelle mondiale) passant, entre autres, par le biais de la diffusion massive de fake news en provenance de 80 sites étrangers qui mènent des campagnes de diffamation contre notre pays.
Cette guerre a donc une particularité. L’ennemi n’est pas visible mais les dégâts occasionnés sont désastreux et néfastes. Ainsi, les bruits ne sont plus ceux des bottes mais ceux des clics de clavier, l’objectif étant et d’inciter les jeunes à la violence et à la division.
Quelle riposte pour se prémunir contre ce mal ? Quid de la responsabilité des médias ?
L’Algérie est capable, grâce à ses moyens juridiques, ses potentialités humaines et matérielles, de faire face à cette nouvelle forme de guerre lente et progressive dans l’espace et le temps, pour paraphraser l’expert en géopolitique, Arslan Chikhaoui. Cela implique la conjugaison des efforts de tous, y compris les journalistes dans la mission de défense de la nation, comme l’a souligné le chef d’état-major de l’ANP, le Général de corps d’armée, Saïd Chanegriha, lors d’un séminaire sur le rôle des médias dans le renforcement du front interne. «Qu’ils soient audiovisuels, électroniques et ou sur support papier, les médias confortent, renforcent et orientent l’opinion publique.»
Pour Mohamed Oudai, général à la retraite, le journaliste algérien est tenu de rapporter une information crédible et authentique et se positionner comme rempart et vecteur de transparence pour contrecarrer ces attaques.
Si on n’informe pas le citoyen, il s’orientera systématiquement vers d’autres sources. «Sachez que l’information, en temps de paix ou de guerre, est un instrument décisif et éminemment stratégique. L’exemple le plus éloquent est le comportement de certains médias étrangers, lors de la décennie noire, qui faisaient de la propagande active et essayaient de distiller leur venin dans le corps social», rappelle-t-il, jugeant essentielle l’implication des institutions dans la transmission régulière des informations pour aider le journaliste dans sa noble mission. «Je citerai l’exemple du ministère de la Défense nationale qui, à travers sa page Facebook, fait un remarquable travail de communication afin de sensibiliser sur les menaces de l’heure, dont le Makhzen et l’entité sioniste prêts à tout type d’action aventureuse pour légitimer leurs forfaitures.»

«La diffusion de l’information doit être compatible avec la défense des intérêts de la nation»

Il insiste sur l’importance de former les journalistes aux enjeux du bon usage de la communication et des risques cybernétiques. «Saviez-vous qu’à l’école de guerre du Caire, en Egypte, il existe un cycle de formation au profit des journalistes pour les responsabiliser sur ces enjeux et pour les sensibiliser sur le fait que la diffusion de l’information doit être compatible avec la défense des intérêts suprêmes de la nation?»
Le déclenchement d’une guerre contre un pays est toujours précédé d’une guerre médiatique qui vise à délégitimer et à diaboliser l’ennemi. «C’est un procédé utilisé lors des première et deuxième guerres du Golfe avec les mensonges des couveuses koweitiennes et celui des armes de destruction massive qui n’ont au demeurant jamais été trouvées.»
Dans le cadre de cette guerre insidieuse, le rôle des médias, publics ou privés, est de maîtriser l’information : un enjeu central qui peut être décisif pour assurer la victoire sans tirer un coup de feu. La mondialisation de l’information et l’instantanéité de sa diffusion font que le pouvoir des médias s’est davantage renforcé. «La guerre de l’information se caractérise par l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication contre les peuples et les Etats-nations», estime, pour sa part, Ahmed Mizab, chercheur et expert en questions sécuritaires, selon lequel beaucoup de pays, particulièrement ceux de la zone MENA, ont été détruits de l’intérieur par l’utilisation des médias et des TIC. «Fort heureusement, l’Algérie a pris rapidement en compte ce défi de taille par la mise en place d’une stratégie de lutte contre la guerre de l’information. Le journaliste est intégré à ce dispositif et a toute latitude d’user de son droit constitutionnel d’expression et de subjectivité tant que ce dernier ne s’oppose pas à sa responsabilité morale et déontologique de défense des intérêts vitaux de la nation.»
Si le journaliste bénéficie de la liberté d’expression, il doit garder à l’esprit que la responsabilité qui pèse sur ses épaules, dans ce contexte particulier, n’est pas moindre que celle du soldat. «Il se doit également de défendre et promouvoir nos valeurs nationales qui dérangent certains.»

«Donnons des coups médiatiques sans attendre d’en recevoir»

La stratégie nationale de réponse doit reposer sur un plan fortifié sur le long terme, régulièrement réactualisé. «La meilleure défense est l’attaque. Donc donnons des coups médiatiques sans attendre d’en recevoir», suggère-t-il, plaidant pour un système immunitaire du corps social qui passe par un processus constant de conscientisation des masses.
«Les médias ont un rôle de premier plan pour atteindre cet objectif et peuvent contribuer au renforcement du front interne», a insisté l’expert qui appelle à investir massivement les réseaux sociaux, du fait que la nature a toujours horreur du vide.
Ahmed Mizab ne manquera pas de louer la démarche de l’ANP qui a réussi à jeter les bases d’un plan d’action pointu, une riposte à la hauteur, en sus d’ateliers mis en place pour la refonte de la communication institutionnelle, dont un atelier travaillant sur la réponse juridique appropriée pour lutter contre les effets néfastes de cette guerre du numérique qui nous est livrée.
En somme, la régulation des réseaux sociaux par le biais d’un cadre juridique adéquat s’impose inévitablement, dans la mesure où cette tribune virtuelle est la plus investie par certaines puissances étrangères dans le but de dénigrer l’image des pays qui ne s’alignent pas sur l’idéologie néo-libérale et de propager des fausses informations en vue de provoquer des troubles à l’ordre public, voire le chaos.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’ouverture récente du tout premier centre national de cybersécurité civil, en attendant le lancement imminent d’une chaîne d’information en continu pour exporter, en plusieurs langues, la voix de l’Algérie à l’international, car du rapport Graphika qui s’est positionné contre les institutions de la République au scandale d’espionnage Pegasus, la guerre dite de 4e génération bat son plein contre notre pays.
Ce concept a été théorisé au sein de l’armée américaine, en 1989, par la publication d’un article intitulé The changing Face of War : Into the fourth generation par l’essayiste William Sturgiss Linde et le Colonel Keith Nightengale. L’objectif recherché est d’affaiblir de l’intérieur l’Etat visé en lieu et place de l’intervention militaire classique.
Ainsi, on manipule et on retourne l’opinion publique contre les autorités de leur pays par le biais d’une «révolution de couleur». Par conséquent, la guerre moderne n’est plus conventionnelle, mais cybernétique avec un réseau internet qui ne compte plus de cybersoldats en possession d’instruments numériques de pointe, nécessitant ainsi de se mettre au diapason du développement technologique, à travers la garantie d’un environnement adéquat.
Des scénarii observés en Géorgie, en 2003, avec la révolution dite des Roses, en Ukraine en 2004, avec la révolution Orange, et en 2011, en Tunisie avec la révolution du Jasmin. Dans ce contexte particulier, le journaliste doit être capable d’assimiler les limites de la liberté d’expression et de faire de l’intérêt suprême de la patrie l’alpha et l’oméga au-dessus de tout.
Auteur, au VIe siècle avant J.C, de l’ouvrage de stratégie militaire L’art de la guerre, le général chinois Sun Tzu avait indiqué que «cet art est de soumettre l’ennemi sans combat». 27 siècles plus tard, à l’ère de l’Internet et des smartphones, cette citation n’a pas pris une ride.
Sami Kaidi

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