Des personnalités françaises à Retailleau : «démissionnez !»

Les appels à la démission du ministre français de l’Intérieur interviennent dans un contexte marqué par la recrudescence des actes xénophobes et islamophobes. En l’espace d’un mois, un jeune Malien et un Tunisien ont été assassinés pour des motivations racistes.

Alors que la France est secouée par une série d’agressions islamophobes et xénophobes d’une violence inédite, des voix politiques s’élèvent avec force pour exiger la démission immédiate de Bruno Retailleau. Le ministre de l’Intérieur, déjà accusé d’avoir épousé les idées de l’extrême droite, est désormais désigné comme l’un des principaux responsables du climat d’insécurité qui règne dans le pays et qui met en danger une partie des Français et les immigrés issus du continent africain et du monde musulman. Dans une longue dépêche, l’agence APS a relevé que plusieurs personnalités politiques, notamment des chefs de partis, ont réclamé, ces derniers jours et avec insistance, la démission du locataire de place Beauvau, en l’accusant d’«avoir failli à sa mission de protéger les Français». Ces personnalités ont, dans leurs déclarations médiatiques, mis en lumière l’obsession présidentielle de Bruno Retailleau, qui chasse intensément sur le terrain fertile de l’extrême droite, surtout depuis qu’il est devenu, il y a à peine un mois, président des Républicains. Retailleau est ainsi épinglé par une large frange de la gauche française, pour avoir attisé la xénophobie et l’islamophobie à travers un discours légitimant les comportements racistes et extrémistes, et ce, par simple opportunisme politique. Pour certaines figures politiques, Retailleau n’est plus un simple ministre, mais un incendiaire en quête de capital politique. «Par clientélisme, par volonté d’aller chercher un électorat, notamment celui qui vote à l'extrême droite, Bruno Retailleau, depuis de longues années en réalité, a des mots qui facilitent, qui légitiment les comportements racistes», a affirmé, mercredi, le Premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, dans une déclaration médiatique faite à une radio locale, suite à l’assassinat d’un Tunisien, dans le sud-est de la France. Il s’agit, pour le premier responsable du PS, de la deuxième déclaration en deux jours. La veille, à savoir le mardi 3 juin, il l’avait accusé d’avoir banalisé «un racisme d’atmosphère», en créant «un climat de suspicion vis-à-vis des étrangers». Le patron du PS a clairement lié le discours du locataire de place Beauvau à son ambition électoraliste démesurée. D’autres figures politiques de la gauche ont vivement dénoncé le fait que le ministre de l’Intérieur courtise sans vergogne l’électorat de l’extrême droite, quitte à sacrifier la paix civile sur l’autel de ses ambitions personnelles. Un choix lourd de conséquences, comme en témoigne la multiplication des actes de haine : agressions dans des mosquées, meurtres racistes et discours haineux banalisés dans l’espace public. Ainsi, pour la députée du groupe écologiste et social, Sabrina Sebaihi, les prises de parole de Bruno Retailleau deviennent de plus en plus dangereuses pour la sécurité, aussi bien des Français que des résidents étrangers. Elle a rappelé avoir interpellé maintes fois le gouvernement français sur les conséquences des déclarations de ce ministre, qui ravit la vedette aux figures les plus connues de l’extrême droite. «Nous demandons la démission de Bruno Retailleau parce que je crois qu’il participe activement à cette fracture dans notre pays, en ciblant une certaine catégorie d’individus», a-t-elle indiqué dans une déclaration à la presse. Mme Sebaihi a insisté sur le fait que les interventions médiatiques du ministre de l’Intérieur ont encouragé le passage d’un racisme d’atmosphère à un racisme actif, comme l’illustrent les crimes odieux commis par des militants d’extrême droite. Même indignation du côté de La France Insoumise (LFI). Thomas Portes, député de ce parti, a vivement dénoncé l’hypocrisie du ministre de l’Intérieur qui, tout en stigmatisant une partie de la population française ou vivant en France, fait mine de s’insurger contre le racisme. «Il est un incendiaire qui fait mine de s’insurger du racisme et de ses conséquences, alors qu’il l’alimente chaque jour à la tête du ministère de l’Intérieur», a-t-il déclaré à la presse. De son côté, le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, a assuré que Bruno Retailleau «contribue à un climat d’islamophobie», en évoquant, dans ce sillage, ses propos sur le port du voile qui «pointent du doigt l’ensemble des concitoyens français de confession musulmane». Des propos qui constituent une forme d’islamophobie d’État et une criminalisation de toute une religion. Bompard a souligné, dans un post sur les réseaux sociaux, le fait que le ministre de l’Intérieur est allé loin dans son délire jusqu’à accuser le parti LFI de «tisonner les braises de l’antisémitisme dans le but de draguer le vote musulman». «La loi définit l’injure raciste comme toute expression outrageante, terme de mépris ou invective adressés à une personne ou à un groupe en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée», a-t-il précisé dans le même post, tout en estimant que «quand vous dites que le vote musulman est antisémite, vous rentrez exactement dans cette définition, en outrageant un groupe en raison de sa religion». Pour Bompard et bien d’autres figures politiques françaises, Bruno Retailleau n’est qu’un artisan d’une France fracturée, l’appelant ainsi à quitter place Beauvau. C’est l’avis du député Bastien Lachaud qui a aussi fustigé la politique du ministre de l’Intérieur en l’accusant d’avoir « fait exploser l’islamophobie d’État». «Aujourd'hui, des musulmans sont insultés et menacés chaque jour, poignardés dans des mosquées, tués de plusieurs balles chez eux, mais le pyromane au service de l’extrême droite continue à faire exploser l’islamophobie d’État», a-t-il affirmé, en considérant qu’«accuser le vote musulman d’antisémitisme, c’est insulter des millions de Français, c’est leur mettre une cible dans le dos». «Bruno Retailleau est une menace pour l’unité nationale. Il doit partir», a conclu Lachaud. Ces appels à la démission du ministre français de l’Intérieur interviennent dans un contexte marqué par la recrudescence des actes xénophobes et islamophobes. En effet, le 25 avril 2025, un jeune malien a été assassiné de dizaines de coups de couteau alors qu'il priait dans une mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard, en France. Le meurtrier a été mis en examen, pour assassinat à raison de la religion. Il a agi par «obsession de tuer» et a tenu des propos injurieux envers l’islam. Un mois après cet assassinat odieux, un Tunisien a été tué dans le Var, au sud de la France, par son voisin, pour des motivations racistes. L’assassin a publié, avant et après son crime, sur Facebook, des vidéos à caractère raciste. Ces crimes sont ainsi vus comme la conséquence de l’adoption et de la promotion du discours haineux et raciste de l’extrême droite par le ministre de l’Intérieur. En ciblant une population sur la base de sa religion, en instillant le soupçon généralisé et en relayant les éléments de langage et les arguments de l’extrême droite, Bruno Retailleau n’a pas seulement failli à sa mission régalienne de garantir la sécurité de tous, mais a fracturé le pacte républicain. Il est aujourd’hui perçu, non pas comme un rempart contre la haine, mais comme son catalyseur. L’Algérie, faut-il le rappeler, a dénoncé, à maintes reprises, ses agissements qui ont impacté négativement les relations bilatérales avec la France. Même l’ancien Premier-ministre, Dominique De Villepin, a vertement critiqué la façon avec laquelle Retailleau se comporte avec l’Algérie, en parlant d’ «amateurisme» nuisible aux relations bilatérales. «Quand on fait de la politique intérieure avec de la politique étrangère, on ne va que dans une impasse en pratiquant la politique de la terre brûlée», avait-il déclaré, en février dernier sur une chaîne de télévision française.

Pour certaines figures politiques, Retailleau n’est plus un simple ministre, mais un incendiaire en quête de capital politique.

«Il est un incendiaire qui fait mine de s’insurger contre le racisme et ses conséquences, alors qu’il l’alimente chaque jour à la tête du ministère de l’Intérieur.»

«Nous demandons la démission de Bruno Retailleau parce que je crois qu’il participe activement à cette fracture dans notre pays.»

M. A. O.

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