
Création de la radio clandestine du FLN, «La voix de l’Algérie combattante» : L’autre arme de la Révolution
C’est en 1956, en pleine lutte de libération nationale, que la radio Algérienne indépendante verra le jour. «La voix de l’Algérie combattante» dont la diffusion est entamée le 16 décembre de la même année à partir de la région frontalière (Nador) entre l’Algérie et le Maroc, constituait la voix de l’Algérie qui contrecarrait la propagande mensongère diffusée par les médias de l’Etat colonial.
Pour nous relater les circonstances de la création de cette radio secrète, M. Dahou Ould Kablia, qui a occupé une place de premier plan dans la hiérarchie du Ministère de l'Armement et des Liaison générales (MALG) était hier l’invité du Forum de la mémoire organisé conjointement par le journal El Moudjahid et l’association Machaâl Echahid. A l’occasion de la célébration de l’anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale sur la radio et la télévision que M. Ould Kablia est venu nous parler de cette glorieuse épopée de la guerre de Libération lorsqu’une poignée de jeunes déterminés décident de contrer la stratégie du colonisateur avec une autre arme, celle de l’information.
«La première génération des enfants de la radio et de la télévision a relevé tous les défis, à commencer par la lutte à travers les ondes de la Radio secrète, avant d’assurer la continuité des programmes le 28 octobre 1962 jusqu'à la formation des compétences nationales qui ont porté le flambeau de génération en génération» dira l’invité du forum. L’histoire de la création de cet organe «pour faire face à la propagande coloniale française» a été revisitée et relatée en détails par le conférencier qui a évoqué les conditions et les circonstances de la naissance de cette radio et de l’homme à l’origine de cette naissance, Abdelhafid Boussouf, qui a joué un rôle décisif dans la naissance des services de renseignements algériens le MALG. «Face au manque de moyens, la direction du FLN va recourir, dans un premier temps, aux radios des pays qui apportaient leur soutien à la cause algérienne. Il s’agit particulièrement de la radio égyptienne Sawt Al Arab et de la radio tunisienne qui consacraient des émissions sur la situation de l’Algérie en guerre».
Une véritable guerre des ondes
L’invité du forum dira que «la Radio algérienne clandestine a vu le jour un 16 décembre 1956, après que Messaoud Zeghar, ait réussi, grâce à des connaissances avec des Américains, à acquérir une radio mobile transportée par un camion sillonnant les frontières algériennes à partir du sol marocain pour diffuser les informations en vue de déstabiliser les forces coloniales et pousser les pays arabes à se solidariser davantage avec la cause algérienne, prenant le relais et diffusant des émissions sur le combat du peuple algérien». C’est ainsi que fut créée la radio clandestine dont le but était de faire pénétrer la voix de la révolution dans les foyers et de mener la «guerre des ondes» pour contrecarrer la propagande de l’occupant. Pour ce faire, Daho Ould Kablia rappellera que le MALG a formé près de 850 opérateurs et agents dans le domaine des transmissions dans la première école de transmission créée par Boussouf. La tâche de ces derniers n’était pas aisée, d’autant que ces animateurs et techniciens subissaient les contraintes de la clandestinité, étant parfois la cible de bombardements de l’armée coloniale.
Cette radio mobile émettant à partir de la frontière ouest du pays diffusait des informations sur les combats victorieux menés par les moudjahidine, des chants patriotiques et des émissions politiques destinées à sensibiliser le peuple et lui redonner la force de croire en lui-même. «Des Algériens, jusqu’alors branchés sur les radios de pays arabes, étaient surpris d’entendre cette nouvelle station annonçant : Ici Radio de l’Algérie libre et combattante, la voix du Front de libération s’adresse à vous, du cœur de l’Algérie «relatera l’ex-ministre de l’Intérieur qui dira «qu’en dépit de la répression et des tentatives de brouillage, La voix de l’Algérie a réussi, dans la clandestinité, à jouer un rôle prépondérant dans la mobilisation du peuple algérien. Cette voix parvenait aux Algériens où qu'ils fussent, renforçant leur détermination, leur foi en leur révolution et les incitant à poursuivre leur marche sur le chemin ardu de la victoire».
Hommage à ces moudjahidines de l’ombre
Parmi les militants qui ont préparé et animé les programmes de cette radio, M. Ould Kablia citera Cheikh Réda, Madani Haoues, Rachid Abdeslam, Abderrahmane Meziane et Cheikh El Kadi El Hachemi Tidjani, à qui il rendra hommage.
L’invité du forum rappellera que la Voix de l'Algérie combattante avait fait l'objet, outre les difficultés imposées par la clandestinité, de multiples tentatives de l'ennemi visant à brouiller ses émissions, ou carrément le bombardement de la station. «A deux reprises, en effet, l'armée coloniale française bombarda les lieux mais sans succès. La première tentative eut lieu en avril 1957, vingt minutes après la fin des émissions de la radio secrète. Le second bombardement eut lieu en juillet 1957 en pleine émission. Heureusement, les bombes tombèrent toutes hors du périmètre du lieu d'émission».
M. Ould Kablia dira que la diffusion des programmes de cette radio connaîtra une interruption de neuf mois et la radio Sawt al Djazair al moukafiha a repris le 12 juillet 1959, à partir d'un studio aménagé dans un immeuble de la ville marocaine de Nador et doté de tous les équipements et émetteurs nécessaires. L'inauguration (en juillet 1959) a été marquée par la présence de nombreux responsables algériens dont Saâd Dahleb, M'hamed Yazid et Boualem Bessaieh. Le professeur Ahmed Taoufik El Madani et l'avocat Abderrahmane Kiouane, qui présentaient périodiquement des commentaires sur la Révolution algérienne en langue arabe et française, ce qu̇i a énormément contribué à éclairer l'opinion publique arabe et internationale sur la situation de l'Algérie et à expliquer la portée et les objectifs de la glorieuse révolution de Novembre». Ould Kablia rappellera que lui-même a assuré l’animation et la rédaction en langue française de commentaires durant quatre mois.
Aissa Messaoudi, une voix plus percutante que les balles
Une voix de la révolution restera gravée dans les mémoires celle du journaliste Aissa Messaoudi, «dont la force de l’impact auprès des auditeurs contribua à relever le moral des éléments de l’ALN et du peuple algérien en général». Avec sa voix grave et pénétrante mais aussi ses envolées stridences et coléreuses, Aissa Messaoudi fut une véritable icône sonore de la Révolution qui a fait couler d’abondantes larmes à nos défunts parents et aînés. L’invité du forum dira qu’«après l’indépendance, l’équipe journalistique et technique chargée des programmes de la Voix de l’Algérie combattante, à sa tête le journaliste et militant Aissa Messaoudi a relevé le défi en assurant la continuité de la diffusion de la Radio et Télévision algérienne.
Farida Larbi