Le Forum sur la Paix a été créé en 2018 pour relancer le principe du multilatéralisme, pour renforcer les mécanismes de gestion des conflits et des relations internationaux.
En participant au forum, «l’Algérie réaffirme sa volonté de retrouver son rôle d’État influent, aux niveaux régional et international, conformément à sa nouvelle stratégie de redéploiement diplomatique», explique Wissam Boukelmoune, spécialiste en sociologie des organisations. Rappelant que l’approche algérienne a toujours été axée sur la gestion diplomatique des crises et des conflits «sur la base des principes de coopération et de coordination des actions au sein des institutions et organismes onusiens», l’universitaire n’omet pas de dénoncer ce qu’elle qualifie «d’insoutenable légèreté d’appréhender le péril du terrorisme et de la criminalité transfrontalière». Et de rappeler qu’une «dizaine de conflits armés se poursuivent sur le continent africain, ce qui en fait la région du monde la plus touchée en 2021».
Mme Boukelmoune insiste sur le concept «de non-ingérence dans les affaires internes des pays, et la promotion des principes du vivre ensemble, comme credo de la diplomatie algérienne» qui font écho à l’autre concept de gestion des affaires internationales sur la base du «multilatéralisme et du refus de l’hégémonie américano-euro centrée».
Abondant dans le même sens, Dr Hichem Derradji, chercheur en sciences politiques à l’université Mohamed-Khider de Biskra, fait savoir que «le principe de multilatéralisme est l’antithèse de l’idéologie occidentale d’après-guerre, qui, sous toutes ses manifestations, «constitue une menace de nature à semer le chaos et l’anarchie qui sont essentiels à sa conversion en force politique et militaire, pour semer la zizanie dans plusieurs régions du monde, et notamment la région arabe». Pour le chercheur, «une vision unipolaire du monde est en mesure de saper les fondements de la communauté internationale» un peu comme, poursuit-il «les termites qui pourraient nuire à une maison en bois».
L’idéologie occidentale et la domination unipolaire ont été, souligne Dr Derradji, «des causes de l’imposition de la fracture internationale qui prive les populations du monde de la capacité à communiquer et interagir dans un cadre bien défini de mécanismes de coopération». L’affaiblissement des principes de coordination des actions au sein des institutions internationales crée ce que le chercheur qualifie de «sentiment d’impuissance». Autrement dit, «une illusion de la force et de la cruauté infinie émanant du bloc occidental pour toujours infliger des représailles brutales contre ceux qui résistent. Il cite dans ce sillage les déclarations «indignes» de l’ancienne ministre allemande Ursula Von der Leyen, 5e présidente de la Commission européenne, envisageant «de punir des États qui se sont abstenus ou ont voté contre la résolution de l’ONU condamnant la Russie».
Ce qui illustre, selon lui «la vision unidirectionnelle qu’ont les Occidentaux vis-à-vis des autres populations du monde». Une attitude qui «vise à détruire la volonté de résister à l’ordre établi» et qui «s’avère une étape nécessaire pour imposer leur vision idéologique», a-t-il ajouté.
Un facteur clé dans l’architecture de la paix
Interrogé sur l’apport de la participation de l’Algérie à ce forum, l’universitaire explique qu’en raison de sa taille et de sa position géographique, «l’Algérie pourrait être un partenaire clé en matière de sécurité régionale dans le continent africain et la région arabe».
Dr Derradji affirme que l’Algérie reste intensément protectrice de sa souveraineté et de son rôle régional. La question de la sécurisation des frontières constitue un «dilemme de sécurité» imposé par les troubles croissants dans notre voisinage géographique sahélo-maghrébin» ainsi que l’arrivée des entités étrangères à la région.
Le chercheur note également «les risques qui sont divers, polyvalents, ambigus et vagues». Car ils proviennent de «menaces non-étatiques» qui «sont la cause de l’agitation à nos frontières, en raison de la fragilité ou même de l’absence de la puissance étatique de plusieurs pays limitrophes à l’Algérie». Et de souligner par ailleurs le fait que «l’Algérie assume presque toute seule la sécurisation de ses frontières et de ses voisins. Par conséquent, la politique algérienne considère le traitement des dysfonctionnements dans les Etats voisins comme hautement prioritaire, mais toujours dans le cadre de la coopération internationale».
«Sans intentions belliqueuses» affirme le chercheur, l’Algérie vise principalement à travers ce forum «à créer une synergie capable de maintenir la sécurité internationale, et le renforcement des outils et mécanismes de coopération internationale» pour la préservation de la stabilité et la paix dans un cadre multilatéral». La préservation de la paix passe inéluctablement par l’adaptation et la lutte face aux menaces posées par le terrorisme, la contrebande, l’instabilité, la prolifération des armes, la criminalité et l’immigration clandestine.
Tahar Kaidi