
Alaa ud Din Ali ibn Abu al Hazm al Qurashi, connu sous le nom d’Ibn an Nafis, était l’un des hommes de savoir les plus fameux du XIIIe siècle chrétien. En médecine, il avait découvert la petite circulation sanguine et était l’un des plus grands commentateurs d’Ibn Sina (Avicenne) ; en homme de religion, il avait été reconnu professeur de droit chaféite. C’est dans les environs de Damas, un jour de 606 de l’Hégire (1210), que le futur savant naquit. Apprenant la médecine auprès des meilleurs spécialistes à l’hôpital al Nuri, fondé le siècle précédant par Nur ad Din al Zangui, il étudie aussi de son côté les ouvrages d’Al Razi, Ibn Sina et du juif, Maïmonide. Reconnu par ses pairs, il devient alors à terme, dans ledit hôpital, un enseignant et superviseur respecté. C’est âgé de 25 ans qu’il s’est rendu au Caire, en Egypte, où, réclamé par les autorités ayyoubides, il officie en chef à l’hôpital Al Nassiri comme à l’hôpital Al Mansuriya. Il s’y fait aussi l’enseignant du célèbre chirurgien Ibn al Quff al Masihi. Adoptant la dissection comme méthode de travail, Ibn an Nafis aboutit ainsi à une découverte majeure : celle de la petite circulation sanguine. En somme, il découvre non seulement le mouvement du sang dans les artères coronaires mais aussi celui vers les poumons pour les fournir en air. Il rend compte également de l’inexistence de l’air ou de sédiments dans les artères pulmonaires, contredisant ainsi le célèbre grec Galien. Il a, dans une logique continuité, été le premier à décrire correctement les poumons, les bronches et prouver l’interaction existant entre les vaisseaux et le sang. Prenant la plume, il sera l’auteur de nombreux ouvrages et commentaires. Il y a d’abord le Sharh Tashrih al Qanun, soit un commentaire du Canon d’Ibn Sina, dans lequel il n’hésite pas à se faire le plus acerbe des critiques du savant perse, offrant encore ses propres vues dans les domaines de l’anatomie, de la pathologie et de la pharmacologie. Il y a encore Al Kitab Al Shamel fil Tibb, une encyclopédie médicale de 300 volumes, mais qu’il ne sut achevée avant sa mort ; un traité d’ophtalmologie, Al Madhhab Fil Kohl ; un abrégé sur la loi, Mujaz al Qanun, un plus petit résumé du Canon d’Ibn Sina ; Al Mukhtar fil Aghdhiya, un livre sur les effets du régime sur la santé ; des commentaires sur les aphorismes et les épidémies du savant antique et grec, Hippocrate. Ne se mariant jamais, Ibn al Nafis aura passé sa vie à apprendre et enseigner. En matière d’islam, il s’était fait une spécialité d’étudier le droit chaféite, l’une des quatre écoles de fiqh et école prédominante en Egypte et en Syrie. On lui doit ainsi un commentaire de At Tanbih, œuvre majeure de l’imam Ash Shirazi, et un commentaire d’Al Mujaz, autre titre de droit chaféite. Certains de ses propres commentaires feront même école, faisant de lui un mujtahid du madhab chaféite. Il publiera aussi Ar Risala al Kamiliyya fi as Sira al Muhammadiyya. Edité en Europe et en latin sous le nom de Theologus Autodictus, ce livre est considéré comme l’un des premiers romans mêlant philosophie, science et fiction, dans le même genre que l’œuvre le précédant d’Ibn Tufayl, Hayy ibn Yaqdhan. Ibn al Nafis y place là son héros, Kamil, au centre d’une histoire pour l’époque très originale : l’enfant généré seul sur une île déserte, atteint par la raison et l’expérience la vérité muhammadienne avant d’être au centre d’une intrigue invitant à une réflexion sur le futur. Il rédigera même un ouvrage sur les fondements du hadith, Mukhtasar fi ilm usul al Hadith. Ibn al Nafis va encore être l’auteur d’un ouvrage de grammaire arabe et s’intéresser à la logique, ceci en commentant d’autres œuvres d’Ibn Sina, telles Al Hidaya et Al Isharat. D’Ibn Sina, il fera encore le commentaire d’Al Shifa, œuvre magistrale traitant tant de médecine, d’astronomie, de mathématique que de logique et de foi. Savant complet et précurseur en matière de médecine, ses observations (ou raisonnements) précédant les travaux des médecins Servet, Valverde ou Colombo ne seront cependant que tardivement reconnues. En effet, il faudra attendre 933 H (1527) pour que son commentaire du Canon d’Ibn Sina soit traduit en latin, par Andra Alpago de Belluno. Certains estiment cependant que les savants sus mentionnés avaient eu vent des avancées du savant musulman, faisant d’Ibn Sina le possible pont ayant permis la transmission de certains des plus importants savoirs du monde musulman au monde chrétien.